Tribune libre de Ericka Bareigts

Hommage à Maryse Condé

  • Publié le 3 avril 2024 à 14:38
  • Actualisé le 3 avril 2024 à 14:45

"Yé krik, yé krak ! Mesdames, messieurs, je vous dis bonsoir ; je vous dis bien le bonsoir !" (Traversée de la Mangrove). J’ouvre cet hommage avec les mots de Maryse Condé, parce que ses mots sont sans doute ce qu’elle a porté le plus haut durant toute sa vie. Une vie qu’elle a consacré à la dignité des êtres humains, partant du centre d’un cercle concentrique intime, celui de son île natale la Guadeloupe, jusqu’à atteindre une dimension bien plus large : universelle (photo rb/www.imazpress.com)

Je ne dis pas cela pour la renommée internationale qu’a pu acquérir Maryse Condé, je dis cela parce qu’au fil de ses mots (ceux de la journaliste, ceux de l’illustre professeure de français à l’Université de Columbia, ceux de la monumentale écrivaine), au fil de ces mots-là, de tous ses mots, elle est parvenue non seulement à faire rayonner une communauté langagière à travers le monde – celle de la francophonie,

mais aussi – et surtout – elle est parvenue à sortir de l’ombre les maux des femmes en général (et de la femme noire en particulier) : Victoire, les saveurs et les mots, Histoire de la femme cannibale, Moi, Tituba sorcière… sont autant de titres qui pourraient en rejoindre bien d’autres de sa propre plume, et qui ont contribué à mettre fin à des silences, qui ont aidé de nombreuses femmes à travers la planète à relever la tête. Maryse Condé, indéniablement, est ce epié-bwa à l’ombre duquel (on) pourrait éclore" (Traversée de la Mangrove).

Alors, je ferai ici une recommandation : si vous deviez, dans votre intimité à vous, rendre hommage aux multiples talents de cette immense femme, de ce monument de la langue et de la littérature française tout autant que de la francophonie, ce serait de la lire. Lisez Maryse Condé : lisez Traversée de la Mangrove et découvrez la multiplicité de ses voix. Lisez Ségou et visitez l’Histoire. Lisez aussi En attendant la montée des eaux, roman qui a ouvert la voie au Grand Prix du Roman Métis de la Ville de Saint-Denis, puisque Maryse Condé en a été la première lauréate.

Comme elle a été la lauréate de ce prix Nobel alternatif, en 2018, décerné par des libraires à travers le monde, parce que les révélations de MeToo avaient secoué le comité Nobel lui-même… Est-ce un hasard si cette dame, cette femme-là qui, cette année-là, a reçu cette distinction exceptionnelle ? Sans doute que non…

Maryse Condé était à propos, juste, présente là où il faut être, au bon moment. Elle a mené ses combats avec ferveurs et pugnacité, jusqu’à devenir le monument qu’elle est aujourd’hui. A cette femme exceptionnelle, à l’intelligence exceptionnelle, aux talents exceptionnelles, je veux rendre un chaleureux hommage. Qu’elle s’envole dans un frou-frou d’ailes et qu’elle puisse rire encore longtemps des farces déconfites. (Moi, Tituba sorcière…).  

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