"Le pays doit se préparer": la procureure générale Diana Salazar avait anticipé ce qui s'est révélé être la semaine dernière en Equateur l'un des pires assauts mené par les gangs liés au narcotrafic dans le pays.
Cette femme de 42 ans est à l'origine de la vaste opération "Metastasis" qui a abouti en décembre à l'arrestation d'une trentaine de personnes, dont des juges et des procureurs, soupçonnés d'être impliqués dans la criminalité organisée liée au narcotrafic.
L'affaire est "une radiographie claire de la manière dont le trafic de drogue s'est emparé des institutions de l'Etat", avait-elle dit à l'époque, la qualifiant de "plus grande (opération) de l'histoire contre la corruption et le trafic de drogue" dans le pays.
"La réponse à cette opération sera certainement une escalade de la violence", avait-elle prédit, en révélant cette enquête décrite comme la pierre angulaire de la "narcopolitique" en Equateur.
Au total, 31 personnes, dont des juges et des procureurs, mais aussi des responsables pénitentiaires et des policiers, ont été arrêtées au cours de 75 raids simultanés dans le cadre de cette enquête ouverte après l'assassinat en 2022 en prison du narco Leandro Norero.
Parmi les personnes arrêtées, Wilman Teran, le président du Conseil judiciaire, un organisme qui s'occupe des affaires en lien avec le trafic de drogue et la violence criminelle.
Il était également juge à la Cour nationale de justice. Egalement, un ancien général de la police, Pablo Ramirez, qui travaillait pour l'administration pénitentiaire et dirigeait la brigade des stupéfiants.
- Main de fer -
D'une main de fer, Diana Salazar a démêlé l'écheveau après avoir passé au crible des milliers de messages et relevés téléphoniques provenant du téléphone de Norero.
Depuis, lors de ses rares apparitions publiques et alors qu'elle a reçu des menaces de mort, elle porte un gilet pare-balles et est protégée par un solide service de sécurité. "Venez m'assassiner", a-t-elle récemment lancé avec défi lors d'une audience au cours de laquelle elle a demandé l'incarcération de huit nouveaux suspects.
La prédiction de Diana Salazar s'est réalisée lorsqu'en une semaine les narcotrafiquants ont mis l'État équatorien en échec avec des dizaines de prise d'otages dans les prisons, des attentats à l'explosif et des attaques armées contre la presse.
Mercredi, le procureur chargé de l'enquête sur l'irruption le 9 janvier d'hommes armés en direct sur le plateau d'une télévision de Guayaquil a été assassiné.
Cette vague de violences, qui a fait une vingtaine de morts au moins, a fait suite à la réponse musclée du président Daniel Noboa après l'évasion le 7 janvier d'un redouté chef de gang qui aurait été informé du projet de le transférer dans une autre prison.
Pour Gustavo Medina, un ancien procureur, le chaos semé par les gangs est cependant la conséquence de l'opération Metastasis. "On ne peut pas l'expliquer autrement", a-t-il indiqué à l'AFP.
- Courage et détermination -
En 2020, un an après être devenue la première procureure générale noire du pays, Diana Salazar poursuivait pour corruption l'ancien président populaire Rafael Correa (2007-2017).
Ses détracteurs lui reprochent de l'avoir ciblé lui au préjudice d'autres enquêtes plus relevantes, tandis que ses défenseurs louent son courage et sa détermination.
Elle a mené de nombreuses autres affaires de corruption emblématiques, dont celle dite de la "FIFA Gate", qui a abouti à la condamnation à 10 ans de prison de l'ancien président de la Fédération équatorienne de football, Luis Chiriboga, pour blanchiment d'argent.
Surnommée la Loretta Lynch équatorienne, du nom de l'ex-procureure générale des Etats-Unis, adepte des grands coups anti-corruption et première femme noire du pays à diriger le département de la Justice, elle a été qualifiée en 2021 par le département d'État américain de "championne de la lutte contre la corruption".
Née en juin 1981 à Ibarra, dans la région des Andes septentrionales, Diana Salazar est titulaire d'un doctorat en jurisprudence et de plusieurs diplômes dans le domaine des droits de l'Homme et de la protection des personnes d'ascendance africaine.
AFP