Madagascar

Nuit d'émeutes

  • Publié le 26 janvier 2009 à 00:00

À 1 heure ce mardi 27 janvier 2009, les émeutes qui secouent Antananarivo, la capitale de Madagascar, depuis le début de la matinée de ce lundi 26 janvier 2009, se poursuivaient. Elles auraient déjà provoqué la mort d'un manifestant. Lundi vers 22 heures (heure de La Réunion - 21 heures à Madagascar), Andry Rajoelina, maire d'Antananarivo et principal opposant au président de la république Marc Ravalomanana, a appelé la population au calme. Les deux hommes se rencontreront ce mardi. Le maire de Tananarive a aussi demandé à l'armée d'établir des barrages pour faire cesser les pillages. Il a maintenu le rassemblement de ce mardi sur la place du 13 mai. L'appel au calme ne semble pas avoir eu d'effet. La radio indépendante malgache Antsiva parle de "mise à sac de ville". Elle annonce que plusieurs magasins étaient en cours de pillage à 1 heure mardi et que des incendies embrassent plusieurs quartiers de la capitale. Le ministère français des affaires étrangères recommandent aux ressortissants français de ne pas se rendre dans la Grande-Île.

La radio indépendante Antsiva annonce que des hauts officiers de l'État major malgache sont prêts à mettre en place un directoire militaire - lundi matin, l'armée avait refusé d'intervenir pour ramener le calme. Antsiva affirme par ailleurs que les détenus de la prison d'Antanimora (pour la plupart des prisonniers politiques, selon nos sources) dans la capitale ont été libérés par les manifestants. La même radio avait indiqué plus tôt dans l'après-midi que le président Marc Ravalomanana s'était enfui pour une destination inconnue à bord de son avion privé. L'information a ensuite été démentie.

Les troubles ont éclaté après que le maire de Tananarive, Andry Rajoelina - dit TGV en raison de son ascention fulgurante dans le monde des affaires -, ait appelé à la manifestation et à la grève générale contre le régime "dictatorial" de Marc Ravalomanana. Selon l'Express de Madagascar, il avait lancé ce samedi devant 20 000 personnes : "le pouvoir appartient au peuple, il (Marc Ravalomanana) peut se l'accaparer ; à chaque heure qui passe, le pouvoir prouve sa dictature". Il avait appelé à la grève pour ce lundi. Durant le week-end, le ton n'a cessé de monter entre les deux hommes.

Lundi matin, à l'appel du maire d'Antananarivo, plus de 25 000 personnes se sont rassemblées sur la place du 13 mai, haut-lieu de la contestation malgache. Les émeutes ont éclaté peu après.

La radio-télévision malgache, les locaux de la MBS, une chaîne de télé liée au président, et trois supermarchés de la chaîne Magro, appartenant au président de la République ont été pillés et incendiés. Un dépôt pétrolier et des terrains appartenant à Marc Ravalomanana ont aussi été brûlés. Lors de l'attaque de la radio-télévision malgache, deux personnes ont été tuées. "La station était gardée par des mercenaires. Ils étaient féroces et ils ont tiré sur la foule" a affirmé à l'AFP, Andriamahazo Nirhy-Lanto, premier adjoint au maire d'Antananarivo.
À 1 heure mardi (heure de Madagascar, 2 heures à La Réunion) la radio Antsiva notait que "les pillages continuent et se sont étendus". Les journalistes de cette station indiquent que le plus grand Jumbo Score de la capitale, le magasin "Courts" situé à proximité et deux galeries marchandes ont été attaqués. Plusieurs incendies ravagent des commerces.

"Nous évitons de sortir. Les policiers nous ont dit qu'il valait mieux éviter de se trouver dans la rue. Les manifestants veulent détruire tout ce qui appartient au président de la République" commente, au téléphone, un Réunionnais installé à Antananarivo depuis quelques années. "Je n'avais jamais senti une telle tension, mais les Français ne se sentent pas menacés" ajoute-t-il.

Marc Ravalomanana avait écourté sa visite officielle en Afrique du Sud. Dans un communiqué rendu public dimanche, il avait affirmé vouloir "rétablir l'ordre" et "sauvegarder la République". Il avait ajouté que "l'appel à la révolte et à la désobéissance civile" lancé par Andry Rajoelina "correspond à un coup d'État" et "foule au pied les valeurs de la Constitution et des institutions de la République".

Andry Rajoelina entretient des rapports tendus avec le régime de Marc Ravalomanana depuis son élection à la mairie en décembre 2007. Mais, indique l'AFP, le bras de fer s'est fortement durci depuis la fermeture par le gouvernement le 13 décembre 2008 de sa télévision privée Viva.

À noter que le ministère français des affaires étrangères recommande aux ressortissants français de "différer tout déplacement à Madagascar, sauf raisons impérieuses". Assurées par Air Madagascar et Air Austral, les liaisons aériennes entre la Grande-Ile et La Réunion ne sont pas interrompues pour le moment.

Selon nos sources, dans la journée du mardi 27 janvier 2009, le président Ravalomanana et son opposant Andry Rajoelina ont chacun pris la parole à la radio. Le chef de l'Etat a annoncé qu'il "prendrait ses responsabilités" en organisant une table-ronde avec son opposant ainsi qu'avec les bailleurs de fonds et le FFKM, groupement de hauts dignitaires religieux de la Grande-Ile. Le maire d'Antananarivo, de son côté, a demandé à la population de ne pas sortir pour se rassembler.

Sur place, une rumeur court selon laquelle quelques dizaines de casseurs sont en fait payés par des partisans du président pour saccager les commerces et établissements. Mais les pro-Ravalomanana accusent le camp adverse du même méfait.
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