Tribune libre de Karine Lebon

Vote pour la création d’une commission d’enquête sur la crise du logement social dans les outre- mer

  • Publié le 21 mai 2024 à 14:10
  • Actualisé le 21 mai 2024 à 14:13

Le mercredi 22 mai 2024 marquera le début d’une longue bataille parlementaire de laquelle nous devons absolument sortir victorieux (Photo : rb/www.imazpress.com)

Il ne se passe pas une journée sans que nous, parlementaires et élus locaux, soyons alertés par des citoyennes et des citoyens sur leurs difficultés à se loger et sur leurs conditions de vie de plus en plus dégradées.

La crise du logement social que nous traversons est sans commune mesure.

Cette situation, qui perdure depuis plusieurs années, affecte profondément la qualité de vie de nombreux Réunionnais et nécessite des actions concertées et urgentes.

La Réunion connaît une croissance démographique rapide. Avec une population dépassant les 860 000 habitants, notre île fait face à des défis uniques en matière d'habitat. Le logement social, destiné aux familles aux revenus modestes, est un pilier essentiel pour garantir une vie décente à toutes et tous. Or, le déficit en logements sociaux est alarmant.

Alors même que l’argent public est disponible, plusieurs facteurs expliquent cette crise.

1) Tout d’abord, la pression démographique : La croissance rapide de la population crée une demande constante de logements. Ce sont près de 45.000 familles qui sont en attente d’un logement social, et ce nombre ne fait qu’augmenter. Malheureusement, l’offre ne suit pas cette dynamique.

2) Viennent ensuite les coûts de construction : Les coûts des matériaux et de la main-d'œuvre ont augmenté, rendant la construction de logements sociaux plus onéreuse. À cela s'ajoutent les contraintes géographiques et environnementales spécifiques à La Réunion qui compliquent encore davantage les projets de construction.

3) Enfin, les contraintes administratives : Les procédures administratives longues et complexes retardent souvent la mise en œuvre des projets de construction.

Ainsi, les demandeurs de logements sociaux doivent souvent patienter plusieurs années avant d'obtenir une réponse positive. Pendant ce temps, ils sont contraints de trouver des solutions de logement provisoires, souvent coûteuses et inadaptées.

Au-delà de la question du manque cruel de logements sociaux qui ne nous permet pas de garantir à tous un droit fondamental à vivre dignement, la question de la qualité des logements livrés est elle aussi particulièrement préoccupante. De nombreuses familles vivent dans des conditions précaires, parfois dans des logements insalubres ou suroccupés. Cette situation a des effets délétères sur la santé, la scolarité des enfants ou encore l'intégration sociale.

L'absence de logement stable et décent renforce l'exclusion sociale et économique. Les personnes sans domicile fixe ou mal logées ont en effet plus de difficultés à accéder à l'emploi, à l'éducation et aux services de santé.

L'insalubrité des logements sociaux est un phénomène complexe et multifactoriel. À La Réunion, plusieurs indicateurs mettent en lumière l'ampleur de ce problème. De nombreux logements sont vétustes, mal entretenus, et présentent des défauts structurels qui compromettent la sécurité et le bien-être de leurs occupants. Les témoignages des habitants révèlent des conditions de vie indignes : moisissures, infiltrations d'eau, problèmes d'humidité, cafards, absence de ventilation adéquate, installations électriques défectueuses, etc.

La vétusté du parc immobilier ancien, soumis à l’obsolescence des matériaux et aux aléas climatiques, est un problème chronique. Mais un autre phénomène devient de plus en plus récurrent, celui de la non-décence des logements sociaux neufs ou récemment réhabilités. Comment peut-on accepter cette situation ?

Qu’est-ce qui justifie que des programmes financés pour moitié par de l’argent public deviennent si rapidement obsolètes ?

Il est urgent d’avoir un regard éclairé sur les causes de cette situation et de pouvoir établir les responsabilités de chaque partie prenante dans cette crise. Car oui, tous les acteurs concernés participent de près ou de loin à cette situation scandaleuse.

C’est la raison pour laquelle, comme je m’y étais engagée ici-même lors de notre dernière réunion avec la Confédération nationale du logement, j’ai déposé à l’Assemblée nationale une proposition de création de commission d’enquête sur la situation du logement social dans nos territoires. Si La Réunion est particulièrement affectée par cette crise, les autres départements ultramarins connaissent une situation similaire. C’est pourquoi j’ai souhaité étendre l’objet de cette commission d’enquête à l’ensemble des territoires régis par l’article 73 de la Constitution.

Si la commission d’enquête que j’ai déposée proposait initialement d’analyser uniquement le phénomène de la non-décence du logement social neuf, la crise que nous traversons m’a également poussée à décider d’étendre son objet au déficit de construction de logements sociaux. J’effectuerai cette modification par voie d’amendement.

Il est toujours difficile de mettre à l’ordre du jour des textes à l’Assemblée nationale, mais étant donnée l’urgence de la situation je suis heureuse d’y être parvenue. Ce texte, dont je suis rapporteure, sera examiné en commission des affaires économiques le mercredi 22 mai à 9h30 (heure de Paris). Il sera ensuite débattu dans l’Hémicycle dans la journée du jeudi 30 mai.

Malgré tous les efforts déployés auprès des députés de la majorité, nous ne sommes pas à l’abri de voir ma proposition rejetée. Si certains à Paris n’en ont que faire de ce qui se passe sur notre île, d’autres craignent les conclusions de cette commission d’enquête qui risquent de révéler des éléments accablants.

Si par malheur ma proposition devait être rejetée en commission des affaires économiques mercredi, je reviendrai à la charge le jeudi 30 mai en séance pour que cette fois une majorité de mes collègues se prononce en faveur de cette commission d’enquête.

Ce qui se passe est grave. Des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants sont sans solution et vivent dans des conditions particulièrement dégradantes.

Le projet de loi présenté par le gouvernement de modification des règles SRU aura des conséquences dramatiques pour notre île. En voulant donner la priorité au logement intermédiaire au détriment du logement très social dont les Réunionnais ont besoin, ce sont encore des dizaines de milliers de personnes qui se retrouveront à la rue.

J’en appelle à toutes les Réunionnaises et tous les Réunionnais. Si vous êtes confrontés à des difficultés d’accès à un logement social, ou si votre logement social est insalubre, envoyez-nous vos témoignages. Ecrivez-nous jusqu’au 30 mai, et je porterai votre voix en toute humilité à l’Assemblée nationale.

Cette crise dépasse les questions de petite politique politicienne et nous devons toutes et tous nous tenir unis pour que les choses évoluent enfin.

La Réunion a rendez-vous avec l’Histoire, soyons à la hauteur.

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