Tribune libre de Mario Serviable

Discours à la jeunesse de l'océan Indien

  • Publié le 24 juillet 2015 à 10:06

Les Jeux des Iles de l'océan Indien regroupent, et on l'oublie, des îles-Etats qui ont choisi la forme républicaine de gouvernement. Ces jeux démarrent, et on l'oublie aussi, le lendemain de la date anniversaire (31 juillet 1914) de l'assassinat de Jean Jaurès, symbole, c'est-à-dire incarnation et personnification de l'idéal républicain. De quoi Jaurès est-il concrètement le symbole ? Il est la représentation de l'espérance sécularisée et éducative pour la Jeunesse, c'est-à-dire pour l'avenir de l'humanité.

Dans son engagement politique et dans son enseignement, il affirme que seule la Jeunesse peut changer le cours des choses et changer de monde :  enlever la vie aux systèmes de marchandisation à commandement capitaliste  -  c’est-à-dire de l’air, de l’eau, du ciel, de la beauté des paysages et des hommes et du savoir humain  -  , engager la production sociale pour augmenter le capital du commun, renoncer à la violence qui est une ruse des pouvoirs symboliques et débusquer ceux " qui entravent et corrompent le développement du commun " (Toni Negri/Michael Hardt).

Pourtant, une partie de la jeunesse d’aujourd’hui est en danger. La République perd une partie de ses enfants, engagés à changer le monde Kalashnikov à la main, et à échanger la Terre des hommes pour le ciel des assassins-martyrs. Si la République perd des enfants, la République est perdue.

La République et la démocratie sont des mots morts

 A la Jeunesse, Jaurès lance : " Et vous, qu’allez-vous faire de vos 20 ans ? " Il n’y a qu’une réponse juste : contrer la barbarie. Sinon la Terre sera abreuvée de " sang impur ", celui de tout ennemi ; sinon la Terre ira aux chiens de guerre, et la guerre est sans fin.

Que faut-il enseigner aux jeunes ? La sagesse innée des aînés dans l’apprentissage du vieillissement après avoir saccagé la Terre ? Ou le romantisme sans âge, déclenchant des effets d’orage de la colère juvénile pour les jeter, aveuglés d’orgueil et d’exaltation, dans les bras des ogres qui vomissent le monde et la modernité ? Non, il faut leur enseigner trois choses : la République comme croyance transcendantale, la laïcité pour pouvoir vivre ensemble, et l’éducation tout au long de la vie pour pouvoir formuler ses peurs et ses désirs et pour pouvoir mettre une limite raisonnable à ces peurs et ces désirs.

a) La République est devenue aujourd’hui un mot mort ou pire, la forme politique du marché mettant en scène la tragédie de l’impuissance et de l’indignité des peuples. Jaurès rappelle : " Qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance. Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action, qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ; qu’ils sauront de combattre sans se déchirer ; que leurs divisions n’iront pas jusqu’à une fureur chronique de guerre civile, et qu’ils ne chercheront jamais dans une dictature même passagère, une trêve funeste et un lâche repos " (Discours à la Jeunesse, Lycée d’Albi, 3 août 1903)

b) Qu’est-ce que la laïcité ? La laïcité est un combat, non pas pour opposer les uns aux autres, mais un combat contre ceux qui veulent opposer les uns aux autres. Car le seul combat qui vaille est le combat pour l’idéal : un idéal démocratique (un autre mot mort aux usages) et un idéal de fraternité. L’objectif étant de construire " la famille humaine " (Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948).

c) L’éducation est au cœur de la question sociale. Jaurès défend l’éducation tout au long de la vie qui forme le citoyen à la vie en société en développant sa conscience et ses talents ; elle fera avancer les hommes sur la voie d’une humanité unique, riche de ses différences et se nourrissant d’idéaux transnationaux : liberté, égalité, fraternité. Dans ses souvenirs d’école, Jaurès disait ressentir la souffrance que lui infligea la fable Le Loup et L’Agneau : " Au fond des forêts / Le loup l’emporte, et puis le mange/ Sans autre forme de procès "

Le destin injuste des agneaux est d’être tué par les loups. Aujourd’hui, la gouvernance du monde n’appartient plus aux peuples ni aux gouvernements : elle appartient à des créanciers prédateurs, mettant en œuvre sans procès la férocité des forces de l’argent. Mais l’espérance est au cœur de l’Histoire. En tous temps et en tous lieux, contre la misère matérielle et morale des plus faibles, contre la cruauté des loups, la leçon de résistance de Jaurès doit être retenue : " L’Histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir ".

Et nous, qu’avons-nous fait de nos 20 ans ?

Mais il faut faire vite. Car le jeune vient au monde, vit et vieillit tout en cherchant l’illumination ; pour éclairer son chemin vers la soif d’absolu, au risque d’être ébloui et aveuglé par les loups qui ont la haine du monde. Mais la Jeunesse, c’est-à-dire ce moment pendant lequel la vie de l’espèce se renouvelle dans les étreintes et les baisers, est éternelle ; comme la mer toujours recommencée par les gouttes d’eau à venir.

Et nous qui n’avons plus 20 ans, mais qui détenons le pouvoir et l’autorité, qu’allons-nous faire ? Marguerite Duras avouait : " J’ai passé toute ma vie derrière une porte fermée ". Nous aussi. La responsabilité de notre génération est d’ouvrir les portes, par-delà les pierres des temples et des tombes, aux jeunes du moment, et de leur donner les clés de demain. Sinon ? C’est simple : un jour, il n’y aura plus de demain.

Mario Serviable, Inspecteur de la Jeunesse et des Sports

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3 Commentaires
mécoué
mécoué
9 ans

Plus que jamais la pensée des hommes de la trempe des : Jaurès doit être source d’engagement et d’actions. La difficulté actuelle réside dans le fait de trouver pour la « mission », des serviteurs dignes et fidèles.
Depuis quelques temps déjà, probablement à cause de la déliquescence des valeurs essentielles : Droits ; Devoirs ; Respect ; Civisme ; Responsabilité, Solidarité, on ne procède pour les différents types de jouissance et caprice, que par laxisme et démission.
Le « jeunisme » actuel entre autres démissions déconcertantes, veut que l’avis de l’enfant soit préalablement pris en considération, pour toute action le concernant dans pratiquement tous les domaines : éducation, sport, loisir…
Que faut-il attendre de cette inversion de sens, où c’est le « tuteur » qui doit se plier aux exigences de la « jeune pousse » ?

Confucius, considéré comme un des pères de notre civilisation a dit : « Rien n’est jamais sans conséquence, en conséquence rien n’est jamais gratuit. » et poursuit par cette réalité : « Nul pierre ne peut être polie sans friction, nul homme ne peut parfaire son expérience sans épreuve.»
Par l’application de ces concepts essentiels, chaque être est sensé trouver ou retrouver son indispensable rôle par l’apport lié à sa reconnaissance capacitaire. Ce fait valorisant induit aussi : fierté, dignité, indépendance légitime, dans un cadre de solidarité et de devoir devenu réciproque et collectif.
Par ce retour à la considération collective, « l’égoïsme jouissif» qui insidieusement, poursuit un travail de sape sur les bases mêmes de la société, ne peut qu’être stoppé. L’homme, et son autre, cet alter ego, pourront être enfin le centre des préoccupations afin de privilégier ce mieux être collectif.

Pour ce faire, tout en ne restant plus le « paravent de service accommodé à toutes les sauces », (rôle trop longtemps tenu voire imposé sans réel moyen d’expression ou, d’action…), l’Association type loi 1901 en retrouvant son esprit d’initiative et son coté philanthropique, (libérée aussi de certaines exigences légales, un Président, n’est pas un Patron), peut et doit rejouer pleinement ce rôle dans « l’éducation populaire », rôle qu’elle n’aurait pas dû en grande partie abandonner, pour la seule gagne en compétition.

Merci Mario d’avoir introduit ce sujet… reste plus qu’à poursuivre la réflexion sur tous les sujets de préoccupations y compris celui du chômage et des automatisations outrancières. " le beurre, l'argent du beurre , les faveurs de la fermière...", est-ce possible de tout avoir ?

dan run
dan run
9 ans

La masturbation intellectuelle aide beaucoup quand on philosophe sur la jeunesse , Jaurès lance : " Et vous, qu’allez-vous faire de vos 20 ans ? repris par M. Mario Serviable, Inspecteur de la Jeunesse et des Sports .
Il y a une réalité “ Pour beaucoup de jeunes et moins jeunes, c’est le travail qui doit venir vers eux, pas loin de la case, pas trop tôt le matin ni trop tard le soir, tout près de l’arrêt de bus, pas trop fatigant non plus physiquement, et pas dur intellectuellement “

A bon entendeur salut .

Soweto
Soweto
9 ans

Il faut aussi enseigner à notre jeunesse le respect de l'environnement et la préservation des éléments de vie :
- la terre qui nous nourrit,
- l'eau source de vie,
- l'air que nous respirons...
Ces éléments de vie que nous partageons avec l'ensemble des êtres vivants méritent d'être sanctuarisés, protégés comme nos ancêtres le faisaient afin de continuer à perpétuer le miracle de la vie.