Des convois et après…

Route de Salazie : de fermeture en fermeture, le quotidien compliqué des habitants du cirque

  • Publié le 4 février 2023 à 11:57
  • Actualisé le 4 février 2023 à 13:08

Dans la nuit du 25 au 26 janvier 2023, un important éboulement, provoqué par les fortes pluies, a eu lieu sur la RD 48 route de Salazie au lieu-dit « La Passerelle ». Après cet épisode, la décision a été prise par le Conseil départemental de fermer totalement la route jusqu’à nouvel ordre. Cela afin de permettre des travaux de purges et de réparation. Le chantier pourrait durer trois semaines. Seuls quelques convois peuvent passent à des horaires bien précis. Un scénario qui se répète encore et encore à chaque éboulement qui impacte fortement la vie des habitants du cirque (Photo sly www.imazpress.com)

Laëtitia habite à Salazie depuis trois ans. Trois années où elle vit au rythme des éboulements et fermetures. La jeune femme, mère d’un enfant en bas-âge, travaille sur Sainte-Marie. Chaque matin, chaque soir, elle subit les fermetures. « En ce moment je travaille de 6 heures à 14 heures et du coup le matin je suis obligée de tout calculer pour partir tôt », nous dit-elle.

Le soir, c’est pire. Quittant le travail à 14 heures, « quand je monte la route est fermée et du coup je dois attendre jusqu’à 17 heures le prochain convoi, en plein soleil, dans ma voiture ». 200 véhicules patientent ainsi, chaque jour, à chaque convoi, pour se rendre à Salazie.

Une véritable difficulté pour cette jeune maman dont le bébé est à la crèche de Salazie. « Je suis obligée d’appeler à gauche et à droite pour trouver une solution pour le récupérer, c’est toute une organisation. »

Pour Laëtitia, cette situation est intenable. « Depuis l’an dernier et le système de purges instauré c’est infernal », témoigne-t-elle. « On ne comprend pas pourquoi depuis la purge du mois de mars plus de rochers tombent », ajoute la Salazienne. Le problème, « est que l’on n'a aucune information », précise Laëtitia, en colère et apeurée.

« C’est la première fois que je passe sur cette route et que j’ai à ce point peur ». Peur, surtout lorsqu’elle roule et qu’elle croise un panneau avec inscrit « Attention chute de pierres, danger de mort ».

- Dans la crainte d'un drame -

C’est d’ailleurs à la suite à ces fermetures à répétition que s’est créé, il y a trois mois, le collectif « Nout’ Gayar Salazie ». Il se mobilise aujourd’hui pour faire la lumière sur la fermeture de la route de Salazie.

« Depuis mars 2022 et la fin de travaux qui ont duré huit mois, il y a eu plusieurs chutes de pierres, plus un éboulement le 24 décembre et un autre le 26 janvier », explique Cindy Barbe-Robert, membre du collectif. « Pour nous, c’est un combat quotidien », lance-t-elle. « On est obligé de composer avec ça car il faut sécuriser la falaise

Soutenu par le député de la 5ème circonscription Jean-Hugues Ratenon, le collectif veut que « l’état de catastrophe naturelle soit déclaré afin que soit mis en place un fonds de solidarité régionale pour aider le monde économique du cirque ». Il demande également la réunion d’un comité de pilotage composé des différentes institutions "pour faire toute la transparence sur cette route et trouver une solution pérenne le plus rapidement possible". « Il faut désenclaver Salazie. On vit avec une épée de Damoclès et on ne veut pas que cela se termine en drame », clame Cindy Barbe-Robert.

Jean-Hugues Ratenon est monté au créneau en interpellant directement le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et son ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco.

"Hier (jeudi - ndlr) Je me suis rendu comme prévu dans le cirque de Salazie à la rencontre de la population, des usagers de la route et du maire, Monsieur Stéphane Fouassin. Ce dernier m’a fait part de ses inquiétudes et de son souhait de voir l’union se réaliser sur ce problème" souligne le parlementaire.

"Le maire m’a indiqué être en relation directe avec le conseil départemental et avoir adressé un courrier à la Présidente de Région. Je vais, par conséquent, me rapprocher des cabinets de ces deux collectivités", déclare le député.

"J’ai ensuite rencontré les membres du collectif « nout gayar Salazie ». Les mêmes doléances ressortent tant sur le plan économique que social avec une question : à quand un retour à une vie normale dans le cirque ?", dit-il encore.

A l’issue de ces échanges, Jean-Hugues Ratenon retient trois souhaits de la population, et des élus : l’urgence de réaliser des études pour un nouveau tracé de la route ; sécuriser au maximum la route actuelle et la rendre aux habitants et visiteurs et identifier clairement les responsables sur le plan juridique de cette RD48 en cas de sinistre.

"En aucun cas, les automobilistes ne doivent assumer les dommages sur leurs véhicules. D’autant plus, qu’ils n’ont aucun autre itinéraire à emprunter pour se rendre sur le littoral", souligne le député de la 5ème circonscription.

"Le cirque de Salazie est l'un des joyaux de notre ile. A tous les niveaux de décisions nous devons tout mettre en œuvre pour leur apporter de l’aide et des solutions durables garantissant leur sécurité", conclut-il.

Stéphane Fouassin, maire de Salazie, a demandé à la Région et au Département que des aides soient mises en place pour le monde économique, que cela soit pour les agriculteurs ou les habitants.

- Une route exposée aux chutes de blocs -

« La route de Salazie est depuis toujours fortement exposée aux risques de chutes de blocs et éboulement », confirme le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). « Cela est lié à sa position le plus souvent en pied de parois de grandes hauteurs. Leurs pentes très fortes et leur nature géologique prédisposent naturellement ces parois au déclenchement d’instabilités gravitaires », ajoute Marie Chaput, ingénieure risques naturels.

Depuis 20 ans, le BRGM a recensé plus de 500 événements de chutes de blocs sur cette route, ce qui correspond à 30 événements par an en moyenne.

« Certaines portions de route sont plus exposées que d’autres, principalement du fait de leur implantation directement en pied de paroi. Toutefois, on n’observe pas de tendance à l’augmentation du nombre d’évènements sur les 20 dernières années », précise Marie Chaput.

« Actuellement, on ne peut pas prédire si les évènements seront plus nombreux ou moins nombreux avec le temps. Ce que l’on constate, c’est que les chutes de blocs sont plus fréquentes lors d’épisodes pluvieux intenses, qu’il y a une corrélation entre les cumuls de pluie journaliers et la fréquence des évènements et que les instabilités se produisent majoritairement le jour et le lendemain de la pluie », ajoute l’ingénieure.

Mais alors, y-a-t ’il des solutions pour éviter ces chutes et le risque pour les automobilistes ?

« Il est impossible d’empêcher tout départ de bloc vu l’étendue des parois qui dominent la route, mais il est possible de mettre en œuvre des parades pour limiter les risques d’atteinte de ces blocs sur la chaussée, en particulier dans les secteurs les plus actifs et les plus exposés », indique le BRGM.  

« C’est d’ailleurs ce qui est régulièrement réalisé sur la route de Salazie, avec par exemple la pose de merlons de gabions, l’installation de filets en paroi, voire l’éloignement de la route du pied de paroi lorsque cela est possible. »

« L’exemple des travaux menés en 2016 dans la zone du Tournant Z montre que les travaux de sécurisation peuvent s’avérer très efficaces, puisqu’il n’y a plus eu d’atteintes recensées depuis dans ce secteur », ajoute Marie Chaput. « Les gabions, les filets permettent d’intercepter les chutes de blocs jusqu’à un certain volume. »

En revanche pour les éboulements impliquant de très gros volumes de matériaux, « peu de solutions existent, à part l’éloignement de la route, ce qui est rarement possible dans le cas de la route de Salazie, compte tenu de l’espace très contraint entre les remparts et le lit de la rivière du Mât », conclut le Bureau de recherches géologiques et minières.

« Il n’y a pas d’étude pour une solution pérenne », explique le maire de Salazie. « Il y a eu des études pour faire un téléphérique mais cela ne règlera pas le problème de la route », ajoute Stéphane Fouassin. « Il faut trouver un tracé pour éloigner la population des risques mais je n’ai pas de baguette magique. » « Il faut étudier chaque portion pour apporter une sécurisation maximale », note l'élu.

L’important, pour l’édile, « c’est d’avoir un moyen de sortir et d’avoir un nouveau tracé ». « Le risque est partout sur la route de Salazie. » Mais il est difficile de modifier une route coincée entre la rivière du Mât et la montagne, comme l’expliquait le BRGM.

« Il faut avoir conscience que l’on est en montage, on ne pourra jamais apporter une sécurité à 100% », lance Stéphane Fouassin.

- Des convois à répétition… mais pas suffisamment -

Des convois sur la route de Salazie, cela fait des années que ça dure, dès lors que la route est fermée pour cause d’éboulis. Et malheureusement pour les Salaziens, c’est un peu trop fréquent.

Pour cet incident, les convois sont organisés de 6h à 8h30, de 12h à 14h et de 17h à 19h. Ces convois restent soumis à des conditions météorologiques favorables. En dehors de ces horaires, la route reste officiellement fermée.

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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