Tribune libre de Philippe Naillet

Discours du député Philippe Naillet sur la proposition de loi vie chère

  • Publié le 23 janvier 2025 à 14:38
  • Actualisé le 23 janvier 2025 à 14:39

Disons-le d’emblée, la vie chère est une injustice insupportable qui dure depuis trop longtemps pour nos populations. Elle n’a rien de nouveau, c’est une vieille connaissance. (Photo photo RB/www.imazpress.com)

Autrement dit, la vie chère vient de loin. 2008 en Guyane, 2009 aux Antilles, 2011 à Mayotte, 2017 à nouveau en Guyane, 2018 à nouveau à Mayotte ainsi qu’à La Réunion, et plus récemment encore 2024 en Martinique : les mouvements de protestation contre cette injustice qui empoisonne l’existence des français ultramarins sont légion et s’intensifient.

Ne nous voilons pas la face, la vie chère découle directement de l’histoire coloniale de la France qui a favorisé une logique d’"économie de comptoir" dont les dynamiques perdurent encore trop souvent dans nos territoires, tous éloignés de l’hexagone et pour beaucoup insulaires.

Nos territoires souffrent en effet des comportements agressifs d’acteurs économiques avec une logique de domination. A La Réunion par exemple, le rachat concrétisé en 2020 de Vindémia, filiale du groupe Casino, par le groupe martiniquais Bernard Hayot (GBH) en est un parfait exemple.

Un tel rachat avait fait bondir le groupe GBH de 17% à 37% de parts de marchés dans le secteur de la grande distribution et interroge sur l’efficacité du cadre de régulation actuel.

37% c’est également la différence de prix sur l’alimentaire entre La Réunion et l’hexagone, que nourrit les positions dominantes de ces grands groupes. Pourtant, cette opération retentissante de rachat avait été validée par l’Autorité de la Concurrence avec, il faut le dire, une décision marquée du sceau de la naïveté et teintée d’éloignement parisien.

L’"effet ciseau" qui caractérise la vie chère alimente la colère légitime de nos populations : alors que mon niveau de vie est inférieur à celui de mon compatriote de l’hexagone, où est l’équité républicaine quand je dois payer plus cher mon caddie de courses, 37% de plus, je l’ai dit, à La Réunion, ou bien encore ma voiture, 25% de plus sur un véhicule.

Où est l’équité républicaine quand nos familles n’ont d’autre choix que de se nourrir avec des produits bas de gamme au détriment de leur santé ? C’est tout simplement inacceptable et fissure le pacte social jour après jour. Des dispositifs existent déjà qu’il convient de renforcer.

Ainsi les lois "régulation économique" de 2012 et "égalité réelle" de 2017 initiées par Victorin Lurel et portées au Gouvernement de l’époque par les ministres George Pau‐Langevin et Ericka Bareigts, auxquels je veux rendre hommage, ont mis en place des outils pour les pouvoirs publics afin de lutter contre les marges abusives et les pratiques anticoncurrentielles.

Mais avec cette proposition de loi, nous ne demandons pas un chèque, nous ne demandons pas des mesurettes, nous voulons changer les choses de manière structurelle.

Les dés pipés et les règles du jeu où à la fin ce sont toujours les mêmes qui continuent à s’enrichir sur le dos de nos populations, ça suffit. Avec les députés socialistes et apparentés, nous menons frontalement le combat contre la vie chère.

Sous la précédente législature, notre groupe a ainsi été à l’origine d’une commission d’enquête sur le coût de la vie Outre-mer dont j’ai eu l’honneur d’être le Vice-président et qui a permis d’objectiver l’opacité des mécanismes de formation des prix, ainsi que de formuler des propositions d’actions.

Je défendrai à cet égard lors de notre débat en séance publique un amendement visant à renforcer la transparence et le contrôle du dispositif dit des « marges arrière ».

Notre ambition est triple et va droit au but :

- Rendre effectif le bouclier qualité prix pour obtenir des prix sur des biens de première nécessité et de consommation courante équivalents à ceux pratiqués en moyenne dans l’hexagone.

- Renforcer les sanctions envers les sociétés qui ne respectent pas l’obligation légale de publication de leurs comptes.

- Appliquer le seuil spécifique Outre-mer de notification des concentrations pour 5 millions d’euros pour le commerce de détail à l’ensemble des domaines d’activité économique au sein des Outre-mer

Les constats convergent et rappellent qu’on ne peut plus attendre. Le rapport sur l’évolution ides territoires ultramarins remis au Président de la République en décembre 2024, dont nous attendons encore la publication complète et dont le journal Le Monde a publié la synthèse, appelle à un changement de notre modèle économique.

Les auteurs appellent à enfin "assurer l’exercice d’une concurrence non faussée". Je ne voudrais pas terminer sans saluer le travail conséquent accompli
par notre rapporteure, Madame Béatrice Bellay.

Plus que jamais, des mesures structurelles contre la vie chère et la régulation de la concentration des acteurs économiques dans nos territoires sont donc une nécessité absolue afin de permettre un développement pérenne de nos territoires ultramarins et de faire de l’égalité républicaine non pas un slogan mais une réalité vécue.

Je vous remercie.

Philippe Naillet, député de La Réunion

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3 Commentaires
Ste Suzanne
Ste Suzanne
1 mois

Il connaît la vie chere lui
Il touche plus de 7000€ avec toys les avantages
Encore un qui fait semblant d aidé les autres pour gardé son poste et ses avantages

Frédérique
Frédérique
1 mois

Beaucoup font régulièrement des courriers de lecteurs sur des sujets pertinents, l'eau, nouvelles taxes pour les retraités, les déremboursements des médicaments, l'augmentation des mutuelles, violences chômages corruption...etc etc. Pourtant ils ne sont pas députés ? Où est la différence ? Les parlementaires sont payés à plus de 7000 euros et les attachés qui font leurs communiqués tandis que les autres eux mêmes écrivent sans être payés...Que la vie est belle....

Mi di Mi pense
Mi di Mi pense
1 mois

A quoi sert-il à part de faire des Tribunes libres ?