Un musée à ciel ouvert

Au Pays basque, le street art s'invite à la campagne

  • Publié le 6 novembre 2022 à 02:56

Du street art en pleine campagne: au Pays basque, le festival Points de vue, rendez-vous devenu majeur pour les amateurs et artistes d'art urbain, installe pour de bon sa sixième édition en milieu rural.

Organisé de mercredi à dimanche à Bayonne, le festival né en 2017 a proposé un prélude à l'intérieur des terres, à travers plusieurs résidences artistiques depuis le début du mois.

À Isturits, village de 500 habitants à un peu moins d'une heure de Bayonne, l'Américain John Wentz, débarqué de San Francisco, s'est ainsi attelé à une immense fresque, réalisée en une semaine à l'entrée du village sur un fronton, mur de jeu de la pelote basque, le sport local.

Chaque jour, les habitants se sont massés dans le champ voisin, en surplomb de l'artiste et de son œuvre, pour en observer la progression. "Grâce à lui, le village ne sera plus tout à fait pareil", sourit le maire, Gilles Camou, qui avait proposé "son" mur au festival pour donner un "nouveau visage" à la commune.

pays basque - fresque - art
AFP

Désormais, le fronton arbore l'image d'une danseuse traditionnelle de la région. "Quand je suis arrivé, les habitants m'ont beaucoup parlé de l'histoire du Pays basque et des traditions. Ça me paraissait égoïste de coller une idée personnelle sur ce mur, alors j'ai repensé le projet", dit à l'AFP John Wentz en descendant de la nacelle qu'il utilise pour travailler.

"J'avais envie de faire ça depuis deux ans, depuis le jour où j'ai pris un train pour aller en Allemagne. En regardant la campagne dehors, je me suis dit que j'avais envie de peindre dans ce genre de paysage", ajoute l'artiste américain.

- "Musée à ciel ouvert" -

L'art urbain devenu rural doit beaucoup à Internet, explique Alban Morlot, créateur du festival de Bayonne à travers la galerie Spacejunk et chargé des arts visuels au sein de la communauté d'agglomération du Pays basque, qui regroupe 158 communes.

"Aujourd'hui, on peut diffuser les images de ses œuvres partout dans le monde, peu importe qu'on soit dans une grande ville, et ça correspond au souhait des artistes d'avoir plus de liberté et plus d'espace", souligne le responsable.

Proposer le street art en milieu rural était même "l'esprit initial du festival, mais on a débuté par le cadre urbain de Bayonne, plus facile", avant d'étendre la manifestation, ajoute M. Morlot, attaché à ce que la population n'ait pas "à parcourir des kilomètres" pour avoir accès à l'art.

Pour cette sixième édition de Points de vue, une dizaine de nouvelles œuvres viendront rejoindre le "musée à ciel ouvert" de Bayonne, en sus de celles réalisées dans l'arrière-pays d'ici à la fin de la semaine.

Parmi les artistes invités figurent notamment la Belge Adèle Renault, connue pour les pigeons qu'elle a peints dans de nombreuses villes d'Europe ; l'Espagnol Escif, dont une œuvre habille un mur du Palais de Tokyo à Paris ; et le Français Nelio, dont les fresques géométriques et colorées ornent des façades dans le monde entier.

Tous ont carte blanche sur un mur mis à leur disposition dans différents quartiers de la ville. "Ce sont des esthétiques plurielles, qui nous amènent à voir la ville autrement", se félicite le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, qui préside la communauté d'agglomération.

Plus de 80 œuvres auront ainsi été réalisées depuis 2017. Un nombre qui pose, de façon de plus en plus insistante, la question de leur conservation. Deux écoles s'affrontent.

"On est techniquement capables de les préserver en appliquant un vernis, comme certains artistes le voudraient. D'autres partent plutôt du principe que l'art urbain est éphémère par définition et qu'une œuvre peut se décrépir", estime Alban Morlot.

AFP

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