Assises de la sécurité routière

Moins de morts sur les routes, mais plus d’accidents et de blessés

  • Publié le 30 octobre 2024 à 11:22

Les premières assises de la sécurité routière des Outre-mer se sont déroulées ce mardi 29 octobre 2024 à Saint Denis. Le bilan chiffré de l’année 2023 est mitigé, il y a eu moins de morts sur les routes, mais il y a eu plus d’accidents et de blessés. Un constat s'est par ailleurs imposé : une contrainte exercée par l'Etat sur les constructeurs automobiles, les producteurs et distributeurs de boissons alcoolisées restent du domaine du rêve (Photo rb/www.imazpress.com)

De prime abord, le dernier bilan de la sécurité routière peut sembler bon. La Réunion a recensé "seulement" 30 morts sur les routes en 2023.

"Un record historique"selon Alain Garsani, responsable de l’Observatoire départemental de la Sécurité routière. Soit une baisse de 33% par rapport à 2022, et de 73% par rapport à 2001 (112 tués).

Mais le bilan apparaît plus mitigé quand on aborde le nombre d’accidents corporels et le nombre de blessés. Le premier est en hausse de 17% par rapport à l’année précédente (882 accidents corporels sur l’année 2023) et le second en hausse de 22%, avec 1.120 blessés, dont 243 hospitalisés.

Autrement dit, moins de morts, mais plus d’accidents. La directrice de Cabinet de la préfecture, Parvine Lacombe, a ainsi exprimé son souhait de voir plus d’actions de communication axées sur le "handicap après un accident de la route".

Plus inquiétant : les causes des accidents mortels restent inchangées depuis des décennies.

- L'alcool, toujours l'alcool -

Dans 55% des cas, l’alcool est en cause. Dans 41%, la vitesse. L’un n’excluant pas l’autre. Au contraire, les intervenants l’ont répété à plusieurs reprises : l’alcool (comme les stupéfiants) a un double effet connu de "désinhibiteur"et de limitateur de réflexe, avec des conséquences souvent tragiques.

En termes de répartition par catégories d’usagers, les "usagers vulnérables" continuent à payer un lourd tribut à La Réunion : 7 motards ont perdu la vie en 2023, 2 scootéristes, 5 cyclistes et 6 piétons.

Autre donnée intangible : les responsables et les victimes sont toujours majoritairement des hommes (9 sur 10 dans les 2 cas). L’insécurité routière demeure un fléau genré, quelles que soient les campagnes de communication.

Une source de satisfaction quant à la répartition par âge des victimes : la baisse des jeunes victimes (entre 18 et 24 ans).

Même tendance à l’humble satisfaction sur les chiffres des dépistages (alcool et stupéfiants) : le nombre de conducteurs dépistés l’an dernier progresse encore à près de 95 000, mais le nombre de tests positifs recule de 22% par rapport à 2022 à 2 450 (soit moins de 3% de tests positifs).

Idem pour les radars : alors que le nombre de "tourelles" sur l’île augmente (on en recense 24 aujourd’hui), le nombre d’infractions recule de 2% à 63 000 en 2023. Le bilan complet de la sécurité routière 2023 est disponible en intégralité sur le site web de la préfecture.

- Une répression accrue -

Si les chiffres des accidents de la route sont connus, les causes de leur évolution sont curieusement moins bien cernées.

La répression s’est clairement accrue ces dernières années : les contrôles routiers deviennent plus fréquents, les suspensions administratives de retrait de permis sont allongées, la mise en fourrière des véhicules de conducteurs contrôlés positivement plus systématiques…

On peut donc y voir une relation de cause à effet. L’amélioration des infrastructures est également régulièrement citée.

L’efficacité des campagnes de communication semble elle plus difficile à mesurer. De même que celles des actions menées auprès des écoliers, collégiens et lycéens.

- De nouvelles solutions de mobilité risquées - 

Ces Assises ont permis aux différents acteurs de la Sécurité Routière (services de l’État, collectivités locales, forces de l’ordre, enseignants, assureurs, auto-écoles, associations, etc.) de se retrouver et de faire tomber les "silos verticaux" qui semblent parfois polluer la cohérence des actions menées.

Elles ont aussi fait émerger de nouvelles problématiques. Telles que celles des "mobilités actives". Ce nouveau terme a remplacé les "mobilités douces" englobant principalement les vélos et les trottinettes électriques.

Le nombre de "trottinettistes" impliqués dans les accidents corporels est quasiment multiplié par 2 chaque année (27 en 2023, 51 sur l’année 2024 alors qu’elle n’est pas terminée).

Le nombre de pratiquants augmente régulièrement, sans qu’ils aient une connaissance des règles minimum.

Un sondage a ainsi été mené lors caravane qui a sillonné les routes de l’ile à la rencontre des usagers en début d’année, seuls 21% des personnes interrogées déclaraient connaître la réglementation sur ce qu’on appelle aussi les EDPM (équipements de déplacement personnel motorisé).

Ainsi, qui sait ainsi qu’on ne peut pas piloter une trottinette électrique avant 14 ans ? Ou encore le montant de l’amende si l’usager n’a pas d’attestation d’assurance. Les parents qui lisent cet article seront heureux d’apprendre qu’ils risquent une amende de 500 euros.

- Des propositions nouvelles… -

La restitution des échanges organisés sur trois ateliers (communication et sensibilisation – comportements à risques – mobilités actives) a permis de faire émerger des propositions nouvelles… et des serpents de mer.

Dans la première catégorie, on rangera l’obligation pour les vendeurs de trottinettes électriques de rappeler aux acheteurs la réglementation, l’utilisation des caméras de vidéosurveillance pour sanctionner les "pousseurs" (on pensait que cela était déjà le cas).

Il y a également l’obligation pour les établissements de nuit de vendre les softs moins chers que les boissons alcoolisées, l’interdiction de la vente de sprays anti-détection de stupéfiants (ils sont actuellement en vente libre et donc autorisés par l'Etat).

Lire aussi - Conducteurs ouvrez la bouche, c'est un contrôle anti stupéfiants

Il a aussi été retenu la mise en place des formations post-permis permettant d’actualiser régulièrement ses connaissances, une incitation des assureurs à généraliser un système de bonus pour les "bons conducteurs", et l'intervetion d'influenceurs pour communiquer plus efficacement auprès des cibles jeunes…

- ... et des serpents de mer -

Parmi les idées récurrentes en la matière et jamais réalisées, il a été question de la création d’un circuit homologué sur l’île pour pouvoir organiser des "pousses encadrées" et l’interdiction de la vente de "pile plate" dans les stations- services et le nettoyage plus régulier des pistes cyclables et bandes d’arrêt d’urgenc

Entre ces idées proposées qui viendront enrichir le Document général d’orientations pour la sécurité routière (DGO) 2023-2027… et la faisabilité pratique de ces mesures ou encore leur légalité, il y a encore souvent un gouffre.

Ainsi, les obligations imposées aux constructeurs automobiles (limitateur de vitesse ou encore l’antidémarrage actif en cas de récidive) restent généralement au placard.

Et la fameuse proposition de loi créant un délit pénal d'" homicide routier" visant à lutter contre la violence routière n’a pas dépassée le stade de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale en juillet dernier.

xl/www.imazpress.com:redac@ipreunion.com

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