Guerre Israël-Hamas

L'embrasement du Proche-Orient reste improbable à court terme, selon les experts

  • Publié le 4 janvier 2024 à 19:18
  • Actualisé le 5 janvier 2024 à 05:20

L'extension à tout le Proche-Orient du conflit à Gaza entre Israël et le Hamas reste improbable dans l'immédiat, affirment des experts à l'AFP, malgré un attentat qui a fait mercredi 84 morts en Iran, au lendemain de l'élimination d'un haut responsable du Hamas au Liban.

Jeudi, deux membres de factions pro-iraniennes, dont un chef, ont par ailleurs été tués en Irak par une frappe de la coalition internationale qualifiée d'"agression" par Bagdad.

- "Humiliation" du Hezbollah -

Mardi, c'est au coeur d'un fief du Hezbollah libanais, dans la banlieue de Beyrouth, que Saleh al-Arouri, 57 ans, numéro deux politique du Hamas et six autres cadres du mouvement islamiste palestinien, ont été tués par une frappe aérienne.

Israël, qui a juré de "détruire" le Hamas après l'attaque du 7 octobre sur son sol --durant laquelle environ 1.140 personnes, la plupart des civils, ont péri et environ 250 autres ont été capturées dont plus de 100 ont été libérées fin novembre--, n'a pas revendiqué cette élimination.

Alors que plus de 22.000 personnes, majoritairement des femmes, adolescents et enfants, ont été tuées depuis l'offensive israélienne en représailles sur Gaza, selon les derniers chiffres du Hamas, tant le Liban, le Hamas qu'un représentant américain ont pointé la responsabilité d'Israël dans la frappe sur Beyrouth.

Un haut responsable sécuritaire libanais a ainsi déclaré à l'AFP qu'Arouri avait été ciblé "par des missiles guidés" tirés "depuis un avion de chasse israélien".

Hasni Abidi, politologue à l'université de Genève, y voit une "humiliation" pour le Hezbollah. "Il y a une faillite de l’appareil sécuritaire du Hezbollah", quand le mouvement islamiste libanais a "toujours justifié la présence de sa milice comme d'un armement dissuasif contre Israël", observe-t-il.

- L'Iran accuse Israël pour l'attentat de Téhéran -

Mercredi, au moins 84 personnes ont été tuées dans une double explosion près de la tombe de Qassem Soleimani, architecte des opérations militaires iraniennes dans la région tué il y a quatre ans par les Etats-Unis, selon les médias d'Etat.

"La responsabilité de ce crime incombe aux régimes américain et sioniste, et le terrorisme n'est qu'un outil", a dénoncé sur X Mohammad Jamshidi, un conseiller politique du président iranien.

Si Washington a jugé "absurde" son implication, Israël --ennemi juré de l'Iran lui-même soutien notamment du Hezbollah et du Hamas-- n'a pas commenté l'attentat, auquel le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a promis une "réponse sévère".

- Invectives -

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a, lui, averti mercredi soir que sa formation combattrait "sans limite" si Israël "pensait lancer une guerre contre le Liban". "Pour le moment, nous combattons sur le front de façon calculée", a-t-il toutefois ajouté.

Le Hezbollah se trouve ainsi dans une situation "délicate", alors que le Liban connaît une crise politique et surtout économique profonde et que sa base ne veut pas d'une nouvelle guerre, estiment des analystes interrogés par l'AFP.

"Le Hezbollah devra répondre de manière à rétablir (sa force de) dissuasion" face à Israël, mais "il ne peut pas répondre d'une manière qui ne donne pas d'autre choix à Israël que de lancer une guerre totale", remarque Amal Saad, spécialiste du Hezbollah et maître de conférences à l'université de Cardiff.

- "Fuite en avant" d'Israël -

"Si cette riposte du Hezbollah dépasse les normes attendues, il y a un véritable risque que l’on assiste à une fuite en avant de la part du gouvernement israélien", acquiesce Karim Bitar, professeur de relations internationales à l'université Saint-Joseph de Beyrouth.

Israël "pourrait être tenté de profiter du parapluie américain", notamment de la présence d'un porte-avion américain en Méditerranée, "pour tenter de régler leur compte aux alliés de l’Iran dans la région", poursuit-il.

Les autorités israéliennes, qui se savent protégées par Washington, "ont vraiment envie de faire le grand ménage" à leurs frontières, même si "les Américains et les Européens les retiennent", affirme Fabrice Balanche, maître de conférence à l’université Lyon 2.

A l'inverse, "les Iraniens ne veulent pas d'une confrontation avec Israël, ni le Hezbollah, car ils savent très bien qu’ils auront le dessous", assure ce spécialiste du Proche-Orient.

- Menace houthie -

Si une offensive directe iranienne est bien à exclure, selon les experts interrogés par l'AFP, Téhéran pourrait agir via d'autre groupes alliés, comme les Houthis du Yémen qui depuis des semaines harcèlent des navires en mer Rouge, zone stratégique du fret maritime mondial.

"A très court terme, la situation peut s'aggraver, car les Houthis lancent des attaques et les Américains réagissent maintenant", évalue Matt Gertken, analyste géopolitique en chef pour le cabinet de conseil BCA research.

Autre menace selon plusieurs analystes, les brigades chiites pro-iraniennes en Irak, comme le Hachd al-Chaabi frappé jeudi matin à Bagdad. Interrogé par des journalistes au sujet de cette frappe, un responsable militaire américain n'a pas réagi dans l'immédiat.

AFP

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