Courrier des lecteurs

Sarkozy : un aveu de faiblesse ?

  • Publié le 26 mars 2013 à 14:01

Coup de tonnerre dans le monde politique à l'annonce de la mise en examen de M. Sarkozy dans l'affaire Bettencourt. Afin de ne pas attirer la foudre des supporters politiques de M. Sarkozy, il convient de prendre de la hauteur pour une analyse à froid de la situation, et dans le même temps, tirer toutes les leçons qui découlent d'une telle situation.

D’abord, il est nécessaire de rappeler que M. Sarkozy, comme tout justiciable, bénéficie  de la présomption d’innocence  et jusqu’à preuve du contraire, être mis en examen ne signifie pas coupable. Il est donc reproché à M. Sarkozy, ex-président de la République, d’avoir abusé de la faiblesse de madame Bettencourt afin de lui soutirer de l’agent pour financer sa campagne électorale de 2007. La réalité des faits n’est connue en totalité que de Monsieur Sarkozy, peut-être de madame Bettencourt, et de façon partielle mais non partiale, par le magistrat instructeur, en attente de corrélation par la suite de la procédure.

Une fois prise ces précautions nécessaires à l’analyse objective  revenons sur  le séisme politico-médiatique  provoqué par cette mise en examen. A gauche, l’affaire Cahuzac étant encore trop chaude, cette mise en examen de M. Sarkozy compense par un effet de symétrie, qui explique l’étonnant silence du parti socialiste et du gouvernement. A droite, l’excès est de mise et l’exagération se dispute à l’insolence sur fond de violence verbale dans la qualification de cette mise en examen. Les ténors sortent l’artillerie lourde pour dénoncer une justice aux ordres, où les faits n’existeraient pour la partie concernant l’abus de faiblesse, et pour l’autre partie seraient prescrits concernant le financement illégal de la campagne électorale.    

Le procès de la justice

L’insulte faite aux juges est d’autant plus grave car venant de personnes ayant exercées les plus hautes fonctions au niveau de l’État, elles ont de ce fait le devoir de toujours afficher la même volonté que lorsqu’ils étaient au pouvoir de garantir le bon fonctionnement des institutions de la Républicaine et encore plus des valeurs de justice et des indépendances d’action.

Mais cette violence des anciens apparatchiks est encore plus grave. En effet, dès lors qu’un ancien président  prétend, lorsque sa mise en examen lui est signifiée, que c’est une injustice, cet ancien président remet en cause les fondamentaux de la République et affirme sans le dire que la justice serait instrumentalisé par le pouvoir exécutif en place.

Une telle posture est la même que celle adoptée par les grands voyous ou les petits délinquants quand ils sont pris la main dans le sac.

Sans vouloir dire que la justice des hommes est parfaite, étant témoin éclairé de ses limites et aussi quelques fois de ses excès, l’affirmation de M. Sarkozy interpelle l’ensemble des citoyens ainsi que les autorités au plus haut niveau de l’État, en passant par tous les partis politiques.

Quand un ancien président  affirme  en filigrane par l’intermédiaire de son avocat qu’il s’agit d’un acharnement sans objet de la justice contre sa personne,  et par la même que la justice serait aux ordres du parti  politique au pouvoir, nous sommes tous en droit de se poser la question si M. Sarkozy parle en connaissance de cause. Pendant les 5 années exerçant le pouvoir suprême, M. Sarkozy, a t-il instrumentalisé le pouvoir judiciaire ou tenter de la faire  en vue de conforter son propre pouvoir ou d’affaiblir ses adversaires ? Cette question trouve sa toute pertinence quand on sait que tout justiciable innocent  sort toujours grandi dans son honneur et plus fort dans ses valeurs d’un procès où son innocence est reconnue formellement et objectivement par la justice. 

La posture de M. Sarkozy  aujourd’hui signifie qu’il a perdu confiance en la justice alors que sa fonction au sein du Conseil constitutionnel lui confère un pouvoir de levier qui n’est pas à la portée du simple justiciable lui permettant d’appréhender au mieux les mécanismes du système et que le pouvoir politique de son parti permet aussi d’agir sur ces mécanismes en temps et en heure pour rendre à la justice toutes sa crédibilité.

Pourquoi ni M. Sarkozy, ni son parti politique en temps et en heure, n’ont fait ce qui est en leur pouvoir de faire pour améliorer et faire évoluer l’appareil judiciaire vers plus de justice ?  A défaut de ne l’avoir fait, cela signifie que pour lui comme pour son parti cette justice fait tant bien que mal son travail et faute d’être parfaite elle assume bien ses missions et qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause le système.

Dans ce contexte où  jadis il lui était possible de remettre en cause le système judiciaire  vers plus d’indépendance et de loyauté, M. Sarkozy n’avait-il pas tenté par la suppression du juge d’instruction d’instaurer bien au contraire une justice à géométrie variable véritable  courroie de transmission du pouvoir exécutif ?

C’est à la lueur de ces éléments de contexte qu’on comprend mieux  cette angoisse viscérale du justiciable  Sarkozy  qui  craint de finir en victime d’une instrumentalisation du système judiciaire  et au final toute cette affaire ne serait que l’objet d’un règlement de compte politique.

Si certains prétendent que cette hypothèse ne tient pas la route, car dénuée de tout fondement et de toute logique, alors l’affaire serait encore plus grave. Cela signifierait  que M. Sarkozy, avocat de formation, serait alors conscient de sa culpabilité dans cette affaire et sa défense consisterait alors par tout moyens de décrédibiliser la justice et les magistrats qui l’approchent.  

Reviennent alors en surface  tous les problèmes de notre société actuelle. Entre un ministre du budget qui est présumé innocent dans une nébuleuse affaire de compte en Suisse et un ancien président de la République toujours présumé innocent dans une affaire d’abus de faiblesse en vue du financement de sa campagne électorale, se pose la question du pouvoir des politiques à la solde du pouvoir de l’argent.

A la Réunion comme en métropole ou ailleurs dans le monde, le pouvoir de l’argent semble avoir pris le pas sur le pouvoir politique, impuissant à réguler le capitalisme financier cannibalisant l’humanité. François Hollande dans son discours du 21 janvier 2012 au Bourget déclarait que son seul adversaire était la finance. Toujours François Hollande dans une de ses promesses électorales pour un changement maintenant, disait vouloir taxer les millionnaires à 75%. La suite nous la connaissons, le Conseil Constitutionnel a rejeté le texte et au final ce ne sera plus 75% mais 66%.  

François Hollande comme son prédécesseur, démontrent  par leur impuissance que face au monde de la finance, même un président de la République  est trop faible avec les forts (les millionnaires). Cet aveu de faiblesse de nos gouvernants sous tutelle de la finance caractérise ces  esclaves volontaires par intérêt personnel. 

Ce faisant, nos présidents vendent leur âme à ceux qui financent leur carrière politique et leurs campagnes électorales, perdant ainsi toute grandeur d’âme, et restent aux yeux de l’opinion des petits hommes…d’État…

Paul Junot

Secrétaire général de la CFTC

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2 Commentaires
jean louis
jean louis
11 ans

une parfaite analyse de la situation

sosso
sosso
11 ans

La justice est l'instrument du pouvoir en place non pas parce que les magistrats ou les procureurs subissent des pressions mais simplement parce que comme tout fonctionnaire bien établi il est logique d'aller dans le sens du courant politique du moment à l'instar de sa morale (s'il en existe encore une) dans ce monde un peu particulier... La justice : problème d'effectif (sans doute), mais aussi et surtout problème d'intégrité... "Les dossiers qui impliquent les élus dans les tiroirs et les autres c'est en fonction de ce que j'ai envie de faire en priorité... Les victimes je m'en tape..." c'est le sentiment vis à vis des magistrats, le sentiment des citoyens lorsqu'ils ont à faire à la justice...