Reproduction en captivité

Raies pastenague à points bleus : l'Aquarium de La Réunion surfe sur la vague du succès

  • Publié le 6 mars 2022 à 12:48
  • Actualisé le 6 mars 2022 à 13:59

Le programme de reproduction en captivité des raies pastenague à points bleus de l'Aquarium de La Réunion entre dans sa troisième année. Avec six petits qui ont vu le jour depuis 2020, c'est un succès pour l'équipe scientifique réunionnaise qui participe à la préservation de l'espèce à travers un programme d'études européen.

Depuis 2020, les carnets rose et bleu de l’Aquarium de La Réunion continuent de se remplir grâce à deux couples de raies pastenague à points bleus dont six petits ont vu le jour en captivité pour la plus grande fierté des soigneurs de l’équipe scientifique.

"Comme tant d’autres, ces espèces sont malheureusement victimes de la sur-pêche et voient leur habitat naturel menacé. Nous nous sommes lancés dans ce programme de reproduction en captivité pour éviter leur prélèvement dans le milieu naturel. Le but est de les faire se reproduire pour ensuite les réintroduire dans l’océan", précise Thomas Joubert, responsable aquariologie de l’Aquarium de La Réunion.

La raie pastenague à points bleus de son nom scientifique Taeniura Lymma, est sur la liste rouge des espèces menacée de l’UICN, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature avec le statut NT, c’est-à-dire presque vulnérable. D’où l’importance de la reproduction en captivité et à ce titre, l’Aquarium de La Réunion a intégré un programme d’étude européen (European Studbook) dont l’objectif est de favoriser la reproduction en captivité de cette espèce au sein des aquariums publics membres de l’union européenne des conservateurs d’aquariums (EUAC).

- Les heureux parent sont deux couples venant du Kenya -

Les six bébés raies pastenague à points bleus qui font la fierté de l’équipe scientifique sont nés entre le 21 avril 2020 et le 24 novembre 2021 et ont pour parents deux couples en provenance du Kenya. Il faut savoir que la raie est ovovivipare : les œufs incubent et éclosent dans le ventre de la femelle. Ce type de reproduction permet à cette espèce de protéger ses petits plus longtemps et de retarder leur libération dans le milieu marin. Ainsi, les animaux ovovivipares naissent à un stade de développement plus avancé que les animaux ovipares (œufs expulsés dans la mer).

Selon Fishbase (système mondial d’information sur les poissons destiné aux chercheurs, zoologistes, écologistes, enseignants, gestionnaires des pêches…), la gestation des raies pastenague à points bleus dure environ 5 mois pour 6 à 7 petits par portée.

À leur naissance, les bébés (qui mesurent environ 13 ou 14 cm de large pour une taille adulte de 70 à 90 cm de long pour un diamètre d’environ 35 cm) se nourrissent d’un mucus nutritif sécrété par leur mère durant 15 jours au bout desquels les scientifiques prennent le relais pour les sevrer progressivement grâce à une alimentation à base de crevettes, de filets de poisson, de céphalopodes, de moules, le tout enrichi de vitamines sur les conseils d’un vétérinaire pour pallier tous risques de carences.

- A l’abri en quarantaine dans la pouponnière -

Ce régime se poursuivra jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de rejoindre leur milieu naturel. "Idéalement, on aimerait relâcher nos spécimens mais ce n’est pas d’actualité car dans le cadre de notre programme européen, nous avons bon espoir de procéder à des échanges avec d’autres aquariums. Des discussions à ce sujet sont d’ailleurs actuellement en cours", poursuit Thomas Joubert. 

Pour le moment, les petits poursuivent leur croissance bien à l’abri en quarantaine dans la pouponnière. Seul un spécimen visible du public évolue avec ses parents.

Le but de cette reproduction en captivité n’est donc pas forcément de repeupler l’océan même si la raie pastenague à points bleus est considérée comme “en danger”. Et Thomas Joubert de conclure : " Grâce à ce programme de préservation de l’espèce, on participe à l’amélioration des connaissances ". C’est également un support pédagogique pour sensibiliser le public au monde marin. Et une façon de garder un œil sur l’avenir !

• Quid de l’hippocampe dit "de Bourbon" ?

C’était en 2000. Patrick Durville, alors à la tête de L’Aquarium de La Réunion, et son équipe en partenariat avec l’Arda, l’Ifremer et la DSV, se lançaient dans l’installation d’une "nursery" pour reproduire en captivité des spécimens d’hippocampes dits de La Réunion. Une espèce recencée dans les fichiers de Fishbase sous les appellations Hippocampus Kuda, Whitei, Histrix ou encore Borboniensis.

Initialement au stade d’essai, le concept va peu à peu prendre de l’essor grâce à quelques spécimens découverts dans les filets de pêcheurs. Car ces hippocampes évoluent généralement dans d’étroites bandes le long des côtes et en eaux peu profondes. Au fil des reproductions, pas moins d’une quarantaine de géniteurs étaient répertoriés dans les bacs et plusieurs couples s’étaient ainsi "formés" pour procréer. Une franche réussite dont l’équipe scientifique était fière malgré quelques pertes.

Près de 22 ans plus tard, tout s’est malheureusement arrêté. "La reproduction en captivité des hippocampes est très difficile car c’est une espèce très sensible aux variations de température. Observation, essais, méthodes d’élevage et au-delà de la reproduction pure et simple, il faut réussir à maintenir en vie les nouveau-nés. Je ne suis donc pas surpris de l’arrêt du programme", confie avec regret Thomas Joubert.

- Encore méconnu -

Car à l’époque, L’Aquarium de la Réunion était précurseur dans sa démarche de protection du mystérieux hippocampe "de Bourbon" qui méritait franchement d’être mieux connu du grand public.

Thomas Joubert qui a repris les rênes de L’Aquarium depuis trois ans, est un familier de la reproduction d’hippocampes en captivité. " En Thaïlande, j’avais développé une méthode d’élevage d’hippocampes la moins onéreuse possible. Puis pendant six ans, au Zooparc de Beauval, j’ai continué la reproduction d’hippocampes tropicaux, en tant que responsable aquarium-vivarium. Je ne serais donc pas en terrain inconnu si on décidait de relancer le programme Hippocampus Borboniensis. C’est mon souhait mais à l’heure actuelle, difficile de savoir si on pourra mener ce projet à terme".

Comme à l’impossible, nul n’est tenu, l'affaire est à suivre

vw/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Triste monde
Triste monde
3 ans

La vie avant la guerre. Et personne pour mettre fin à cette horreur.

Antipode
Antipode
3 ans

"nous avons bon espoir de procéder à des échanges avec d'autres aquariums""Le but de cette reproduction en captivité n'est donc pas forcément de repeupler l'océan"Tout est dit ! SVP, abstenez-vous d'aller voir vos "amis" les animaux en prison, comme de les manger !