Scandale du Médiator

Une centaine de plaintes réunionnaises déposées à Paris

  • Publié le 25 mars 2011 à 07:00

Me Alain Antoine, avocat du collectif Mediator Réunion, part ce vendredi 25 avril 2011 pour Paris avec une centaine de plaintes de Réunionnais contre l'Afssaps et le laboratoire Servier qui a commercialisé le Médiator. Chantal Ethève, une réunionnaise de 55 ans, a été la première personne à déposer une plainte de ce type en début de semaine.

" Il s'agit d'un premier wagon de plaintes. Il y en aura un second d'ici le mois d'avril pour les gens qui n'ont pas encore eu le temps de rassembler les papiers nécessaires. Cela devrait représenter une cinquantaine de plaintes supplémentaires ", indique Chantal Ethève, 55 ans et mère de trois enfants. Elle est à la tête du collectif Mediator Réunion, du nom de ce médicament prescrit en cas de diabète jusqu'en 2009 et accusé d'avoir tué entre 500 et 2000 personnes.

Jusque là, les plaintes déposées en métropole étaient contre X. Mais Maître Antoine, avocat du dossier, a décidé de s'attaquer directement à Servier et l'Afssaps (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). Il s'envole ce vendredi pour Paris avec cent dossiers de patients réunionnais. Chacun contient une preuve de prise du Médiator et un certificat médical attestant d'une pathologie cardiaque postérieure à la prise du médicament.

" Nous voulons qu'une enquête soit ouverte sur l'Afssaps ", indique Me Alain Antoine, avocat du collectif. Une mise en examen pourrait selon lui démontrer les liens qui existent entre les laboratoires pharmaceutiques et l'autorité sanitaire qui délivre les autorisations de mise sur le marché des médicaments.

Il dénonce les méthodes marketing agressives des laboratoires pharmaceutiques, dont Servier, qui ont incité les médecins à prescrire du Mediator et, dans certains cas, à le détourner de son usage habituel. Les plaintes sont déposées pour homicide involontaire, blessures involontaires et tromperie.

Lundi, Chantal Ethève a été la première à déposer une plainte de ce type auprès du pôle de santé publique du tribunal de Paris. Son action fait tâche d'huile. " Tous les jours, j'ai des mails, des appels de gens qui veulent adhérer au collectif ", témoigne-t-elle. Grâce à son engagement et sa détermination, elle a réussi à fédérer les victimes réunionnaises.

" Nous voulons une reconnaissance de l'erreur et qu'elle soit jugée et condamnée. Nous voulons aussi être indemnisés ", dit-elle. " J'en veux au médecin qui m'a prescrit ça car je lui faisais confiance. Je me rend compte qu'il y a tout un trafic derrière tout ça, avec beaucoup d'argent ", lâche-t-elle. Avant, elle était dynamique, maintenant, elle s'essouffle pour quelques marches et doit subir des examens cardiovasculaires " désagréables ". Pour elle, " le serment d'Hippocrate est un serment d'hypocrites ".

Car ce scandale entache la réputation du système médical dans son ensemble. En ligne directe : les médecins qui ont prescrit le Mediator, notamment dans un but de coupe-faim. " On m'a prescrit du Médiator à partir de 2002. Or, dès 1999, les médecins savaient que ce médicament tuait. Les Etats-Unis l'avaient d'ailleurs déjà interdit ", indique Chantal Ethève qui voulait simplement perdre quelques kilos.

Si les médecins se sentent incriminés, ils dénoncent un système entier basé sur les recommandations d'une autorité sanitaire défaillante qu'il faudrait réformer. " Depuis quelques mois, les autorités sanitaires se décrédibilisent ", estime Philippe de Chazournes, président du syndicat UGR (Union Généralistes Réunion). Il cite le scandale du Médiator mais aussi celui de la grippe H1N1 ou ce la liste de 77 médicaments sous surveillance.

Il évoque un " silence assourdissant " des professionnels de santé dans cette crise qui affecte tout le monde médical. " Nous, médecins, sommes sensés ne pas nous opposer aux recommandations de l'Afssaps. Mais nous savons qu'il existe des conflits d'intérêts " au sein de l'agence, indique-t-il en précisant dénoncer ces faits depuis longtemps.

Et aujourd'hui, " on sent une certaine méfiance de la part des patients envers les médecins. C'est légitime. Mais la conséquence, c'est que les jeunes diplômés ne veulent plus s'installer en ville ", dit-il. Il faudrait donc rétablir la confiance à tous les niveaux de l'échelle : du praticien de base aux plus hautes autorités sanitaires.

Les 100 plaintes déposées par les Réunionnais permettront peut-être de contribuer à entamer le grand ménage quoi doit être fait dans un système où le conflit d'intérêt grippe indubitablement la machine. Mais elles ne rendront pas la santé perdue aux nombreuses victimes.

Marine Veith pour
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