Tribune libre d'Audrey Bélim

Débat avec Marine Tondelier et Benoît Hamon sur l’écologie populaire

  • Publié le 30 août 2024 à 20:41
  • Actualisé le 30 août 2024 à 20:43

Lorsque l’on s’intéresse à La Réunion, on pourrait croire que parler d’écologie est une évidence pour l’Etat. Avec son volcan figurant parmi les volcans les plus actifs au monde, le piton de la Fournaise et ses plus de 45% de couvertures forestières, ses littoraux et ses montagnes, la moitié de La Réunion est protégée de toute construction par le parc national. Et les Réunionnaises et Réunionnais sont de plus en plus conscients de l’impératif de protéger ce patrimoine terrestre. (Photo photo Sly/www.imazpress.com)

Malgré le désintérêt du Gouvernement pour ce sujet comme bien d’autres concernant les Outre-mer !emer, les Réunionnaises et les Réunionnais s’engagent. La Réunion, rappelons-le, est avant tout une île volcanique de 2500 km2 à 9000 km du continent européen. Les premières contraintes étant l’insularité et l’éloignement.

La Réunion, comme les autres départements d’Outremer, présente et cela structurellement des conditions sociales et économiques difficiles. Je ne reviendrais pas sur les problématiques économiques, de dépendance, de pauvreté, d’emploi. En résumé, et vous le savez, l’ensemble des indicateurs socio-économiques sont dans le rouge.

C’est malheureusement également le cas pour certains de nos indicateurs environnementaux. En 350 ans, l’île a perdu 70% de ses espaces naturels. Sur les 962 espèces endémiques reconnues, 41 % de cette flore indigène est aujourd’hui menacée de disparition. Cela signifie que si ces espèces disparaissent de l’île, eh bien elles disparaîtront de la planète entière.

Alors oui, construire une écologie populaire prend tout son sens. Car les Réunionnaises et les Réunionnais ont toujours protéger l’île. Et cette volonté est exacerbée car nous nous sommes au fait des inégalités qui y perdurent et que nous voulons les combattre. Chaque réunionnais se sent concerné et participe car quand il défend son île, il défend aussi son quotidien.

Je peux citer un exemple parmi d’autres.

Le pétrel de Barrau est une espèce d’oiseau marin endémique menacé d’extinction. Il figure sur la liste rouge de L’union Internationale pour la Conservation de la nature et est protégé par un arrêté ministériel depuis 1989. Cet oiseau est également très particulièrement sensible à la pollution lumineuse. Encore plus lors des périodes de reproduction. L’île s’est rapidement engagée à protéger cet espèce. d’abord par de la sensibilisation via des associations, des experts, des citoyens, des élus.

Puis le mouvement s’est amplifié au point que nous avons à la Réunion certains mois dédiés à ce que l’on a appelé "Les Nuits SANS Lumière”. Durant ces périodes, il n’y a pas d'éclairage public, les rues privés ne sont également pas éclairées, les commerces, entreprises et les citoyens n’activent pas leur lumière, néon ou autres points lumineux pour favoriser la reproduction des pétrels. L’engagement s’est fait assez naturellement. Car encore une fois, si le pétrel de barrau disparait de l’île, il disparait de la planète et pour l'humanité toute entière

Je vous le disais, malgré que l’on sache tout cela, cela ne semble pas être une évidence pour le gouvernement Macron.

Alors que les Outre-mer, dont la Réunion, concentre plus de 80% de la biodiversité française, nous sommes loin de concentrer 80% des financements de l’Etat sur ce sujet. Quand bien même, nous créons une Agence Régionale de la Biodiversité, afin de sacraliser notre volonté de protéger notre patrimoine végétal, Ericka BAREIGTS, la présidente, est encore aujourd’hui en train de lutter pour obtenir les financements des missions qui lui sont données. C'est d’ailleurs un combat qui sera porté par les sénateurs socialistes, qui ont, lors de leur déplacement sur l’île en avril dernier, tout de suite compris l’urgence et la nécessité d’exiger le rééquilibrage des moyens. C’est le sens de notre livre blanc Outre-mer suite à notre déplacement que nous publions aujourd’hui !

Bien sûr, rien n’est parfait. il y a parfois du scepticisme, voir du rejet de la part des réunionnais notamment lorsque la législation est incohérente, ou lorsque l’on nous oublie comme pour le leasing social des voitures électriques.

Le fait que nous soyons un territoire spécifique, c'est-à dire une île au relief très montagneux, n’est pas présent dans tous les esprits, encore moins quand il s’agit d’écrire la loi et d’imposer son application. La loi Littoral par exemple s’applique chez nous à 1500 mètres d’altitude. Un véritable mille-feuille législatif s’applique sur ces 2500 km 2: la loi ZAN, la loi Montagne, la loi littoral. Il ne peut y avoir que du scepticisme voir du rejet. où est la cohérence?

Notre climat est tropical, pourquoi devons-nous appliquer les normes hexagonales? Il est évident qu’elles ne sont pas adaptées. Malheureusement, la plupart du temps, elles s’appliquent de manière indifférenciée.

C’est pourquoi, nous attendons beaucoup des normes (RUP) propres aux régions ultra périphériques pour nous permettre d’adapter notre bâti aux contraintes tropicales et de partir des matériaux de construction réunionnais afin de faire baisser les coûts et de réduire nos importations. C’est une évidence : il nous faut des circuits courts, pour l’économie comme pour l’écologie !

Les enjeux sont de réussir à répondre aux crises tel que celle du logement tout en protégeant notre patrimoine terrestre. Les enjeux c’est maintenant qu’on a réussi notre transition énergétique - 100% de la production d’électricité à La Réunion est renouvelable - c’est d’aller vers l’autonomie énergétique. Certes nous n’importons plus de fioul ou de charbon mais nous importons de la biomasse : nous devons être plus résilients, moins émetteurs de gaz à effet de serre. De nombreux Réunionnais en sont conscients, le Gouvernement a ces dernières années été absent, les élus locaux avancent. Nous devons aujourd’hui accélérer. Pour la planète comme pour notre île.

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