Tribune libre de Kévin Lognoné

<strong>La Réunion, un nid de corsaires ?  </strong>

  • Publié le 23 janvier 2023 à 16:25

Si les chemins de mémoire entre Madagascar et le Yémen et plus largement avec l’espace indianocéanique  restent méconnus ; l’Unesco a révélé des éléments de concordance entre navigateurs et hommes du désert grâce à un entretien réalisé par Théodore Monod dont l’amitié avec Louis Massignon s’est forgée dans un  grand orientalisme et humanisme. À l’âge de 91 ans, il entama une dernière expédition au contact des  peuples « corsaires du désert ». 

Théodore Monod est un scientifique, naturaliste biologiste, explorateur, érudit et humaniste français. Il est  le grand spécialiste français des déserts, l'un des plus grands spécialistes du Sahara au XXe siècle et bon  nombre de ses 1.200 publications sont considérées comme des œuvres de référence. 

Après de nombreuses traversées éprouvantes du désert du Sahara en Afrique, Théodore Monod se  consacra au désert libyen. En 1993, à l’âge 91 ans, il entama une dernière expédition dans la Majabat al  Koubra, le désert des déserts. A l’issue de celle-ci Théodore Monod descendit pour la dernière fois de son  chameau. Le Courrier de l'Unesco avait publié en 1994 un entretien où il défendait le peuple touareg, "ces  corsaires du désert" dont il admirait le nomadisme. Cette métaphore corsaire mérite d’être approfondie  car elle est la source d’une grande créativité littéraire mais aussi d’un voyage des profondeurs de l'histoire  humaine aux aspirations du futur. Plusieurs temples de la connaissance y contribuent comme la  médiathèque Théodore Monod de Betton (Ille-et-Vilaine), le modèle Borders Studies de la fondation  culturelle Théophile Lognoné ou encore le rue Théodore Monod de Saint-Malo, berceau des industries  créatives et culturelles de la côte d’Emeraude en Bretagne. 

En Loire Atlantique qui cultive des liens historiques entre métropole et Océan indien, on associe le port de  Cordemais à l'origine latine : « Cor Maris » autrement dit «Cœur de Mer ». Son centre de découvertes, Terre  d'Estuaire est l’un des rares lieux d’interprétation thématique en Europe à la croisée de la puissance corsaire  de Jacques Cassard et des vents porteurs de Jules Verne. L’espace saharo-sahélien est un lieu idéal pour  débattre du parallélisme étonnant entre ces deux personnages. 

Moins connu que son cousin Surcouf, le corsaire de l'estuaire de la Loire, Jacques Cassard, fut chargé en  1710 par le secrétaire d'État français Pontchartrain de protéger des convois de blé venant de Tunisie vers  la France menacée de famine. Le petit âge glaciaire du XVIIe siècle sévissait sous l'Ancien régime avec une  succession d'hiver glacial et d'été pourri. Le froid atteignait -25 °C en rase campagne et il gelait dans les  chaumières. 

L'adversité corsaire permit de venir en aide à cette crise de subsistance. Et nourrir la créativité littéraire de  Jules Verne. En 1905, année de la mort de l’écrivain, son dernier roman : « L’Invasion de la mer », est  consacré à l'utopie des bâtisseurs d’une seconde Méditerranée en plein Sahara. L’énorme évaporation  produite par le soleil saharien, poussée par les vents du Sud vers les crêtes élevées de l’Aurès, irait s’y  résoudre en pluies, y créer des sources, y ramener la fertilité qui faisait jadis des plateaux de Sétif le grenier  de Rome. 

Vigies ou lanceurs d’alerte de la diplomatie du climat, les corsaires du désert existent-ils toujours ? Après  son Youth Summit : Y7, la Présidence allemande du G7 a relancé une campagne Corsaires du plastique .  Cette initiative allemande associe désormais le Portugal et la Slovénie : https://www.plastic-pirates.eu/ en  dans la lutte contre les déchets plastiques. Les outils de vulgarisation et de médiation scientifique de cette  campagne éco-citoyenne pourraient peut-être inspirer des stratégies de valorisation de la perliculture et  de l’économie circulaire en Afrique et dans l’Océan indien. Pendant longtemps, le cauri a été un coquillage  utilisé comme monnaie dans une grande partie de l'Afrique et de l'océan Indien. Le principal fournisseur en  était les Maldives, qui conservent encore ce coquillage comme symbole sur tous ses billets de banque.  Certains États africains (Bénin, Burkina Faso) utilisent encore les cauris en complément de leur monnaie. Ce  coquillage a été choisi comme emblème de la banque malienne de développement. 

Kevin Lognoné

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