Tribune libre de Fabrice Hoarau

Mayotte : 14 ans après la départementalisation, un abandon institutionnel criant

  • Publié le 9 janvier 2025 à 11:31
  • Actualisé le 9 janvier 2025 à 11:34

En 2011, Mayotte devenait officiellement le 101e département français. Cette départementalisation,perçue comme une étape historique vers une reconnaissance pleine et entière de l’île au sein de la République, devait permettre de réduire les inégalités sociales et de combler le retard structurel accumulé pendant des décennies. (Photo : www.imazpress.com)

Pourtant, à l’aube de 2025, la situation de Mayotte reste dramatique. Les Mahorais, loin de bénéficier d’une égalité sociale et économique, subissent ce qui pourrait être considéré comme un abandon de l’État.

Ce constat alarmant a été récemment aggravé par le passage du cyclone Chido, qui a dévoilé les failles béantes de l’aménagement et des infrastructures de l’île. Cet événement tragique a exposé les carences d’un territoire laissé à l’abandon.

Dans cet article, nous analysons la situation sous deux angles majeurs : l’égalité sociale, toujours absente 14 ans après la départementalisation, et l’aménagement du territoire, marqué par un manque cruel de politiques publiques cohérentes notamment en matière de logement.

I. Une égalité sociale encore partielle : les Mahorais condamnés à la précarité

Lorsqu’un territoire devient un département français, il s’attend légitimement à bénéficier des mêmes droits sociaux que les autres départements. Mais à Mayotte, cette promesse n’a jamais été tenue.

1. Des prestations sociales minorées (*source CSSM)

L’égalité sociale, pilier de la République, reste un concept abstrait pour les Mahorais. Alors que Mayotte est officiellement un département depuis 2011, ses habitants perçoivent certaines allocations importantes de manière bien inférieure à celles des autres départements :

• Le RSA (Revenu de Solidarité Active) est inférieur à celui versé en France ou à La Réunion. Alors qu’un bénéficiaire réunionnais touche environ 635 € par mois, un bénéficiaire mahorais ne perçoit que 318 €, soit seulement 50 %.

• Certaines allocations et autres aides sociales sont également versées à des montants réduits, plaçant de nombreuses familles mahoraises sous le seuil de pauvreté.

Cette inégalité est d’autant plus insupportable que Mayotte est l’un des territoires les plus pauvres de France. En 2022, près de 80 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté. L’absence de ressources suffisantes fragilise encore davantage les familles mahoraises, qui luttent pour satisfaire leurs besoins essentiels dans un contexte économique marqué par un coût de la vie élevé.

2. Une pauvreté aggravée par des infrastructures insuffisantes

Les difficultés sociales à Mayotte sont exacerbées par le sous-investissement chronique dans les infrastructures publiques.

• Le système de santé est sous-dimensionné, avec un hôpital débordé et un manque criant de personnel. Les Mahorais doivent souvent attendre des mois pour des soins spécialisés.

• Le système éducatif est en crise : les écoles manquent de matériel, de personnel et de structures adaptées, ce qui conduit à un taux d’échec scolaire alarmant.

• L’emploi reste une problématique majeure. Le chômage frappe plus de 30 % de la population, et les jeunes sont particulièrement touchés, faute de formations adaptées et de débouchés professionnels.

3. Une comparaison injuste avec La Réunion

À La Réunion, il a fallu 50 ans pour obtenir l’égalité sociale. Ce combat, mené au prix de luttes sociales intenses, a permis d’améliorer les conditions de vie de la population et de réduire les inégalités avec la France même s’il reste encore beaucoup à faire. Mais combien de temps faudra-t-il à Mayotte pour obtenir les mêmes droits ?

Le retard pris à Mayotte est d’autant plus inacceptable que les besoins sont immenses et urgents. La République ne peut continuer à traiter ce département comme une périphérie négligeable, en refusant d’appliquer pleinement les droits sociaux qui devraient être garantis à tous ses citoyens.

II. L’aménagement et le logement : une absence totale de politique publique

Le passage du cyclone Chido il y a quelques jours a mis en lumière l’ampleur des lacunes dans l’aménagement du territoire à Mayotte. Ce drame climatique, qui a causé des dégâts considérables, a révélé la vulnérabilité extrême d’un territoire qui n’a bénéficié d’aucun plan de rattrapage sérieux depuis sa départementalisation.

1. Une crise du logement dramatique

Le logement est l’un des principaux indicateurs de l’abandon de Mayotte.

• Habitat insalubre : Une grande partie de la population vit dans des cases en tôle ou des logements de fortune, souvent sans accès à l’eau potable ni à l’électricité et qui a été détruit quasiment à 100% par le passage de Chido.

• Surpopulation : Les logements sont souvent sur-occupés, avec plusieurs générations partageant un même espace exigu. Cette situation favorise la promiscuité et les tensions sociales.

• Absence de logements sociaux : Alors que les besoins en logements sociaux explosent, l’offre reste dérisoire. Le parc existant est saturé, et aucun programme ambitieux de construction n’a été lancé.

En comparaison, La Réunion malgré des retards encore significatifs, a bénéficié, au fil des décennies, de politiques de rattrapage qui ont permis de réduire l’habitat insalubre et de répondre partiellement encore à la demande croissante en logements sociaux.

À Mayotte, aucune initiative similaire n’a été mise en œuvre, laissant des milliers de familles dans des conditions indignes.

2. Des infrastructures insuffisantes et inadaptées

Le sous-développement des infrastructures à Mayotte aggrave les inégalités sociales et économiques:

• Routes et transports : Le réseau routier est limité et mal entretenu, ce qui complique les déplacements et freine le développement économique.

• Accès à l’eau et à l’électricité : Les coupures d’eau et d’électricité sont fréquentes, et de nombreuses zones rurales n’ont pas accès à ces services de base. Nous avons vu aussi en 2024, les problèmes chroniques d’approvisionnement global en eau de l’île.

• Infrastructures publiques : Les écoles, l’hôpital et les équipements publics sont largement sous-dimensionnés pour répondre aux besoins de la population.

Le cyclone Chido a montré l’ampleur de ces lacunes. Les routes inondées, les coupures d’électricité prolongées, la destruction quasi totale des logements insalubres et des bidonvilles, même la détérioration des bâtiments publics et l’absence de structures d’accueil pour les sinistrés ont plongé de nombreuses familles dans le désespoir.

3. Un manque de vision politique

Depuis 2011, aucun plan global d’aménagement du territoire n’a été mis en place à Mayotte. La départementalisation, loin d’être accompagnée d’une stratégie de développement, s’est limitée à une décision politique symbolique.

Pour Action Populaire de la Réunion, cette absence de vision est une trahison envers les Mahorais, qui méritent une République qui investit dans leur avenir. Nous appelons à :

• Un plan massif de rattrapage en matière de logement, avec la construction de logements sociaux adaptés et la résorption de l’habitat insalubre.

• Des investissements dans les infrastructures, notamment dans les réseaux de transport, d’eau et d’électricité.

• Un programme de développement durable, prenant en compte les spécificités climatiques et géographiques de Mayotte pour prévenir les catastrophes naturelles.

Conclusion : Mayotte, un abandon intolérable

Quatorze ans après sa départementalisation, Mayotte reste un département de second rang, privé des droits et des opportunités qui devraient être garantis à tous les citoyens français. Les Mahorais, laissés dans une précarité chronique, subissent les conséquences d’un manque de volonté politique flagrant.

Pour Action Populaire de la Réunion, l’exemple de La Réunion, où des luttes restent à mener parce qu’il reste encore beaucoup à faire, montre cependant qu’il est possible de réduire les inégalités et de développer un territoire, à condition d’y investir les moyens nécessaires.

Mais cela nécessite une mobilisation urgente et une prise de conscience collective.

Le passage du cyclone Chido, en révélant les carences structurelles de Mayotte, doit être un signal d’alarme pour la République. Il est temps d’agir, non seulement pour réparer les dégâts, mais pour construire un avenir digne pour les Mahorais.

L’égalité sociale et le développement de Mayotte ne sont pas une faveur, mais une obligation républicaine.

Pour APR

Le secrétaire général, Fabrice Hoarau

guest
5 Commentaires
Japaco
Japaco
1 mois

La solution est pourtant simple. Il faut accueillir un maximum de nos compatriotes mahorai à la réunion.

Phil
Phil
1 mois

Lamentable votre réponse , des centaines de morts ou disparus chez nos compatriotes et voisins qui pour la plupart manquent toujours d'eau potable et ne mangent que du riz ... un responsable politique s'exprime et nous pouvons le remercier !

Phil
Phil
1 mois

Merci pour cette analyse claire et objective !

Juju
Juju
1 mois

Il est aussi nul que son père. Profites de la misère des gens pour essayer d être maire un jour. Les communistes b ont jamais voulu que les pauvres réussissent pour garder leur électorat.

La vérité si je mens !
La vérité si je mens !
1 mois

Ce type est en campagne électorale des municipales 2026, ça suffit la litanie Mayotte ... Mayotte ... Mayotte ...

Point à la ligne