Cavadee à Saint-André

Que la volonté de Mourouga s'accomplisse

  • Publié le 6 février 2004 à 00:00

Plusieurs centaines de Réunionnais de confession tamoule venus de toutes l'île ont célébré Cavadee à Saint-André ce jeudi 5 février 2004. Le visage et le corps transpercés d'aiguilles, de piques et de crochets, ils ont offert leur douleur au dieu Mourouga

Aboutissement de dix jours de jeûne, d'abstinence et de prières, les fidèles ont souffert pour purifier leur âme et leur corps. Sous un ciel qui avait du mal à choisir entre un soleil de plomb et une pluie battante, ils ont offert leur douleur au dieu Mourouga en signe de rédemption. Revêtus des costumes traditionnels tamouls aux couleurs chatoyantes, portant des fruits et des fleurs en offrande, les pèlerins se sont rendus très tôt sous l'ancien pont de la rivière du Mât les Hauts. Soutenus par leurs familles et leurs proches, des centaines de femmes et d'hommes recueillis ont purifiés leur corps et leurs vêtements dans l'eau. Ils se sont ensuite transpercés le corps, le visage et la langue avec des piques aux pointes acérées et parfois alourdies par des citrons.

Aucune plainte

Beaucoup de pénitents sont très jeunes, parfois même encore des enfants. Tous souffrent en silence. Leur douleur est une offrande à Mourouga afin qu'il accepte de purifier leur âme. Cette douleur-là ne peut donc se manifester par des cris et des larmes ni même par des murmures. D'ailleurs certains fidèles, des femmes surtout, se mettent un bâillon sur la bouche pour qu'aucune plainte ne s'en échappe.
Les pénitents ont soulevé leur cavadee (portique en bois - cavadee vient du tamoul Kaavu qui veut dire lever et de Thadi, morceau de bois poli). Les épaules encore frêles des plus jeunes ont ployé sous la charge. D'autres pénitents leur sont venus en aide. En procession, les fidèles ont traversé le centre-ville de Saint-André en direction du temple du Petit Bazar quelques kilomètres plus loin. Ils ont prié tout le long du trajet. Sur les trottoirs des centaines de spectateurs de toutes religions ont salué leur passage.
Vers 11 heures 30, la procession est arrivée au temple qui accueillait les pénitents de Cavadee pour la première fois depuis sa rénovation en 2003.
Les fidèles ont longuement prié avant de se défaire enfin de leurs charges. Comme tous les ans, le sacrifice s'est une nouvelle fois accompli et la promesse faite en des temps immémoriaux par Agattiyâr, a une nouvelle fois été tenue.

Résurrection

En effet, selon la mythologie tamoule, le sage Agattiyâr a un jour demandé à Idumban, un bandit repenti devenu son disciple, de lui ramener les deux sommets de la montagne Kaïlash. Idumban s'exécuta. Accompagné de son épouse, il coupa les deux cimes et les attacha aux bouts d'un bâton qu'il porta sur ses épaules. Pour tester sa foi et sa force spirituelle, Mourouga se déguisa en petit garçon et sauta sur le bâton pour alourdir la charge. . Idumban qui n'avait pas reconnu le dieu se mit en colère et une bagarre s'en suivit. Mourouga tua Idumban. Le sage Agattiyâr implora alors la clémence du dieu et ce dernier accepta de ressusciter Idumban. Pour le remercier Idumban et ses proches firent la promesse de porter le Cavadee tous les ans et d'offrir leur douleur au dieu. Apaisé, Mourouga promis à son tour que tous les mortels qui porteront le Cavadee jusqu'à son temple seront récompensés et obtiendront sa grâce.
Des millénaires plus tard, les fidèles continuent de rendre grâce à Mourouga.
guest
0 Commentaires