Pour adapter France Travail à La Réunion

Cyrille Melchior rencontre la ministre déléguée chargée des Outre-Mer Marie Guévenoux

  • Publié le 14 mai 2024 à 16:21
  • Actualisé le 14 mai 2024 à 16:22

Ce mardi 14 mai 2024, Cyrille Melchior, Président du Conseil départemental, a reçu en entretien, Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, en visite sur l’île. À cette occasion, il a demandé à la ministre d’adapter le dispositif France Travail à la situation de La Réunion. Cette demande avait été formulée à l’unanimité des Conseillers départementaux lors de la dernière réunion de la Commission permanente, le mardi 7 mai. Nous publions le communiqué du Conseil départemental ci-dessous (Photo : Com CD974)

Le Conseil départemental de La Réunion prend acte avec beaucoup d’inquiétude des dispositions proposées par ce projet d’ordonnance qui se borne à adapter la gouvernance territoriale du réseau pour l’emploi et à redistribuer les compétences de l’Etat entre ses opérateurs, France Travail et la Caisse d’allocations Familiales, dans le cadre de la gestion recentralisée du RSA.

Il s’interroge sur la pertinence de ce texte qui ne permettra pas de faciliter l’application de la loi plein emploi à La Réunion. Il déplore vivement que ce projet n’apporte aucune adaptation à la stratégie nationale et aux objectifs fixés par la loi, au regard de la réalité économique et sociale « hors normes » du territoire.

En effet, la stratégie d’accompagnement et de professionnalisation des 95 000 bénéficiaires du RSA à La Réunion doit s’inscrire dans une temporalité réaliste, prenant en compte :

  • la capacité effective des opérateurs des politiques de l’insertion, de la formation et de l’emploi, en particulier France Travail, à déployer une offre d’accompagnement et de professionnalisation adaptée en volume et en qualité,
  • les limites des possibilités d’intégration dans l’emploi offertes par les entreprises, sur un marché du travail dynamique mais qui reste caractérisé par un taux de chômage toujours près de trois fois supérieur à la moyenne nationale,
  • les freins structurels au retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA, notamment en matière de qualification, de logement et de mobilité.

Les limites de recrutement des entreprises et les obstacles sociaux au retour à l’emploi sont réels. Pour rappel, au 31 décembre 2022, 150 000 personnes étaient inscrites comme demandeurs d’emplois quand les besoins de recrutement étaient de seulement 40 000. L’existence d’obstacles structurels au retour à l’emploi a été de nouveau confirmée par l’expérimentation en cours sur les communes de Trois Bassins et de Saint-Leu. En effet, malgré des moyens d’accompagnement comparables à ceux déployés sur les autres territoires d’expérimentation de l’hexagone et malgré une orientation plus forte des bénéficiaires du RSA à s’inscrire dans un parcours professionnel, le taux d’accès à l’emploi reste très inférieur à la moyenne nationale (29 % contre 43%).

À La Réunion, les conditions objectives pour atteindre le plein emploi ne sont donc absolument pas réunies. Les indicateurs économiques et sociaux le démontrent et sont connus (le PIB par habitant est inférieur de 36% à la moyenne nationale, le taux de chômage est de 20%, le taux de pauvreté est de 36%, Un quart des ménages est couvert par le RSA, 100 000 personnes au moins sont touchées par l’illettrisme, l’innumérisme et l’illectronisme, 36 000 demandes restent en attente de logements sociaux …). Dans ce contexte, il est évident que les objectifs et les moyens fixés par la loi doivent être largement adaptés.

A défaut, il est d’ores et déjà certain que le déploiement des contrats d’engagement et des « 15 heures » minimum d’activité ou d’accompagnement par semaine est impossible pour le plus grand nombre des bénéficiaires du RSA. Dans le calendrier actuel fixé par la loi, l’accompagnement renforcé ne pourra concerner de fait qu’une minorité de bénéficiaires du RSA volontaires. Le risque est réel de renforcer l’exclusion des bénéficiaires du RSA le plus éloignés de l’emploi, en contradiction avec toute logique de parcours.

Dans ce contexte, l’application de la « suspension-remobilisation », nouvelle sanction sensée contribuer à redynamiser les parcours des bénéficiaires du RSA est elle-même un « non-sens ». Puisque dans la majorité des cas, elle ne pourra pas être accompagnée d’un renforcement effectif de l’accompagnement, ni d’une perspective réelle de recrutement par une entreprise.

Le Conseil départemental adhère au principe de l’accompagnement renforcé, sous réserve des moyens et du temps nécessaires. L’expérimentation, malgré ses imperfections a permis de trouver ses solutions pour près d’un tiers des personnes concernées. Si nos demandes avaient été retenues dans le projet d’ordonnance en termes de prise en compte de nos réalités, ces résultats auraient pu être amplifiés dans le cadre de la généralisation. Mais les termes actuels de l’ordonnance nous éloignent de cette perspective. Aussi, dans sa rédaction actuelle, le Conseil départemental de La Réunion émet un avis défavorable sur ce projet d’ordonnance, déconnecté de la réalité réunionnaise.

Il rappelle avec insistance ses deux principales demandes d’adaptation :

  • une montée en charge plus progressive de l’accompagnement renforcé, au moins jusqu’au 1er janvier 2030 au lieu du 1er janvier 2027, pour s’adapter aux capacités d’intervention des opérateurs et de recrutement des entreprises,
  • un maintien du régime actuel des sanctions, à savoir la possibilité de suspendre l’allocation après avis de l’équipe pluridisciplinaire.  

Eu égard aux compétences et à l’engagement constant du Conseil départemental de La Réunion en matière d’insertion, amplifié depuis la recentralisation du RSA (Plus de 11 000 parcours R+ financés depuis septembre 2020 avec un taux de sortie positive de près de 50%, 99 000 mesures d’accompagnement social ou professionnel programmées sur le PDI 2022-2023 dont 43 000 concrétisées dès 2022, plus de 65 partenaires engagés dans le cadre du Pacte Territorial pour l’Insertion (PTI) 2022-2024 mobilisant plus de 134 millions € en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RSA dont 82 millions apportés par le Département …), la collectivité ose espérer que ces demandes seront bien prises en compte dans l’ordonnance.

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