Le président du département rencontre Emmanuel Macron

Cyrille Melchior: quatre propositions pour améliorer la vie des Réunionnais

  • Publié le 21 février 2019 à 17:50
  • Actualisé le 21 février 2019 à 18:04

Ce jeudi 21 février 2019, Cyrille Melchior était reçu à l'Élysée avec tous les présidents des conseils départementaux. C'est la deuxième fois cette année qu'il rencontre Emmanuel Macron. Le 1er février, dans le cadre du Grand Débat national, Cyrille Melchior avait déjà répondu présent et faisait parti de la soixantaine d'élus ultramarin a voir fait le déplacement. Nous publions ci-dessous son discours prononcé à la table présidentielle.

Monsieur le Président de la République,

C'est aujourd’hui la deuxième fois que je prends la parole devant vous; je vous remercie pour l’honneur qui m’est fait et pour la qualité de votre écoute. Je m'exprime en ma double qualité de Président du Conseil départemental de la Réunion et de Président de la Commission des départements ultra-marins de l'ADF ainsi que le Président Bussereau l'a indiqué dans son propos introductif.

Avec mes collègues, nous avons décidé lors du Congrès de Rennes de renforcer l'action de cette commission et de travailler en 2019 sur trois thèmes communs aux outremers: la protection des plus fragiles, la définition et la mise en œuvre de nouvelles formes d'insertion dans une logique d'économie plus créatrice d'emplois et enfin la biodiversité et la prévention des risques.

Le 1er février dernier, les élus ultramarins ont affirmé que les départements d’Outre-mer sont à la fois des départements comme les autres et des départements spécifiques. Depuis 2008, la Commission Européenne a proclamé que les Outre-mer ne sont pas seulement des territoires à difficultés qu’il faut aider, mais représentent aussi et surtout d’indéniables atouts mal utilisés.

Monsieur le Président de la République,

Je n'évoquerai pas davantage les défis et les atouts des outremers; mes collègues maires et présidents d'outremer vous les ont longuement présentés il y a trois semaines. Je serai concret et formulerai quatre propositions concrètes.

1- les Maisons d'accueillants familiaux

La population des outremers est jeune, plus jeune qu'en métropole, mais le vieillissement s'accélère en lien avec l'allongement de la durée de vie. A la Réunion, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans aura doublé en 2050; le nombre de seniors de plus de 75 ans aura quadruplé. La création de places supplémentaires en EPHAD ne peut être la seule réponse en complément des actions de maintien à domicile; au demeurant, le contrat de confiance interdit de fait toute ouverture nouvelle de lits entre 2018 et 2020. Il nous faut donc inventer une formule intermédiaire d'accompagnement des anciens que nous avons appelée les "Maisons d'accueillants familiaux". Il s'agit de créer un cadre
de vie sécurisant et chaleureux, respectant le mode de vie créole, en regroupant dans des locaux dédiés entre 2 et 4 accueillants qui prendront en charge jusqu'à 16 personnes âgées ou en situation de handicaps légers. Le Code de l'action sociale permet cette initiative mais les normes sont inadaptées et obèrent le modèle économique des MAF. Monsieur le Président, nous proposons d'adapter le cadre législatif et réglementaire afin de tester en grandeur réelle cette innovation sous le contrôle des services de l'Etat; je sais que plusieurs Conseils départementaux de métropole travaillent sur la même démarche; trois expérimentations ont démarré à La Réunion.

2- le greffe du tribunal de commerce

L'économie réunionnaise est dynamique avec plus de 6 000 créations d’entreprises par an, même s'il faut regretter que le développement d'activités soit moins créateur d'emplois que par le passé. La crise des gilets jaunes a fortement secoué le tissu économique; entre le 17 novembre et le 11 février, les demandes de chômage partiel déposées à La Réunion sont plus nombreuses que pour toutes les régions métropolitaines réunies. Malheureusement, le greffe du tribunal de commerce est totalement dépassé. L’obtention d’une immatriculation pour une entreprise prend une année; 24 800 dossiers sont en souffrance dont 5500 correspondent à des premières immatriculations ou des demandes de modification. La privatisation de la gestion du registre du commerce, prévue en 2019, va fluidifier les flux mais se heurtera au stock existant.

L'an passé, j'avais proposé aux chefs de juridiction de La Réunion de mettre à la disposition du greffe des personnels contractuels, payés par le Département mais qu'ils auraient eux-mêmes sélectionnés, afin de résorber les dossiers en souffrance; mon collègue Didier Robert, Président du Conseil régional de la Réunion, avait présenté une offre identique. Il semble que la Chancellerie formule une objection de principe.

Monsieur le Président, je renouvelle cette proposition et compte sur votre appui pour la faire aboutir.

3- le contrat de coopération

Depuis une dizaine d'années, le Département de La Réunion s'est résolument engagé dans une politique de mobilité professionnelle et d'appui à la francophonie. A coté des dispositifs existants ( service civique, volontaires de solidarité internationale ), des demandeurs d'emplois au RSA sont affectés dans des pays du grand Océan indien et mis à disposition des postes diplomatiques et consulaires français , des Alliances et lycées français, des centres de formation et établissements scolaires étrangers.
Un seul exemple: une CUI senior de 53 ans a été placée auprès de la télévision nationale des Seychelles pendant deux années en contrat d'insertion; elle a aujourd'hui créé une entreprise de réalisations audio visuelles et commercialise ses produits aux Seychelles et à l'international.
Monsieur le Président, le Département de La Réunion a pris toutes les précautions pour sécuriser l'envoi à l'étranger de ces personnes en insertion mais force est de reconnaître que le cadre juridique est imparfait. Aussi, nous proposons la création d'un contrat de coopération; je rencontre demain Mme Penicaud afin de lui présenter ce projet et je vous remercie de votre appui.

4- Vie chère

La vie chère et la lutte contre cette dernière, Monsieur Le Président, est l’un des symboles de la crise sociale de la fin d ‘année dernière.
Nous en connaissons les raisons, à la fois issues de notre héritage colonial, des situations monopolistiques et oligopolistiques de certains grands groupes et/ou encore des marges abusives.

J’ai récemment cosigné et dénoncé avec de nombreux collègues élus du territoire, les surcouts révélés par l’OPMR sur l’achet de matière première dans la construction.
Acheter plus cher, c’est contraindre des opérateurs publics comme privés à équilibrer leurs opérations.
C’est une façon très concrète d’obliger une réduction de l’efficience des investissements et de façon encore plus concrète, ce sont des coûts encore une fois supérieurs pour le consommateur réunionnais
Vous mesurez bien, Monsieur Le Président, sur ce simple exemple qui peut se décliner sur nombres de sujets, que la problématique de surcoût impacte le quotidien des réunionnais et que cette problématique est bien réelle.
Des constats nous en faisons tous.
N’est-il pas de notre devoir, Monsieur Le Président, qu’ensemble, collectivités locales, Etat et surtout acteurs économiques, puissions nous retrouver autour de ce que j’appelle des schémas de cohérence de développement afin d’offrir à la population réunionnaise des actions concrètes dans le domaine de la lutte contre la vie chère ?

Recentralisation RSA/ Expérimentation RUA

Enfin, Monsieur le Président, vous me pardonnerez d'évoquer à nouveau la question de la recentralisation du RSA et de l'expérimentation de nouvelles formes d'insertion mais la situation est grave. Le Conseil départemental votera ses orientations budgétaires le 6 mars et actera le constat que les dépenses d'allocations budgétaires de solidarité ont augmenté de 37M d'euros en 2018 alors que la taxe sur les tabacs enregistre une baisse de 46M d'euros.

Le fonds de roulement a diminué des deux tiers et la capacité de désendettement double, passant de 3 à 6,9 années, alors que, grâce à une gestion rigoureuse, les dépenses de fonctionnement hors AIS ont cru de + 0,5% alors que le contrat de confiance fixait une cible à + 1,32%.

Une analyse fine montre que plus des 2/3 de l'augmentation de la dépense au titre du RSA est provoquée par des décisions de l'Etat, revalorisation de la prestation et baisse des emplois aidés. Cette dégradation se poursuivra inéluctablement en 2019 avec la poursuite de la baisse des emplois aidés. Il sera impossible d'équilibrer le budget du Département; le Préfet de La Réunion et la Chambre régionale des Comptes ne le pourraient pas davantage.
L'ampleur du reste à charge des AIS, 211 millions en 218, soit 250 euros par habitant, de loin le montant le plus élevé de France, soulève un problème de constitutionnalité; n'y a t il pas une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi quand il existe une telle disproportion dans la situation des départements ?
Les autres Départements d'outremer connaissent des situations analogues.

Monsieur le Président, le 1er février, vous avez ouvert une porte à la recentralisation du RSA; je vous confirme la volonté du Conseil départemental de travailler avec l'Etat à la mise en place de nouvelles formes d'insertion, plus efficaces et plus réactives qui pourraient constituer une 1ère étape dans la création d'un revenu unique d'activité et d'une nouvelle dynamique d'insertion.

Monsieur le Président de la République,

A la suite de la loi d’Egalité Réelle et des Assises des Outre-mer, des plans de convergence et de transformation doivent être élaborés et signés dans les Outremer.
Le Guadeloupe a déjà signé le sien. Celui de La Réunion est en cours de discussion. Nous regrettons que ces documents ne fassent que s’inscrire dans le prolongement des documents de planification existants, qui ont eu des résultats, mais n’ont pas réglé les problèmes au fond. S’ils consolident quelques financements, ils ne sont pas à la hauteur des problèmes posés par les crises sociales ultramarines à répétition et des attentes qui sortiront du grand débat que vous avez initié.
Il nous faut donc aller plus loin, changer de méthode, s’attaquer aux causes, fixer un cap. C’est pourquoi le Département de La Réunion élabore, dans le cadre de ses compétences, une politique plus adaptée aux particularités de son territoire et aux besoins de sa population. Cette politique devrait s’inscrire dans un projet réunionnais de développement plus endogène, inclusif et durable que nous souhaitons co-construire avec l’Etat.
Nous savons, Monsieur le Président de la République, que vous partagez cette ambition.

Je vous remercie pour votre attention."

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1 Commentaires
colimaconvert
colimaconvert
5 ans

quand on sait que pour 2018, sur un budget global du Département de 1,6 Milliard, 80% sont affectés au frais de fonctionnement et seulement 20% aux financements ('notamment en matières sociales et éducatives) il faut que le Président Mélchior prenne le taureau par les cornes pour inverser ces pourcentages. Il faut dégraisser drastiquement le "mammouth " et diminuer les frais de fonctionnements de l'institution.