Culture

Téats départementaux : dernière ligne droite pour le tandem Montrouge-Faille

  • Publié le 14 février 2023 à 08:04
  • Actualisé le 14 février 2023 à 10:39

Le duo Montrouge-Faille aborde les six derniers mois de son mandat après 14 ans à la tête des Téats départementaux. Le conseil départemental a lancé mi-novembre, un appel d’offres concernant une nouvelle Délégation de Service Public pour la période 2023/2029. Après avoir pris connaissance du nouveau cahier des charges, en accord avec leur association et le conseil d’administration, ils ont décidé de se retirer, alors que le premier semestre a démarré début février. Entretien…

• La décision du Département désireux de prendre une nouvelle direction pour ses établissements, met un coup d’arrêt à 14 ans d’exercice à la tête des Téats départementaux. Que ressentez-vous ?

- Bernard Faille : On s’est quitté l’an dernier « en phase de »… et on se retrouve quelques semaines plus tard avec cette décision. On accuse le coup mais on respecte la volonté de la collectivité de poser ce nouveau cahier des charges que nous estimons incompatible avec ce que nous avons développé jusqu’à maintenant et incohérent par rapport à une réalité économique.

On a été concentré sur la programmation qui nous a pris du temps, mais nous étions motivés pour ce projet et on avait envie de poursuivre l’aventure. Cela dit, le but n’est pas de passer en force.

- Pascal Montrouge : Passé ce moment de sidération, on sait qu’il y a une échéance qui va s’arrêter. Nous avons été transparents avec toute l’équipe des Téats qui nous a soutenus et fait de très beaux retours. Désormais, nous sommes focus pour mener à terme cette saison.

Ce n’est pas parce qu’après-demain la direction change, qu’il faut oublier aujourd’hui et demain. On ne fait absolument pas injure au futur et on accepte la décision du Département qui souhaite prendre une nouvelle direction pour ses établissements. Après tout, ce sont ses outils, il est libre d’en faire ce qu’il veut.

• Ce nouveau cahier des charges serait-il en lien avec le contexte socio-économique du moment ? Vous aviez été pourtant été prolongés pour un an…

- Bernard Faille : La crise sanitaire nous a impactés en mars 2020 alors que notre contrat s’achevait en effet le 10 août. Entre-temps, le Département sollicite notre président d’association trois mois et demi avant le terme.

Nous avons donc fait la saison dernière, malheureusement sans le Festival de danse, le Département ayant sans doute besoin de temps avant de lancer une procédure. S’agissant du contexte, les subventions ont baissé et il faut prendre en compte l’inflation qu’il n’y avait pas auparavant ou en tout cas, pas aussi forte.

Sur les 7 dernières années, elle représente 9,9% et nous impacte directement dans notre fonctionnement. Encore une fois, on peut comprendre que pour des raisons budgétaires globales, le Département souhaite baisser le montant des subventions, sauf qu’en parallèle, les charges augmentent.

En outre, le nouveau cahier des charges impose la création de deux postes supplémentaires, la mise en place d’une masse importante de contrats d’insertion qui représentent 6% du budget salarial, sans oublier le RSE, ou encore la dotation de renouvellement de matériel qui ne bouge pas non plus. Bref, on nous demande de faire plus avec moins de moyens.

- Pascal Montrouge : De par notre expérience, l’exigence que l’on continue à porter et celle du public, on ne se voyait pas continuer, c’est une réalité. Notre décision pourrait pourtant paraître paradoxale, car en 2022, on a explosé les compteurs de fréquentation qui sont égaux, voire supérieurs à l’avant-Covid alors que nos collègues métropolitains sont à -20% et peinent à remplir les salles.

Ce qui montre l’envie du public réunionnais à venir assister à des spectacles. D’ailleurs, on débute la prochaine programmation avec plus de 50% de réservations sur la totalité de la saison, ce qui est énorme.

• 14 ans à la tête des Téats, un record. Vous arrive-t-il de regarder dans le rétro ?

- Pascal Montrouge : En 14 ans, on a incarné ces Téats, ce ne sont pas que des murs, c’est beaucoup l’humain et au fil du temps, des liens se sont créés. On a eu beaucoup de marques de sympathie, de nos partenaires, des artistes… Comme on dit souvent, « les applaudissements ne se mangent pas ».

Même si ça aura été la direction la plus longue, le temps est passé tellement vite et regarder dans le rétro n’est pas ce qui nous caractérise en premier. On construit et on va de l’avant. Les Téats ne nous appartiennent pas, on est avant tout au service d’un projet. On est persuadé que le ou la future - pourquoi pas une femme, il n’y en a jamais eu à la direction des Téats - arrivera à mener à bien ce nouveau projet.

- Bernard Faille : Pour l’heure, on est encore dans l’énergie de faire car la saison démarre et ce qui nous intéresse c’est d’avancer. Par ailleurs, on ne peut pas dire que le public est au cœur du projet si on ne fait rien pour lui. Notre politique tarifaire et notre programmation touchent tout le monde et on est très heureux et très fiers quand on réussit à attirer plus de 110 000 spectateurs sur une année avec des propositions très éclectiques et on a clôturé la saison dernière avec un taux de fréquentation défiant toute concurrence.

• Justement, question programmation, les six prochains mois s’annoncent très alléchants…

- Bernard Faille : En effet, certains de nos spectacles affichent déjà complet et on est dans notre fourchette haute de fréquentation. Les artistes de La Réunion représentent 77% de notre programmation, contre une petite part pour les têtes d’affiche extérieures. S’agissant des jeunes artistes émergeants à l’image de Grèn Sémé, Saodaj ou Tine Poppy , ça nous semble essentiel qu’ils puissent bénéficier de scènes comme les Téats. D’une part, ça participe à leur professionnalisation et d’autre part, c’est important que le public puisse les entendre…

Tine Poppy (© Iris Marde?moutou (80)

Pascal Montrouge : Notre programmation est à l’image de ce public réunionnais qui a du goût pour le spectacle quel qu’il soit. Nous avons très bien démarré le 3 février avec Danyèl Waro à Saint-Denis, dans l’optique de ramener de la musique à Champ Fleuri pour les gens du Nord et de l’Est. On aura aussi « La tendresse » de la Cie Les cambrioleurs en mars, un spectacle qui parle de la masculinité au XXIe siècle.

Puis le nouveau spectacle de Tine Poppy qui allie théâtre et musique. Ainsi que des artistes incarnant le renouveau de la musique locale comme Grèn Sémé et Saodaj à l’affiche de Saint-Gilles début mars.

Nous allons également proposer de très beaux rendez-vous en danse avec Hofesh Shechter, coup de cœur des spectateurs la saison dernière et qui revient avec deux nouvelles pièces, du clown, du cirque, les artistes associés Vincent Fontano et Nicolas Givran pour deux nouvelles créations, l’artiste coréenne Yun Sun Nah, les artistes locaux Baster, Dominique Barret, Appolonia pour refléter La Réunion et ses envies. À ne pas manquer non plus l’hommage à Bashung et bien sûr Manu Payet qui revient en juin…

Bref, pour les six mois qui restent, je préfère garder ma tristesse pour moi et partager cette programmation avec le public. Et surtout être heureux avec lui.

vw/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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