Le préfet de La Réunion va saisir le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) du Ministère de l’Agriculture pour réaliser une étude sur notamment sur le mode de paiement de la canne à sucre à La Réunion par l’industriel et par les aides. Cette démarche fait suite au vote unanime d’une motion par les élus de la Chambre d’agriculture portant en particulier cette demande (Photo : www.imazpress.com)
Depuis plusieurs années, la CGPER revendique une révision du mode de paiement de la canne à sucre par l’industriel. La CGPER est satisfaite de voir cette idée reprise plus largement dans le monde agricole ce qui a permis un vote unanime à la Chambre d’Agriculture le 2 octobre dernier, et l’engagement de l’État à réaliser une étude donnant des éléments concrets pour débattre de cette question.
Le mois dernier ont été rendues publiques les conclusions d’une étude sur ce thème commandée par l’État en Guadeloupe. Elles affirment le mode de paiement doit être révisé car les richesses tirées de la canne à sucre permettent d’améliorer le revenu des planteurs.
Ces derniers mois, la CGPER avait intensifié la mobilisation sur ce sujet. Le 30 juillet 2024, l’action menée à l’usine sucrière de Bois-Rouge avait comme revendication principale le lancement d’une étude sur le prix de la canne à sucre à La Réunion par l’État.
Le 1er août dernier, la CGPER avait rappelé les problématiques structurelles liées au mode de rémunération des planteurs. Ces dysfonctionnements, amplifiés par des évolutions technologiques et économiques, pèsent sur la rentabilité des exploitations agricoles et menacent l’existence de la filière canne-sucre-alccols-énergie à La Réunion.
En 23 ans : 47 % d’inflation, 2,51 % d’augmentation du prix payé par l’industriel au planteur
La rémunération des planteurs repose sur une formule de calcul vieille de plus de 35 ans, élaborée à partir d’un rapport datant de 1984. Cette formule ne reflète plus les avancées technologiques ni les gains de productivité des industriels, notamment de Tereos, l’unique acheteur des cannes à sucre récoltées par les planteurs. Tereos exploite des procédés bien plus performants qu’à l’époque pour extraire le sucre. Pourtant, l’écart technique de 5,6 points entre la richesse mesurée et la richesse réelle reste inchangé, réduisant le revenu des agriculteurs.
Depuis plusieurs années, les industriels favorisent les variétés de canne riches en fibres, idéales pour la production d’énergie électrique. Or, la fibre, bien que valorisée économiquement, est pénalisée dans la formule de rémunération des planteurs. Pour une quantité identique de sucre dans deux lots, un taux de fibres plus élevé entraîne une rémunération moindre. Cette incohérence, doublée d’une absence de juste rétribution pour la fibre utilisée dans la production énergétique, creuse les inégalités entre planteurs et industriels.
En 2001, le prix de référence de la canne standard était de 39,09 euros, contre seulement 40,07 euros aujourd’hui, soit une hausse de 2,51 % en 23 ans. Sur la même période, l’inflation a dépassé 47 %, selon des estimations. Ce décalage manifeste entre la hausse des coûts et la stagnation des revenus plonge les agriculteurs dans une situation financière précaire.
Face à la rareté croissante des coupeurs de canne, de nombreux planteurs se tournent vers la mécanisation. Cependant, cette méthode impacte la richesse en sucre des chargements, ce qui se traduit par une baisse de revenus. La CGPER appelle à une révision de la rémunération selon les modes de récolte (manuelle ou mécanisée) pour corriger les inégalités.
La CGPER réclame une réforme globale du mode de paiement, prenant en compte non seulement les avancées technologiques, mais aussi les nouvelles réalités de la filière. Elle revendique notamment :
1. Une révision de la formule de calcul, en intégrant les gains de productivité des usines et les bénéfices tirés de la fibre et de la mélasse.
2. Une rémunération différenciée selon les protocoles de récolte pour rétablir une équité entre exploitations.
Pour les planteurs réunionnais, ces ajustements ne sont pas simplement techniques. Ils constituent une exigence de justice et de durabilité pour soutenir la poursuite de la culture de la canne à sucre à La Réunion dans des conditions économiques acceptables.
La CGPER souhaite que l’étude promise par l’État pour le premier semestre 2025 puisse faire toute la transparence nécessaire à l’aboutissement de ces revendications largement partagées dans le monde agricole.
Le président de la CGPER
Jean-Michel Moutama