Prudence

Saxenda : (mal) utiliser ce médicament pour maigrir rapidement a un prix (aussi) pour la santé

  • Publié le 27 mai 2024 à 10:00
  • Actualisé le 27 mai 2024 à 17:11

Depuis des mois, sur les réseaux sociaux, plusieurs influenceurs vantent les vertus minceurs du Saxenda, un médicament qui agit comme un coupe-faim. Toutefois, si son efficacité est prouvée scientifiquement, il fait craindre aux autorités sanitaires un mauvais usage de la part de personnes qui souhaiteraient seulement perdre quelques kilos. Cela d'autant que de nombreux effets secondaires peuvent exister. Le Saxenda était initialement utilisé sous le nom commercial de Victozal pour traiter le diabète. Maigrir pour son bien-être personnel, pour sa forme est très important… mais pas au détriment de sa santé (Photo sly/www.imazpress.com)

Sur Tik Tok, il est possible de trouver tout un tas de conseils et d’astuces pas toujours bonnes. Les influenceurs y présentent d'ailleurs le Saxenda. Un médicament coupe-faim destiné aux personnes en surpoids et selon certaines conditions.

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C'est d'ailleurs en ayant vu les réseaux sociaux que Sarah (prénom modifié), 22 ans en entend parler.

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Sarah estime être en surpoids. "Je pesais 92 kilos pour 1,75, c'était beaucoup trop. J’ai grossi petit à petit à la fin de mon adolescence et cela me complexe beaucoup", confie-t-elle.

Depuis quelques années, elle enchaîne les régimes, les inscriptions en salle de sport, et surtout les complexes.

"J’avais entendu parler de ce médicament (le Saxenda) sur les réseaux sociaux. Plusieurs filles disaient qu’il était très efficace et qu’il faisait vraiment maigrir", détaille-t-elle.

Elle hésite pourtant à prendre ce remède miracle. Le déclic s’est produit en début d’année 2024 lorsque "je me suis vu dans un miroir dans un commerce, je me suis trouvée vraiment très grosse, je ne pouvais plus le supporter".

Alors, elle essaye d’acheter le médicament. Elle se renseigne d'abord sur internet puis tente de l’obtenir dans une pharmacie.

Le praticien refuse en lui indiquant qu’il lui faut absolument une ordonnance.

- Un médicament coupe-faim... qui n'est pas à prendre n'importe comment -

Sarah poursuit en expliquant que : "je suis allée voir mon médecin traitant. Il me connaît depuis que je suis toute petite, il savait que je voulais maigrir. Il me disait juste régulièrement "arrête de manger".

"Il m’a donné mon ordonnance sans problème. Il ne m’a rien dit de particulier sur le médicament. Il ne m’a pas fait faire d’analyses de sang avant", explique-t-elle.

Le médicament n’est pas remboursé par la sécurité sociale dans son cas. Elle doit payer plus de 100 euros.

Pourtant, le Saxenda est loin d’être un produit à prendre n’importe comment.

"Ce médicament sur prescription est indiqué en complément d'un régime hypocalorique et une activité physique pour perdre du poids", indique Cyril Apostoloff, porte-parole du syndicat des pharmaciens de La Réunion.

Un produit pharmaceutique destiné aux personnes ayant un IMC (indice de masse corporelle) supérieur à 30 et/ou aux personnes ayant un IMC entre 27 et 30 mais présentant un facteur de comorbidité (risque cardiovasculaire, diabète, hypertension...).

"Le Saxenda agit sur le système hormonal", explique Cyril Apostoloff.

Saxenda est un médicament de la famille des analogues du GLP-1, dont le principe actif est le Liraglutide. Il s'agit d'une solution injectable sous-cutanée.

"Ce médicament a un effet sur la perte de poids. Il se fixe sur un récepteur au glucagon et permet de réduire la glycémie", explique le docteur Benjamin Dusang, président du Conseil de l'ordre des médecins de La Réunion. "Il facilite la production d'insuline et pour le coup, on s'est aperçu que les gens avaient moins faim et perdaient du poids."

"Ce médicament fait que le cerveau reçoit des informations par molécule qu'on appelle le GLP et fixe les récepteurs. Il envoie un message de satiété", explique le professionnel de santé. Une molécule qui informe au corps qu'il n'a plus faim.

Toutefois, il ne s’agit pas d’un remède miracle. Ainsi, il doit être prescrit en complément d’un régime alimentaire hypocalorique et d’une activité physique régulière.

Concernant la posologie, c’est au médecin de la déterminer en fonction de chaque patient.

Au bout de 12 semaines, le médecin réalise un bilan avec son patient.

Lorsqu'il arrête définitivement le traitement, le patient doit faire preuve de vigilance s’il veut maintenir sa perte et stabiliser son poids. L’accompagnement d’un expert en nutrition est alors essentiel.

- Un suivi régulier -

"Le médecin doit s'assurer que le médicament est bien pris, que la prescription est bien comprise." "Il doit également indiquer quels sont les effets secondaires", indique le Docteur Dusang.

"Il faut suivre, d'autant plus ces malades en surpoids qui peuvent avoir des difficultés dans leur vie et qui méritent un accompagnement." Car "il ne suffit pas de donner des traitements, il faut revoir le patient régulièrement pour voir si tout se passe bien, si la personne a changé des habitudes alimentaires, si elle n'a pas d'effets secondaires".

"Et cela vaut pour n'importe quel traitement", ajoute-t-il.

"Le médicament ne doit pas être le seul arc. Nous avons les flèches mais il faut modifier son alimentation et reprendre une activité physique." Toutefois, le médecin prévient, "il faut continuer à manger pour éviter les carences et une dénutrition".

Si Sarah évoque l'absence de recommandations de la part de son médecin, selon le Docteur Dusang, "il faut malgré tout rester raisonnable et ne pas trop être sévère avec le prescripteur ou produit lui-même car tout dépend de comment il est utilisé".

La chose est de toujours demander conseil et "particulièrement à son médecin traitant qui est à même d'apprécier le contexte et conseiller son patient".

La personne doit prendre le temps de réfléchir et "de penser aux conséquences de ce que l'on choisi", note le docteur Benjamin Dusang.

"Les réseaux sociaux et la société ont leur part de responsabilité. Il y a une surexposition des jeunes femmes avec un corps qui n'est pas celui de la vraie vie", ajoute-t-il. "Cela pose le problème de la responsabilité de la société."

"On ne peut pas empêcher les gens d'avoir envie de prendre ce médicament mais il faut un accompagnement global." "Sur internet il peut y avoir tout et n'importe quoi. Sauf que dans la réalité il y a de vrai danger car on ne sait pas ce que l'on achète."

- Le traitement coupe-faim à l’origine d’effets secondaires -

À l’achat du produit, le pharmacien la met fortement en garde contre les effets secondaires. Sarah commence les injections en février. Elle s’injecte elle-même le produit. Un peu plus de six semaines plus tard, elle a perdu une dizaine de kilos. "J’étais super contente, super heureuse" se souvient-elle.

Elle arrête les injections pendant quelques jours. "Je m’étais mise au sport et je me suis dit que peut-être cela suffirait pour continuer à perdre du poids".

Elle n’est pas satisfaite du résultat même si elle ne reprend pas de poids. "Alors j’ai décidé de reprendre les injections et d’augmenter la dose prescrite pour rattraper les jours où je n’en avais pas fait", détaille la jeune femme.

C’est alors que se manifestent d’importants effets secondaires. Sarah est prise de vomissements à la moindre bouchée de nourriture, elle souffre de maux de tête et d’une importante fatigue.

"Évidemment il y a l'hypoglycémie, les maux de tête, les nausées, les vomissements, des vertiges", précise le pharmacien. Tous ces maux décrits par Sarah.

Mais attention, "chez une personne qui fait attention à son poids, cette spirale de la minceur coûte que coûte, peut entraîner un risque de descente de la glycémie dangereux".

Le comité de sécurité de l'Agence européenne du médicament (AEM) a même lancé une évaluation du risque suicidaire et d'automutilation.

"L'examen a été déclenché par l'agence des médicaments islandaise, après des signalements de pensées suicidaires et d'automutilation chez des personnes recourant à des médicaments (dont les principes actifs sont) le liraglutide et le semaglutide", a indiqué l'AEM, citant des substances actives analogues au GLP-1.

Le comité de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a conclu suite à son évaluation que les données disponibles à ce jour ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre les médicaments de la classe des analogues du GLP-1 (glucagon-like peptide-1) et des idées ou actes suicidaires ou d’automutilation.

- Un mésusage constaté mais encore faible -

Sur les conseils de ses proches, Sarah finit par arrêter les injections. "Je n’en ai pas refait depuis. J’essaye de stabiliser mon poids en faisant attention à la nourriture et en faisant du sport. J’espère que cela suffira", déclare la jeune femme.

Elle dit qu’elle ne reprendra plus jamais ce médicament "ça m’a rendu trop trop malade", souffle-t-elle.

Selon le pharmacien (Apostoloff), pour l'heure, si cet effet de mode est très présent sur les réseaux sociaux, avec des risques pour les patientes, à La Réunion, "on n'a pas vu d'augmentation de prise de ces médicaments."

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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4 Commentaires
Gilou
Gilou
4 mois

Mes amitiés à Cyril Apostoloff qui fut mon pharmacien il y a une quinzaine d'années en bas de la Rivière des pluies et dont je garde le meilleur souvenir ainsi que de son épouse ! Amitiés de la Moselle et de Kédange!

Lal
Lal
4 mois

Le meilleur remède

Arrête le Mac do.

Paule Fabien
Paule Fabien
4 mois

Bravo au “médecin” de Sarah qui répond à sa patiente en souffrance “arrête de manger” !!! Ça c’est un “thérapeute “ comme en redemande ! Et qui lui signe sans sourciller (et sans aucun bilan préalable) une ordonnance pour un médicament aux effets lourds et potentiellement dangereux. Un robot le remplacerait avantageusement.

Tom
Tom
4 mois

Nous sommes dans un monde de plus en plus faible ou tout doit être rapide et facile, resté dans votre confort et sur le long terme vous aurez des problèmes, aller cherché la souffrance (sport, travail etc..) et vous aurez la satisfaction et récompense sur le long terme...