Le nombre de détenus augmente inexorablement

Surpopulation carcérale : les prisons de La Réunion à bout de souffle

  • Publié le 7 septembre 2022 à 11:05
  • Actualisé le 7 septembre 2022 à 15:05

À La Réunion et comme beaucoup de prisons en France, le nombre de détenus dépasse largement les capacités des établissements pénitentiaires. En juin 2022, la population carcérale représentait 71.678 détenus écroués, selon les derniers chiffres du Ministère de la Justice pour 60.683 places opérationnelles. Notre département n'est pas épargné par la surpopulation. En effet, au mois d'août de cette année, le taux d'occupation dépasse de loin les 100 %. Que cela soit au centre pénitentiaire de Domenjod, à la maison d'arrêt de Saint-Pierre ou encore au centre de détention du Port. (Photo photo RB imazpress)

Ce que regrettent le plus les surveillants pénitentiaires, c’est "le manque de moyens accrus à La Réunion", explique un agent. "Le parc pénitentiaire est totalement désuet, archaïque", ajoute-t-il. Ce surveillant pénitentiaire travaille au cœur de la maison d’arrêt de Saint-Pierre. Celle-là même où les détenus sont entassés à 16 dans des dortoirs. "On a un changement de la population qui est plus jeune, plus vindicative et plus difficile à gérer qu’avant", souligne-t-il.

La surpopulation carcérale est un mal chronique des établissements pénitentiaires de l’île. Violences grandissantes, sous-équipements des prisons… S’il y a quelque temps, l’affaire du karting avait fait grand bruit, Dominique Simonnot, contrôleure générale des prisons souligne, "le vrai scandale ce n'est pas le karting, mais l’état lamentable de nos prisons".

- La surpopulation carcérale, un mal chronique -

Dans notre département, "il y a une montée en charge de la population pénale", s’indigne Vincent Pardoux, responsable du syndicat FO pénitentiaire. Il donne comme exemple le centre pénitentiaire de Domenjod. "À Saint-Denis, on absorbe toutes sortes de peines : des attentes de jugement, des courtes peines ou alors des gens qui doivent passer aux assises pour des faits violents", explique-t-il. "On a eu plus de 120 détenus que les autres années", indique-t-il.

Face à l’accroissement de la surpopulation carcérale, il n’y a même plus suffisamment de lits pour les détenus. "Certains dorment au sol", précise Vincent Pardoux. "Les détenus sont même passés à trois dans à peine 9m2", indique-t-il.

Si le centre pénitentiaire de Domenjod est surpeuplé, à Saint-Pierre la situation est similaire. "À Saint-Pierre, ils sont 14 voire 16 par cellule, c’est carrément des dortoirs", note Vincent Pardoux. Une situation qui indigne. "Les dortoirs ce n’est pas gérable, ça l’était il y a 20 ans peut-être", souligne-t-il. "Saint-Pierre est une véritable épine dans le pied, tellement ce parc est atypique", précise Alexandre Vissouvanadin, secrétaire général de l’Ufap Unsa. "On a encore des dortoirs, c’est quand même la blague du siècle", ajoute-t-il. Des dortoirs où les détenus; peu importe leur crime ou leur délit;  se retrouvent dans la même cellule. Des dortoirs également où règne "violence, racket et pressions", souligne Alexandre Vissouvanadin.

Pour les représentants syndicaux, la prison de Saint-Pierre est à bout de souffle. "Elle a eu son temps, mais maintenant avec le changement de population pénale on a atteint les limites", précise Alexandre Vissouvanadin. Il explique même que "les détenus sont obligés de rester dans la cour de promenade toute la journée, pour des questions de surveillance et de fonctionnement".

"Le Port est un établissement à l’abandon au niveau structurel", précise le secrétaire général de l’UFAP UNSa Justice Réunion-Mayotte. "Il n’y a pas eu de nouvel investissement, la prison s’use très vite", explique-t-il. De plus, dans les prochains mois, l’un des bâtiments sera fermé pour rénovation. "On perdra donc encore plus de capacité d’accueil", souligne Alexandre Vissouvanadin.

Et dire que le 28 juillet 2022, un essayiste, Loup Viallet, proposait d'envoyer les délinquants...dans les Outre-mer, histoire d'encore plus surpeuplé nos prisons déjà bondées.

- Des détenus de plus en plus violents -

"La population carcérale a bien changé et les détenus deviennent de plus en plus difficiles", indique Vincent Pardoux. Il y a 15 années de cela, donner plus d'autonomie aux prisonniers était possible, mais "à l’heure actuelle, au regard des profils plus jeunes et plus violents", ce n’est pas possible, souligne le représentant syndical.

Si les débordements sont mineurs, ce sont les projections extérieures qui impactent le plus le travail des surveillants pénitentiaires. "Alcool, drogue… ces projections sont souvent sources d’incidents", indique Vincent Pardoux. "Souvent ils ont même accès à des téléphones portables et mettent la pression à leur victime depuis l’intérieur de la prison", précise-t-il.

Le centre de détention du Port, est quant à lui la seule prison sur l’île pouvant accueillir des détenus condamnés à plus de deux ans de prison. Une prison qui accueille donc les condamnés de La Réunion et qui prochainement accueillera les détenus de Mayotte. Une situation qui va donc accentuer encore plus la surpopulation carcérale.

La difficulté qui émane de cette surpopulation carcérale, c’est également la gestion du flux de détenus. "En France, et notamment à Fresnes, on peut transférer un prisonnier vers un autre département", indique Vincent Pardoux. Il ajoute, "mais ici on n’a pas cette possibilité".

À La Réunion, les détenus au profil psychiatrique fragiles sont également oubliés. "À la différence de la métropole, à La Réunion, il n’y a pas d’unité hospitalière", s’indigne Vincent Pardoux. "Ils font quelques séjours dans des établissements de santé mentale, sans vraie prise en charge."

Outre les détenus aux profils psychologiques instables, l’absence d’un centre de détention dédié aux femmes et aux mineurs augmente encore cette surpopulation carcérale. "On dénonce depuis longtemps le fait que les mineurs se trouvent dans le même bâtiment que les majeurs à Domenjod", explique Vincent Pardoux. "On essaye de les bloquer, pour qu’ils ne se croisent pas, mais forcément les détenus communiquent entre eux et se passent parfois du tabac", précise l’agent pénitentiaire.

- Plus de détenus, moins de personnels… un véritable engrenage -

La surpopulation carcérale et l'état des prisons à La Réunion ne date pas d'hier. Déjà, sous l’ère de l'ancien président Nicolas Sarkozy, avait été mis sur la table l'idée de construire un nouvel établissement dans le Sud de l’île. Mais depuis, rien n’a été fait, "seulement quelques rénovations d’établissements pas adaptés", précise le représentant de FO pénitentiaire. "Bien souvent ce que l’on réclame reste lettre morte", ajoute, résigné, Alexandre Vissouvanadin, secrétaire général de l’UFAP UNSa Justice Réunion-Mayotte. C’est d’ailleurs pour cette raison que les agents pénitentiaires de la maison d’arrêt de Saint-Pierre ont entamé un mouvement de grève le 30 août dernier.

Ce que dénonce l’Ufap Unsa, c’est qu’en Guadeloupe, la prison de Basse-Terre a pu bénéficier d’une vraie rénovation. "Nous on est passé aux oubliettes", dit-il. Il regrette même le fait que, lors de la dernière visite d’Éric Dupont-Moretti à La Réunion, "il n’est pas venu voir la maison d’arrêt de Saint-Pierre". Pour "nous, c’est tourner le dos et ne pas accepter de voir l’état de cette prison".

Autre épine dans le pied du milieu pénitentiaire, un secteur en cruel manque d’effectifs. "Il y a trois établissements dans l’île et l’absence de personne va s’aggraver cette année avec les nombreux départs à la retraite", indique Vincent Pardoux de FO pénitentiaire. "La population change et il faut permettre au personnel d’exercer dans de bonnes conditions", souligne le représentant syndical.

"On va donc travailler dans des structures vétustes, avec moins d’argent. Le personnel va fonctionner en mode dégradé et cela va, de surcroit, impacter la sécurité", conclut le surveillant pénitentiaire.

- 140 millions d'euros pour les prisons réunionnaises -

Du côté de l’administration pénitentiaire et du Ministère de la Justice dont dépendant les établissements, on explique que, "le budget alloué relatif aux travaux d’entretien et maintenance des trois établissements pénitentiaires de La Réunion est de plus de 140 millions d'euros depuis cinq ans. Ce budget est le double de ce qui était alloué précédemment".

"Afin d’entretenir les locaux et les équipements des établissements de ce département, l’administration pénitentiaire y entreprend une série de travaux visant à l’accompagnement des conditions de détention", ajoute le ministère.

Le ministère détaille d'ailleurs les travaux entrepris. "Sur le Centre pénitentiaire de Saint-Denis, les travaux principaux ont concerné la reprise d’infiltrations des toitures, le réaménagement du Service médico-psychologique régional (SMPR), le remplacement de la surface du terrain de sport synthétique et la mise en œuvre sur trois années (2021-2023) d’un plan de réfection des peintures afin de maintenir en bon état cet établissement mis en service en 2008.

Concernant le centre de détention Le Port, la mise en conformité de la cuisine de production a été réalisée, ainsi que l’aménagement d’un terrain de sport avec des agréés divers de musculation sur le quartier haut. Le terrain de sport a été aménagé. Par ailleurs, la réfection des circuits d’eaux usés a été également finalisée.

Enfin, la Maison d’arrêt Saint-Pierre a vu son mur d’enceinte renforcé. D’autres opérations ont été finalisées, notamment la couverture de la salle de formation rénovée cette année et des travaux de réhabilitation de l’espace cuisine.

De nombreux projets sont par ailleurs à l’étude sur les trois sites de la Réunion."

Des travaux qui paraissent toutefois relativement faibles par rapport au budget alloué et surtout à l'urgence de la situation des établissements pénitentiaires de La Réunion.

ma.m/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
GERVAIS, depuis son mobile
GERVAIS, depuis son mobile
2 ans

Quel article... On ne sait même pas le nombre de prisonniers ici à la Réunion. Bonjour à vous, nous n'avons malheureusement pas pu obtenir le nombre exacte de détenus qui se trouvent actuellement dans notre département. Toutefois on le sait, le chiffre est exorbitant.

titi45
titi45
2 ans

Après les prisonniers de Mayotte pour quoi pas les prisonniers malgache '