Référendum sur la départementalisation

Mayotte : et après le oui...

  • Publié le 30 mars 2009 à 06:00

Environ 10 000 personnes ont fêté ce dimanche soir 29 mars 2009 sur la place du Marché de Mamoudzou, le "oui" massif au référendum sur la départementalisation de Mayotte. C'est en effet par plus de 95% des voix (la participation a finalement dépassé de peu les 60%), les Mahorais ont répondu "oui" à la question "approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelé Département". <br /> "C'est un jour historique pour notre île, jamais nous ne l'oublierons, enfin Mayotte va devenir le 101ème département français" s'est exclamé devant la foule Attoumani Douchina, président du conseil général mahorais. Le changement statutaire devrait être éffectif en 2011 lors des élections pour le conseil général. L'île aux parfums abandonnera alors son statut bancal actuel de "collectivité départementale" pour devenir le 5ème département d'outremer.

Drapeaux français déployés, à Mamoudzou, mais également dans les 16 autres communes de l'île, les Mahorais ont chanté et dansé jusqu'à très tôt ce lundi matin - la journée a été déclarée fériée par le conseil général et plusieurs mairies.

Après quelques heures de repos, l'île s'est réveillée ce lundi matin avec un sentiment de victoire. Elle attend d'être département depuis plus de 30 ans "et du même coup, nous avons prononcé un "non" définitif, massif, incontestable à toute tentative des Comores d'intégrer Mayotte dans son giron" se réjouit Hamada Moussa, agent territorial de la mairie de Mamoudzou. Soutenue par l'ONU et l'Union africaine, la République comorienne réclame depuis 1975 la réintégration de l'île aux parfums dans l'archipel comorien. Le président Sambi, dirigeant de l'Union des Comores, a d'ailleurs indiqué n'accorder aucune valeur au résultat du référendum et a maintenu la revendication de son pays sur la réintégration mahoraise "dans sa famille naturelle".

À ce sentiment de victoire, "de travail bien fait" dira Attoumani Douchina, s'ajoute l'espoir d'une amélioration des conditions de vie. La collectivité territoriale mahoraise ne bénéficie pas de toutes les aides sociales et indemnités de chômage versées ailleurs en France, le SMIC y est mensuellement inférieur de 200 euros par mois et les allocations familiales sont plafonnées à 50 euros par mois quel que soit le nombre d'enfants. "À cause de cette situation, trop de Mahorais comptant parmi nos forces vives quittent le pays pour La Réunion ou pour la France. Le fait d'être un département va contribuer à les faire rester ou à les faire rentrer dans l'île" estime un habitant de Sada lui-même revenu à Mayotte, il y a moins d'un an après plus de 10 années passées dans la région marseillaise.

"Il faudra que les Mahorais soient patients et ne demandent pas à avoir tout tout de suite. La Réunion est département français depuis 1946 et ce n'est qu'au début des années 90 qu'elle est arrivée à obtenir un SMIC et des prestations familiales similaires à ceux de Métropole" tempère André Giraud, sénateur et chef de file historique de la revendication départementaliste. "En fait, il faudrait presque dire : Mayotte a choisi définitivement sa voie, c'est maintenant que va commencer le vrai travail" analyse encore le sénateur.

Et puis Mayotte aura aussi à adapter ses traditions. Les cadis ne pourront plus rendre la justice ou du moins leurs jugements ne seront plus reconnus comme cela est, de fait, le cas aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle ces dignitaires musulmans font partie des rares partisans du "non" au changement statutaire. Reste à savoir comment la population vivra la suppression de cette justice cadiale - profondément ancrée - et le passage à une justice de droit commun français. "La France a pêché sur ce chapitre, il y a longtemps que les cadis auraient dû être sommés de cesser leurs activités. La justice qu'ils disent rendre n'a aucune valeur" n'hésite pas à lancer un jeune professeur enseignant en école coranique.

"Ici le poids des traditions est fort c'est vrai. Il l'était aussi en France mais la séparation des pouvoirs de l'Église et de l'État, même tardive par rapport aux idéaux de 1789, a fini par avoir lieu. Il n'y a pas de raisons pour que nous n'y arrivions pas" ajoute l'enseignant. Il espère aussi que "l'école publique prendra vite le pas sur nous, les écoles coraniques, et qu'elle arrivera à dispenser un enseignement de qualité toutes les journées de la semaine". Ce n'est pas le cas aujourd'hui. La classe ne se fait que le matin dans les écoles publiques du primaire. Tous les après-midi, dimanche compris, les élèves ont cours dans les écoles coraniques.

Restera aussi la tradition, de moins en moins pratiquée il est vrai, de la polygamie. "Les Mahorais ont tranché en disant "oui". Il n'y aura plus de polygamie et c'est très bien comme ça" juge Fatouma, une jeune mère de famille.
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