Culture

Saint-Pierre : "Le Soulèvement du Point" exposé au centre culturel Lucet Langenier

  • Publié le 25 novembre 2022 à 16:43
  • Actualisé le 25 novembre 2022 à 17:04

Ce vendredi 25 novembre a eu lieu le vernissage de l'exposition "le Soulèvement du Point" de l'artiste réunionnaise Prudence Têtu, au lycée professionnel François de Mahy à Saint-Pierre. Des œuvres articulées autour des luttes identitaires, des révoltes intimes, des combats égalitaires y sont proposées. Par ces propositions artistiques, l'artiste "interroge ainsi les fondements de la parité de l'égalité et de la diversité ethnique et culturelle à la Réunion", indique la FRAC (Fonds régional d'art contemporain de La Réunion). L'exposition se tient jusqu'au 15 décembre 2022, sur le site du Centre culturel Lucet Langenier. Nous publions ci-dessous le communiqué du FRAC. (Photo : DR)

Le FRAC RÉUNION, en partenariat avec le Lycée professionnel François de Mahy, la Ville de Saint-Pierre et le Cléa est heureux de vous présenter l'exposition Prudence Têtu, Le soulèvement du point qui prend place dans le container du FRAC installé sur le site du Centre culturel Lucet Langenier. Cette proposition s'inscrit dans la convention signée cette année par le Lycée professionnel François de Mahy et le FRAC REUNION.
Cette exposition porte sur les œuvres de la jeune artiste réunionnaise Prudence Têtu qui viennent s'articuler autour des luttes identitaires, des révoltes intimes, des combats égalitaires. L'artiste coud ses luttes et, armée de ses aiguilles, vient tisser les pans de ces questionnements. autour de la notion de citoyenneté. À travers différents médiums, l'artiste interroge les fondements de la parité, de l'égalité et de la diversité ethnique et culturelle à la Réunion. En adoptant la couture, l'artiste synthétise ses luttes et fait passer ses désirs de soulèvement du poing - au soulèvement du point.
Cette exposition, portée par une jeune commissaire indépendante et le FRAC RÉUNION vient affirmer la nécessité sans appel de soutenir la jeune création et, à travers elle, de toujours rester alerte et attentif à tous les enjeux du monde d'aujourd'hui et de demain.

« Soit je sui personne, soit je sui une nation »

La pratique de Prudence Têtu a pour fil rouge la couture, un savoir-faire transmis par sa grand-mère. La jeune artiste a appris à coudre très tôt et a su
transformer cette activité domestique en véritable outil pour énoncer, dénoncer et brandir des étendards. Elle incarne la figure de l'artiste qui
brode inlassablement durant des heures dans un acte de résistance, une révolution menée depuis sa table de couture que symbolise sa Little militant box. une petite boite à couture blanche qui renferme précieusement aiguille et pelote de fil. Les ouvrages en textile de Prudence (costumes. écharpes, drapeaux) ont pour point commun la mise en lumière de stéréotypes qui façonnent la société et les rapports humains, notamment la société créole largement constituée à partir du regard de l'autre et dans un rapport de subalternité.

Ce sont donc ces questionnements identitaires qu'elle révèle par le jeu des négations avec des revendications laconiques souvent en anglais mais aussi
en français ou en créole, des slogans brodés sur des écharpes : « I m not your negro ». I'm not your Venus ». "Mi lé pas gros blanc ", etc. Elle pose le refus des assignations identitaires et l'usage du créole est aussi un moyen d'affirmer la "batarsité", soit le brassage des cultures à l'origine de la civilisation réunionnaise. C'est en niant l'humain que s'est construit la domination coloniale et c'est sur ce retournement du refus à l'existence que
se bâtit la dialectique de Prudence Têtu Ses mots me ramènent à ceux du poète Derreck Walcott, « soit je ne suis personne, soit je suis une nation car au fond, il s'agit d'affirmer sa présence au monde, sa pluralité dans le « je » en fondant sa propre nation.

Cette logique de « déconstruction-fondation » se retrouve dans les drapeaux uniques qu'elle fabrique en interrogeant la population locale. Sé kwé out drapo pou la Rényon ? (Quel serait ton drapeau réunionnais ? 2019). Ainsi, elle réalise un drapeau pour chaque individu, chacun collaborant à cette représentation de l'identité réunionnaise. Le drapeau symbole d'une possession du territoire devient un objet à l'échelle de l'individu. Il reterritorialise l'être qu'on a subtilisé de la carte en l'arrachant à sa terre ou lui refusant la connexion à la terre. C'est donc contre le refus du monde imposé aux hommes qui ont peuplé les espaces créoles que s'érigent les drapeaux de Prudence. des royaumes pour le cœur des hommes. A l'instar d'autres drapeaux conçus par des artistes. ceux de Raphaël Barontini dont elle apprécie particulièrement le travail ou ceux du collectif Société Réaliste, ses drapeaux brouillent les repères et ne connaissent pas de frontières.

Enfin, dans le corpus des œuvres de Prudence Têtu, les costumes apparaissent davantage comme des sculptures alors que les autres pièces
sont des objets pour le corps, écharpe à porter ou drapeau à brandir. Les costumes parent des êtres sans corps, fantomatiques. La figure de la nénène, la nourrice en créole, est de celle qui traverse les supports. Une écharpe lui est dédiée et elle est à l'origine du premier costume qu'elle a créé en mixant des toiles traditionnelles issues du folklore des îles et l'hexagone. Parmi les opprimé-e-s, la femme est une figure qui fait partie de ses préoccupations d'où les formes qu'elle s'approprie comme l'écharpe faire-valoir de la beauté dans l'univers des miss ou du pouvoir dans le monde politique. Il n'y a pas de hasard. Prudence Têtu a choisi d'allier le texte (du latin textus « tissu, trame ») au textile, de l'origine latine textilis, « tissé, tressé, entrelacé ». pour parler du maillage complexe de l'identité et amener le corps singulier à faire sens dans le collectif.

La présentation de l'exposition Prudence Têtu, Le soulèvement du point au sein du container du FRAC RÉUNION s'inscrit dans une volonté forte de soutenir et accompagner la jeune création réunionnaise. Cette monstration s'inscrit dans le cadre de la convention signée avec le Lycée François de Mahy cette année. Elle témoigne d'une volonté du FRAC RÉUNION d'emmener l'art partout et tout le temps et de bâtir des ponts. entre les artistes, avec les publics sur tout le territaire. Sur une proposition du Lycée François de Mahy. le FRAC RÉUNION accompagne deux évènements citoyens incontournables de cette fin d'année la journée de la laïcité et celle qui commémore l'abolition de l'esclavage. Les œuvres de Prudence Tètu, présentées en parallèle de ces deux évènements. sont une invitation supplémentaire à la réflexion collective sur ces questions •qui lient tous ceux qui
aspirent à « une société dont tous les membres sont juridiquement et politiquement égaux, quelles que soient leurs origines et leurs caractéristiques » FRAC BAT KARÉ. le container du FRAC RÉUNION qui circule depuis l an sur tout le territoire permet d'aller au plus près des publics et d'offrir une exposition intimiste et conviviale. Dans cet espace restreint, le rapport aux œuvres est particulièrement fort, et les médiateurs du FRAC apportent des élément de lecture et de compréhension.

LIEU

Frac bat karé, le container du Frac réunion - centre culturel Lucet Langenier, Ravine blanche // Saint-Pierre, du vendredi 25 novembre au jeudi 15 décmbre 2022.

Horaires :
lundi. mardi, jeudi vendredi : de 9h à 12h et de 13h à 16h
mercredi : de 9h à 12h et de 13h à 17h
samedi : de 9h à 12h
les soirs de spectacle. jusqu'à 19h45
entrée libre
visite de groupes et scolaires sur rendez-vous
cdr.pierremacquart@saintpierre.re

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