Jitano a encore en tĂȘte les images "des toits qui s'envolent", les enfants de Nouria sont "traumatisĂ©s", Dahya a oubliĂ© que c'Ă©tait le Nouvel An.
Dans les rues de Mayotte, les habitants, "Ă©puisĂ©s", n'ont guĂšre le cĆur Ă la fĂȘte en ce 31 dĂ©cembre.
Nouria Rama descend d'un pas vif la rue du Commerce de Mamoudzou, chef-lieu du petit archipel français de l'océan Indien, qui porte les stigmates du passage dévastateur du cyclone Chido le 14 décembre.
La femme de 45 ans, qui travaille au rectorat, a eu besoin de marcher pour "s'aĂ©rer" la tĂȘte, confie-t-elle aux journalistes de l'AFP. Autour d'elle, les boutiques colorĂ©es ont tenu mais des tĂŽles froissĂ©es balayĂ©es par le vent encombrent certains passages, la vĂ©gĂ©tation a quasiment disparu et les devantures des commerces sont dĂ©truites.
"Ce soir, je n'ai rien de prĂ©vu", avoue-t-elle tristement, ses enfants de 5, 16 et 18 ans Ă©tant "traumatisĂ©s par Chido, surtout la petite" depuis qu'elle a vu "le toit de la maison s'envoler". D'habitude, Mme Rama fĂȘte le passage Ă la nouvelle annĂ©e avec "toute la famille" mais "lĂ , on est vraiment fatiguĂ©s".
Pour Baraka Mohamed, jeune fille de 19 ans, le Nouvel An sera lui aussi inhabituel parce qu'"on ne peut pas ĂȘtre tous ensemble", chacun "Ă©tant dans son coin" Ă gĂ©rer les difficultĂ©s immĂ©diates.
Ben (qui n'a pas souhaitĂ© donnĂ© son nom de famille en raison de la sensibilitĂ© de sa profession) "n'a rien prĂ©vu". Le militaire jugerait indĂ©cent d'"aller Ă la plage pour faire la fĂȘte, sachant qu'il y a ici des gens qui sont en difficultĂ©, qui n'ont pas forcĂ©ment de quoi boire, de quoi manger tous les jours".
Alors, "faire la fĂȘte, acheter des trucs, gaspiller, manger, rigoler", ce sera pour une autre fois, dit-il devant une petite douka â Ă©picerie de Mayotte â chichement dĂ©corĂ©e avec quelques guirlandes qui pendent Ă l'entrĂ©e.
- "Un poulet" et c'est tout -
Dahya Petit a mĂȘme oubliĂ© les dates, alors que le territoire est soumis Ă un couvre-feu nocturne Ă partir de 22h00 locales. "On est le 31 dĂ©cembre ?", interroge-t-il tout haut avant de se souvenir qu'effectivement, ce soir, avec des collĂšgues enseignants, il "fera un poulet". "Et ça s'arrĂȘtera lĂ ", tranche le professeur d'informatique, qui se dĂ©sole que "95% du lycĂ©e Younoussa Bamana" oĂč il travaille ait Ă©tĂ© dĂ©truit.
Jitano Janasy "papotera un peu avec les amis jusqu'Ă minuit" car "c'est important de fĂȘter pour Ă©vacuer un peu". Mais l'interne en mĂ©decine de 36 ans n'arrive pas Ă oublier les images "des toits qui s'envolent, des gens dans la rue"...
A quelques encablures, dans les zones oĂč sont implantĂ©s les centres commerciaux, des habitants sortent les chariots remplis de packs de jus de fruits, de viande, de pots de moutarde, et autres victuailles qui alimenteront les traditionnels voulĂ©s (pique-niques) du Nouvel An, le 1er janvier, sur les plages.
Les produits de fĂȘte "sont bien partis", constate GaĂ«tan Etienne, responsable des produits frais Ă la Sodifram (supermarchĂ©) qui Ă©numĂšre: "J'ai vendu tous les pains toasts, du saumon, du foie gras..."
"Les gens ont fait une parenthÚse, c'est clair", analyse pour l'AFP le responsable, qui salue "la résilience" des habitants de "l'ßle hippocampe", le surnom de Mayotte.
Sylvain Arnoux, gĂ©rant d'une bijouterie dans le mĂȘme centre commercial, estime aussi "qu'il y a un peu de monde, avec une partie des gens qui ont envie de retrouver une vie normale". Mais quand mĂȘme "bien moins que d'habitude", les Mahorais "ayant autre chose Ă faire que d'acheter des bijoux et du parfum".
AFP


