Le magnat pro-démocratie Jimmy Lai, qui encourt la prison à vie pour atteinte à la sécurité nationale, a plaidé non-coupable à Hong Kong mardi dans un procès considéré comme un baromètre des libertés civiles dans l'ex-colonie britannique passée sous contrôle chinois.
Les accusations contre M. Lai - fondateur du populaire tabloïd Apple Daily, aujourd'hui fermé - sont liées à des articles de ce journal qui soutenaient les manifestations en faveur de la démocratie et critiquaient les dirigeants de Pékin.
Propriétaire de ce quotidien en langue chinoise fermé en 2021, M. Lai, 76 ans, a été arrêté en août 2020 et inculpé à l'origine de "conspiration en vue de produire des documents séditieux", une infraction prévue par une loi datant de l'époque coloniale, ainsi que de "conspiration en vue de collusion avec des puissances étrangères" et de "collusion".
Pour les deux derniers chefs d'inculpation, il encourt la prison à vie, en vertu d'une drastique loi hongkongaise sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020. Les procureurs ont cependant indiqué mardi qu'ils abandonnaient l'accusation de "collusion", déjà couverte par l'accusation de "conspiration en vue de collusion".
"Non-coupable", a déclaré M. Lai en anglais à l'énoncé de chacun des chefs d'inculpation.
Vêtu d'une chemise blanche et d'une veste bleu marine, il était entouré de trois surveillants de prison dans le box des accusés. Le septuagénaire, dont le procès a commencé en décembre, a déjà passé plus de 1.100 jours en détention provisoire.
"Cette affaire concerne une personnalité politique radicale qui a conspiré avec d'autres pour engendrer la haine et attiser l'opposition aux autorités centrales", a indiqué le procureur Anthony Chau devant la cour mardi.
Il a accusé M. Lai d'avoir tenté "de faire collusion avec des pays étrangers ou des agents extérieurs et de mettre en danger la sécurité nationale".
M. Chau a décrit M. Lai "comme le cerveau" qui aurait utilisé ses médias "comme plateforme pour poursuivre ses objectifs politiques.
Le procureur a cité 161 publications du Apple Daily entre avril 2019 et son dernier numéro paru en juin 2021 "comme des preuves d'articles séditieux (...) dans le but de polluer les esprits de ceux qui sont impressionnables".
Le magnat est accusé d'avoir donné des ordres et fourni un soutien financier à l'organisation Stand With Hong Kong Fight For Freedom (SWHK) pour démarcher des gouvernements étrangers afin qu'ils demandent des sanctions internationales contre Hong Kong.
- "Connections étrangères" -
L'accusation a également souligné que M. Lai avait rencontré l'ancien vice-président américain Mike Pence et le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo en 2019, preuves selon elle qu'il disposait "d'un vaste réseau de connexions étrangères".
Le procureur a également listé des dizaines de responsables politiques, de militants et d'universitaires à Hong Kong, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, au Canada, à Taïwan ou au Japon, qui seraient des "connexions" de M. Lai.
Plusieurs autres anciens responsables de l'Apple Daily sont également poursuivis.
Très médiatisé, Le procès de M. Lai est attentivement surveillé car considéré comme un baromètre de l'état actuel des libertés civiles à Hong Kong et de l'indépendance de la justice dans cette ancienne colonie britannique.
Le Royaume-Uni ainsi que les Etats-Unis ont demandé la libération de M. Lai, qui est un citoyen britannique.
L'Union européenne et les Nations unies ont aussi exprimé leur inquiétude sur son sort.
Pékin a balayé ces critiques, les considérant comme de la diffamation et de l'ingérence.
AFP