Les Ecologistes – Réunion (EELVR) expriment leur vive inquiétude face à une reprise épidémique du chikungunya. Alors que le département fait face à une sécheresse exceptionnelle en lien avec le changement climatique, le virus continue sa propagation dans notre île. Plus grave, pour la moitié des cas diagnostiqués, aucun lien direct avec un foyer de contamination n’a été établi, signe probable d’une endémicité qui laisse craindre une rapide montée en charge de cette maladie vectorielle qui dans un passé pas si lointain a touché un tiers de notre population et a laissé de douloureux souvenirs (Photo : www.imazpress.com)
Depuis, lundi 13 janvier 25, les services de l’Etat (Préfecture et ARS) comme annoncé ont déclenché le niveau 3 du dispositif ORSEC "Arboviroses", qui correspond à la circulation d’une épidémie de "faible intensité".
Les arboviroses :
Pour rappel, les arboviroses regroupent l’ensemble des maladies à transmission vectorielle. La transmission de ces maladies, dont le chik et la dengue à La Réunion, se fait par l’intermédiaire de moustiques infectés. En fait, naturellement le moustique n’est pas infectant, mais le devient en piquant une personne malade, et une personne infectée devient contaminante pour les moustiques au moment où le virus est présent dans son sang, c'est-à-dire pendant la phase virémique de l'infection.
Donc, le moustique transmet le virus à l’homme, mais l’inverse est aussi vrai, l’homme peut transmettre le virus.
Le contexte :
Le moustique tigre, Aedes albopictus, présente une grande plasticité écologique. Il a une facilité d’adaptation assez étonnante à diverses conditions de milieu, ce qui lui permet de coloniser de nouveaux territoires … Il est même capable de stopper temporairement son développement (diapause), durant les périodes hivernales des zones de climats plus ou moins tempérés.
Comme nous avons pu le constater, le virus du chik n’a pas été éradiqué pendant notre hiver austral, et la sécheresse exceptionnelle que connaît notre île depuis le changement de saison n’a pas freiné la propagation du virus. En conséquence, le risque d'une explosion épidémique peut être redouté avec l’arrivée des pluies, selon les services météorologiques, à compter de la mi-janvier.
Quelle prévention ?
Les gîtes larvaires, lieux de ponte, sont la plupart du temps de nature anthropique, c'est-à-dire créés par l’homme. S’il est régulièrement constaté que certains habitants continuent de créer des situations à risque dans leur environnement (récipients en eau : soucoupes, pot, vases…), il en est de même dans l’espace public (amas de déchets végétaux, pneus, ravines insalubres, gouttières, encombrants, dépôts sauvages, épaves, cimetières …).
Autre aspect concernant la démoustication : compte tenu du risque pour la faune des produits pulvérisés dans la nature, se pose la question d’utiliser préférentiellement des larvicides plutôt que des adulticides. De plus, c’est moins couteux et moins polluant.
A ce stade épidémique de faible intensité, les agents de prévention sur le territoire devraient déjà être visibles et en pleine action dans tous les quartiers, les spots d’information devraient être diffusés dans les médias, sur les réseaux sociaux et dans les boîtes aux lettres, la population la plus défavorisée devrait pouvoir bénéficier, auprès des CCAS, de bons pour l’acquisition de moustiquaires pour chaque membre de la famille, les méthodes pour se protéger et protéger ses proches devraient être largement diffusées. Parmi celles-ci, le recours à des techniques et des produits naturels (par exemple à base de géranium et de citronnelle) constitue un premier geste de prévention. Viennent ensuite les réflexes pour régulièrement démoustiquer son environnement (intérieur, comme extérieur / privé comme professionnel), les recommandations en faveur du port de vêtements amples et longs, mais surtout en fibre naturelle qui n’adhère pas à la peau, et, bien sûr, l’importance de consulter dès les premiers symptômes.
Un constat :
Les répulsifs véritablement efficaces sont chers à l’achat (le virus est capable de résister en s’adaptant) et ils sont potentiellement toxiques. Les molécules contenues dans les produits anti-moustiques ne sont pas neutres, elles peuvent être aussi dangereuses que des pesticides. L’insectifuge le plus largement diffusé et vendu en pharmacie ou en grande surface, est en fait un produit chimique conçu pour être appliqué directement sur la peau, il agit en empêchant les insectes piqueurs de nous sentir. Cependant, des études ont prouvé qu’il pouvait provoquer des réactions cutanées et respiratoires, et dans de rares cas, des complications neurologiques.
Pour ces raisons, leur utilisation est déconseillée aux femmes enceintes et aux enfants.
Dans une question écrite au Gouvernement, le 24 décembre dernier, le député Perceval Gaillard a attiré l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur la nécessité de rendre le vaccin contre le chikungunya remboursable à La Réunion. Ce vaccin, le XCHIQ, désormais disponible sur prescription médicale dans les pharmacies au prix de 150 euros, assure une protection sur 3 ans. Si la question de son remboursement est bien à l’étude au niveau de la Haute Autorité de Santé et de la Sécurité sociale, le député a insisté sur l’urgence de cette mesure au regard de la situation actuelle qui se détériore de jour en jour.
Public cible prioritaire
Les retours d’expérience des crises sanitaires récentes chik (2005-2006) et dengue (2015 – 2017 - 2018) servent de base à nos actions aux plans sanitaire et social. Ces actions doivent cibler en priorité les publics vulnérables, être menées dans la proximité sur le terrain, mais aussi et surtout avec les institutions : Etat, collectivités, associations, etc. Il n’est pas exclu qu’avec l’arrivée des pluies nous passions rapidement au niveau 4 du dispositif ORSEC, comme ce fut le cas en juillet 2018.
En matière de prévention, si la prise en charge intégrale des frais pour les contrats PEC est d’évidence indispensable, elle demeure néanmoins globalement insuffisante. Plus que jamais, il y a lieu, par anticipation, de mobiliser les acteurs et structures qui interviennent en matière de santé publique, d’environnement et de gestion des déchets.
Sans nul doute, c’est dans les quartiers précaires, où se trouvent les populations les plus à risque, car confrontées à des fragilités sociales et socio-économiques, qu’il y a urgence à garantir un environnement le plus sain possible ; c’est-à-dire, les lieux de vie de plus de la moitié des Réunionnais !
- Une nouvelle étape s’amorce donc dans la gestion de cette crise. Pour éviter les conséquences les plus dommageables, Les Ecologistes mettent l’accent sur ce nouveau défi qui s’impose à tous afin de ne pas subir le contrecoup d’une éventuelle reprise de la flambée des chiffres des malades et des décès.
- Avec 90% de précipitations en moins pour le seul mois de décembre et la perspective d’un retour imminent des pluies, soit dans quelques jours, les réponses à apporter face à cette situation à risques majeurs ne peuvent pas se faire en silo (suivant les communes, les collectivités, les intervenants, les zones de contamination, etc).
- Les Ecologistes plaident pour une vision stratégique globale définissant sous l’égide des services de l’Etat, pour l’ensemble de notre territoire et avec l’ensemble des acteurs, les moyens à déployer en fonction des priorités.