Tribune libre des Jeunes Agriculteurs Réunion

Lettre ouverte aux consommateurs réunionnais : "ce que j’ai à vous dire sur notre agriculture péi"

  • Publié le 15 avril 2025 à 18:45
  • Actualisé le 15 avril 2025 à 18:47

Oui, le prix des fruits et légumes péi est plus élevé aujourd’hui qu’hier. Oui, nos produits sont parfois plus chers que ceux venus d’ailleurs. Oui, certains agriculteurs seront indemnisés pour leurs pertes après le cyclone Garance. Oui, des assurances existent, et ceux qui ont eu les moyens de s’en offrir verront une partie de leurs réparations prises en charge. Oui, vous voyez des pick-up sur nos routes. Oui, des tracteurs roulent sur la 4 voies pendant la campagne canne. (Photo : sly/www.imazpress.com)

Mais...

Mais l’agriculture péi, ce n’est pas un caprice ni un passe-temps. C’est un métier. C’est une vie. C’est le quotidien de femmes et d’hommes qui se lèvent chaque matin pour nourrir cette île.

C’est une agriculture qui tente de payer ses salariés, ses charges, ses factures au prix de la vie à la Réunion. C’est une agriculture qui refuse de produire des légumes calibrés mais sans goût, des fruits brillants mais vides de sens.

C’est une agriculture de petites exploitations, sur des terrains escarpés, difficilement mécanisables, où chaque kilo produit est un combat.

C’est une agriculture qui ne se fait pas avec de la main-d’œuvre sous-payée à l’autre bout du monde. C’est une agriculture qui subit, année après année, des sécheresses, des cyclones, des pertes, des retards d’indemnisation, des découragements. Et malgré tout ça, elle continue.

Quand un cyclone passe, certains perdent leur maison. Nous, lorsque ça arrive, on perd notre maison ET notre emploi. Et contrairement à d’autres, nous n’avons ni salaire garanti, ni aide immédiate pour relancer notre activité. Les indemnisations ? Parfois un an d’attente pour quelques centaines d’euros.

Certains sont propriétaires, d’autres locataires, les charges s’accumulent et doivent être payées, les délais ne sont pas extensibles indéfiniment. Essayez de faire vivre une famille avec ça.

Vous voyez un pick-up ? Nous voyons un outil de travail. Le seul capable d’atteindre certains champs. Vous trouvez nos produits chers ? Nous voyons des personnes pleurer pour une salade à 2€ puis acheter des produits transformés, sucrés, importés, sans cligner des yeux avant de repartir du supermarché en voiture tunée.

Vous critiquez les remorques sur la 4 voies ? Nous y voyons une filière canne qui fait vivre des milliers de Réunionnais, les éleveurs voient un moyen de nourrir les bêtes, et d’épandre leurs effluents d’élevage afin de fertiliser les champs, les entreprises voient une source d’énergie.

Si l’agriculture péi meurt, ce ne sont pas que des produits qui disparaîtront. Ce sont des champs remplacés par des immeubles. Ce sont des paysages défigurés. Ce sont des familles effacées. Ce sont des libertés perdues.

Vous comptez sur les importations ? Sans agriculture locale pour équilibrer les prix, qui se fera de l’argent sur votre dos ? Les lobbys, les pays étrangers, l’État.
Aujourd’hui, nous pleurons avec vous. Car oui, le prix est devenu difficile à supporter. Mais posez-vous les bonnes questions :

Souhaitez-vous encore d’une agriculture réunionnaise ?

Souhaitez-vous encore de nos produits, de notre savoir-faire, de notre terre nourricière ?

Souhaitez-vous encore que nos enfants puissent grandir ici, sur leur île, en continuant à la faire vivre ?

L’agriculture péi vous parle. Écoutez-la tant qu’elle existe encore.

Pour que l’agriculture péi ait un avenir.

Jeunes Agriculteurs Réunion

guest
4 Commentaires
De fondaumierepaul.defaondaumiere@gmail.com
De fondaumierepaul.defaondaumiere@gmail.com
1 semaine

C’est bien dit!
Pour autant les prix des fruits et légumes à la Reunion sont comparables aux prix en métropole pour des produits cultivés en France évidemment !

wow
wow
1 semaine

Je suis désolé, la canne est indéfendable. L'agriculture intensive est indéfendable, je n'ai plus aucune confiance dans l'agriculture française, et j'ai peur de m'empoisoner en y mangeant autant que si je mangeais un produit ultra transformé, j'ai peur de la bêtise et du pouvoir des syndicats agricoles majoritaires, j'ai honte de la formation et de l'ouverture d'esprit des jeunes agriculteurs. J'ai honte pour vos subventions mensuelles de canneux et de Paceux. C'est trop tard pour convaincre. Seul ce que je fais pousser est mangeable, aucune confiance en vous.

paco
paco
1 semaine

De génération en génération on a presque été éduqué a ne pas aimer les agriculteurs! Pourquoi? Je ne sais pas peut être que valoriser celui qui use sa chaise de bureau à longueur de journée au détriment de celui qui travaille la terre y est pour quelque chose, il y en a même qui diront qu'ils n'ont pas besoin d'agriculteur, les plus vieux souvent le pensent! C'est stupide et incompréhensible mais que voulez vous..
Courage à vous et tenez bon!

Einaferpoudit
Einaferpoudit
1 semaine

C'est bien dit. Rien à dire de plus Paco.