Lors de sa troisième conférence de presse vendredi 30 novembre, son auditoire l'attendait prioritairement sur l'octroi de mer et le coût de la vie à La Réunion. Certes, Annick Girardin y a fait écho après un roman fleuve de belle tenue sur fond de Marseillaise et de vivre-ensemble péi. Et aussi, pour faire bonne mesure, quelques remontées de bretelles pour les perturbateurs ayant mis à mal ce modèle. Le coût de la vie, il fallait bien finir par y venir mais contrairement à ce que certains espéraient, ce ne fut pas le grand soir de la vie chère et de l'inégalité salariale entre public et privé, et pas encore l'avis de décès de l'octroi de mer. Néanmoins force est de constater que la ministre de l'Outre-mer a tenté de remettre le bateau dans le sens de la vague avant de reprendre l'avion...
10% de baisse sur le "bouclier-qualité-prix"
Ce "panier abordable", en place depuis 2013, compte 109 produits et se renouvelle tous les ans. En 2019, pas question de jouer les prix à la hausse : la coût de ce panier, 290 euros, va baisser de 10%, soit un gain de pouvoir d'achat de 29 euros par mois, car Annick Girardin "souhaite que le prix maximum de ce panier ne dépasse pas la moyenne constatée sur l'année 2018".
Ce n'est pas encore le jackpot, mais un bon début, d'autant que la Ministre va demander que les 20 produits les moins vendus de cette sélection soient remplacés par des produits équivalents mais de gamme supérieure. Pour le coup, le gain de pouvoir d'achat en qualité est encore valorisé.
Les marchés d'importation et de distribution sous surveillance
Ce n'est pas une mesure récente, puisqu'Annick Girardin a précisé avoir demandé, dès le mois de juin, à l’Autorité de la Concurrence de produire un avis sur le fonctionnement des marchés d'importation et de distribution des produits de grande consommation outre‐mer. Comme le dossier est déjà en cours, un avis sera rendu au premier trimestre 2019 "et nous le présenterons publiquement devant vous", a t-elle assuré.
Savoir ce qui se passe est une chose, mais pour ne pas s'en tenir à "Parole, parole, parole...", il faut aussi un plan d'action derrière. C'est ce que semble envisager la ministre, au moins sur le terrain des matériaux de construction, jusqu'à 39% plus chers à La Réunion : "Nous devons maintenant surveiller que les recommandations de l'Autorité de la Concurrence (ndlr, publiées en octobre 2018) sont mises en œuvre et qu’elles vont faire baisser les prix des matériaux", a-t-elle souligné, rappelant que la baisse du coût des matériaux entraîne aussi celle du prix des logements et du montant des loyers. Quand ? Pas tout de suite, mais voilà encore quelques dizaines voire centaines d'euros gagnées (à terme) pour les Réunionnais concernés.
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Des enquêteurs dans les rayons des supermarchés
Un délégué à la concurrence outre‐mer, désigné au ministère de l’économie et des finances et un correspondant aux outre‐mer, relevant de l’Autorité de la Concurrence, devraient débarquer en janvier 2019 à la Réunion, pour engager une opération vérité sur les prix des biens de consommation courante : "Rayon par rayon, rien ne doit passer sous le radar, et tout vous sera dit", a affirmé la ministre.
Sur le bénéfice à en retirer, la ministre n'a pas soufflé mot mais on peut supposer que là aussi, à terme, les prix excessifs entameront une petite glissade.
Un panier péi à l'étude dès lundi 3 décembre
C'est le préfet qui va s'y coller, avec les professionnels du secteur. Parce que la ministre veut encourager la production locale, "faite par les Réunionnais pour les Réunionnais", afin de créer de l'emploi. "En plus du "Bouclier-Qualité-Prix", je veux un "Panier Péi "dont la composition changerait tous les mois et qui permettrait à une famille modeste de 4 personnes de préparer au moins un repas Péi par jour".
Une attention sympathique, mais si la ministre avait eu l'occasion d'y passer, elle aurait vu que les marchés forains sont très suivis par ces familles modestes (et les autres) et que les prix y sont en général aussi serrés que faire se peut sous nos latitudes. Sans oublier Tienbo 974 et quelques autres réseaux surgis dans l'ombre des Gilets Jaunes qui répondent déjà à cette demande de "circuits courts" à prix négociés.
Mais si le préfet peut encore faire baisser les prix sans mettre les maraîchers et les éleveurs au supplice, pourquoi faire la fine bouche...
50 Réunionnais tirés au sort pour surveiller les prix
Puisque les Gilets Jaunes réclament de la transparence, la ministre fait un pas dans ce sens en annonçant la sélection de 50 Réunionnais par tirage au sort pour accompagner les travaux de l’Observatoire des prix. Le casting de sélection commencera dès janvier, par une campagne de publicité. Et tant qu'à faire, Annick Girardin incite les élus à faire de même pour bâtir le projet de territoire.
L'octroi de mer en ballotage
"Vous m’en avez tous parlé", s'est exclamée -enfin- en chute de discours Annick Girardin. Ca oui, il faut reconnaître qu'en matière de coût de la vie, le sujet "octroi de mer" n'est jamais clos. Mais comme la fiscalité locale n'est pas de la compétence de l'Etat, la ministre a renvoyé Didier Robert à ses chères études : " Le Président de Région vient d’annoncer son souhait de mettre à plat la question de l’octroi de mer. C’est une bonne chose, c’est même indispensable".
Et ça tombe d'autant mieux que le Conseil Constitutionnel planche actuellement sur la légitimité de cette taxe ultra-marine qui créerait de l'inégalité entre les citoyens, ce que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen dénonce depuis quelques siècles....
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Didier Robert, épaulé par la Direction Régionale des Douanes, va donc s'atteler "immédiatement"- c'est la ministre qui l'a dit - à cette "consultation citoyenne de trois mois" pour rechercher "le juste taux". Car la ministre se dit tout de même attachée à cette taxe pour faire la différence entre la production locale qui crée de l'emploi et les produits venus d'ailleurs.
Mais au-delà de l'octroi de mer, ce qui plombe les prix, ce sont les frais de transport. Pour Didier Robert, c'est à l'Etat et à l'Europe de faire montre de leur solidarité envers les territoires isolés et de les compenser pour que cela ne pèse plus sur le prix de vente. Qu'en pensent l'Etat et l'Europe, plus enclins par les temps qui courent à baisser leurs subventions qu'à jouer au facteur ?
Un compteur emploi
Et parce que l'emploi, c'est du pouvoir d'achat, la ministre a aussi annoncé la mise en ligne d'un compteur emploi, avec les partenaires sociaux. Dès février 2019, ce boulier fera le compte des emplois déjà créés. Et ensuite ? “Un point régulier”. Un peu flou… Les persifleurs seraient tentés de penser que ce boulier ne sortira du tiroir que lorsque le drapeau sera au vert. Mais après tout, pourquoi pas, les bonnes nouvelles, rien de tel pour éviter de rire jaune.
Un appel à projets pour l’économie sociale et solidaire
La ministre a aussi annoncé un prochain appel à projets sur le secteur de l’économie sociale et solidaire, doté de deux millions d’euros. Un petit coup de pouce pour tous ceux qui ont des idées et souhaitent créer leur emploi. Annick Girardin, une pro du monde associatif elle-même, y croit puisqu'il lui paraît possible, en tout cas, c'est son ambition, de doubler le nombre de micro‐crédits en deux ans à La Réunion. Soit près de 3 500 initiatives locales - donc emplois - à encourager.
En conclusion...
Annick Girardin fait un quasi sans faute en matière de communication politique. Elle va au contact pendant trois jours, annonce chaque soir des mesures quasi-immédiates, comme les 10% de baisse du BQP et les 1 000 PEC, et d'autres à plus longue échéance, répond à la marge des attentes des manifestants mais pas trop, renvoie face à face les élus locaux et les manifestants en jouant les marieuses avec des casting de consultations citoyennes sur l'Observatoire des Prix et sur les projets de territoire, jongle avec empathie sur l'octroi de mer qu'elle renvoie dans les cordes de l'expéditeur, le Président de Région, encouragé à annoncer de lui-même un retour du tarif de janvier 2017 à la pompe à essence et, au passage, sa démission d'un cumul de mandat très rémunérateur, au titre de l'exemplarité des institutions, réclamée à hauts cris par les Gilets Jaunes.
Annick Girardin donne des timing courts, des actions qui débutent "dès le mois prochain", annonce les premiers débriefing pour dans trois mois... Et rappelle à tout le monde que La Réunion de demain, c'est aux Réunionnais de l'inventer. Pas à l'Etat. Qui a tout de même remis le bateau dans le bon sens en trois p'tits jours et puis.... s'en va. Laissant une bonne partie des Gilets Jaunes un peu assommés par l'épilogue : "Tout ça que pour ça..." pouvait-on lire à longueur de réseaux sociaux vendredi soir.
ml/www.ipreunion.com
Arrêtez d'enfumer les gens avec vos frais de transport. Je suis contre ces idiots qui bloquent les routes et contre l'idéologie du mouvement car nous ne sommes pas un "pays" pauvre mais au moins si vous pourriez faire votre boulot, ces gens là ne seraient pas dans la rue. Les frais de transport maritime sont dérisoires quand mis en adéquation avec le volume et le coût d'achat des marchandises qui entrent sur le territoire.
- A quand des gens dans les mairies pour aider les artisans et pme à monter leur dossier ? Vous envoyez de l'argent mais les gens ne savent pas faire leur demande de subvention, défiscalidétion, etc...
- L'octroi de mer est nécessaire, tout comme l'est la douane en France. Si on baisse l'octroi de mer, il faut augmenter la tva et là on va voir comment font les GJ.
- En dernier, les GJ, je les ai vu sur les barrages. Ils n'ont pas vraiment les os sur la peau pour des gens qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Une vie un peu plus saine ça pourrait être bien, non ? Regardez les chinois qu'on n'entend pas du tout en ce moment par exemple, riz et brède !