Environ 500 personnes ont défilé dimanche à Paris à l'appel du mouvement royaliste l'Action française pour rendre hommage à Jeanne d'Arc, au lendemain de la levée de l'interdiction de la manifestation par le Tribunal administratif, a constaté une journaliste de l'AFP.
Action française a pu tenir son colloque ce samedi et a pu manifester ce dimanche matin, la justice ayant suspendu l'interdiction prononcée par la préfecture de police après une instruction du ministère de l'Intérieur visant plusieurs manifestations d'extrême droite.
- Une manifestation en hommage à Jeanne d'Arc -
Placés derrière une large banderole "Cortège traditionnel de Jeanne d'Arc", une grande majorité d'hommes, de tous âges, pour certains coiffés de bérets, d'autres portant un brassard bleu-blanc-rouge, ont descendu le boulevard de l'Opéra avant de rejoindre en quarante minutes la statue équestre de Jeanne d'Arc, place des Pyramides (1er arr.).
Certains ont repris des slogans comme "Action ? Française! Vive le roi" ou "Jeanne d'Arc à Paris, à bas la République".
Des gerbes de fleurs ont été déposées au pied de la statue en bronze doré, avant différentes prises de parole. "A nouveau comme au temps de Jeanne, la France est en danger", a lancé Henri Bec, président du mouvement Restauration nationale.
Quelques tensions avec les forces de l'ordre ont éclaté et peu avant midi la manifestation s'est dispersée.
"On a défendu le droit de manifester en s'appuyant sur le droit français et la jurisprudence", a souligné Olivier Perceval, secrétaire général de l'Action française. "Il n'y a jamais eu d'incident. Ce n'est pas une manifestation revendicative, on rend honneur à Jeanne d'arc. L'extrême gauche dit qu'on est une menace à l'ordre public, nous n'avons jamais rien cassé. On est un parti qui défend l'ordre", a-t-il soutenu.
Ce défilé avait été précédé par une cérémonie officielle d'hommage au pied de la statue de Jeanne d'Arc.
- "La France en danger" -
Environ 350 personnes, dont quelques individus masqués et habillés en noir, ont assisté samedi après-midi au colloque, intitulé "La France en danger", sous haute surveillance policière dans le XIIe arrondissement de Paris.
C'est en début de soirée que le tribunal administratif a également autorisé la tenue de la manifestation d'aujourd'hui en hommage à Jeanne d'Arc.
Le tribunal souligne notamment qu'elle "ne constitue pas une incitation à provoquer des troubles à l'ordre public, même en tenant compte du contexte de tensions sociales actuelles" et qu'elle est "organisée depuis plusieurs décennies".
Ainsi, conclut le tribunal administratif, "l'arrêté attaqué porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester".
En revanche, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours d'un autre groupuscule classé à l'extrême droite, "Les nationalistes" d'Yvan Benedetti, qui voulait aussi manifester dimanche.
En ce qui concerne ce rassemblement, le tribunal a jugé "comme suffisamment établie l'existence d'un risque de propos ou de gestes incitant à toute forme de haine notamment raciale".
De ce fait, l'interdiction de la manifestation "constitue, en l'espèce, la seule mesure de nature à préserver l'ordre public", ajoute le tribunal.
Le préfet Nuñez s'est "félicité" de cette décision. "Ce jugement ouvre la voie à de futures interdictions d'événements ou manifestations qui seraient organisés par des groupuscules d'ultradroite du seul fait des propos régulièrement tenus par ceux-ci", a-t-il assuré.
- " Contexte tendu " -
Il avait publié plusieurs arrêtés vendredi, conformément à une circulaire du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin visant à interdire tout rassemblement "de l'ultradroite ou de l'extrême droite", après la polémique suscitée par la manifestation à Paris le 6 mai de militants d'ultradroite.
L'Action française et Les Nationalistes avaient saisi la justice administrative d'un référé-liberté, une procédure d'urgence lorsque le requérant estime être en présence d'une "atteinte grave et manifestement illégale" à une liberté fondamentale de la part d'un service de l'Etat.
La préfecture de police avait interdit au total six rassemblements prévus ce week-end à Paris, dont cinq à l'appel de mouvements classés à l'extrême-droite, faisant notamment valoir un risque de troubles à l'ordre public.
Parmi eux: une manifestation de "gilets jaunes" qui se sont malgré tout rassemblés. Une "dispersion" a eu lieu et 62 personnes ont été verbalisées pour participation à une manifestation interdite, a indiqué la préfecture de police de Paris.
Dans les arrêtés pris vendredi, Laurent Nuñez avait justifié l'interdiction notamment par le fait que les rassemblements s'inscrivent dans un "contexte particulièrement tendu" après "la polémique suscitée par la manifestation organisée par le Comité du 9-Mai" samedi dernier à Paris.
Ces militants, habillés de noir et souvent masqués, ont exhibé des drapeaux noirs marqués de la croix celtique. Ils manifestaient pour commémorer le 29e anniversaire de la mort d'un militant d'extrême droite, Sébastien Deyzieu, décédé accidentellement en 1994.
Le préfet de police pointait aussi le "risque de troubles à l'ordre public", alors que plusieurs de ces manifestations ont suscité des appels à des contre-rassemblements et de possibles violences de la "mouvance antifasciste" qui pourrait "tenter de s'en prendre physiquement" aux militants d'ultradroite.
La décision de Gérald Darmanin avait entraîné, elle aussi, une polémique, beaucoup la jugeant juridiquement fragile.
Interrogé mercredi par l'AFP, le professeur de droit public Serge Slama, avait ainsi estimé qu'une telle mesure ne pouvait être prise "de manière générale et absolue".
Des "éléments objectifs, pour étayer le risque de trouble à l'ordre public" doivent être produits au "cas par cas", avait-il expliqué.
AFP