Quatre ans après l'attaque déjouée du Thalys Amsterdam-Paris, une reconstitution était en cours mercredi près de Paris, dernier acte d'une enquête durant laquelle le tireur, Ayoub El Khazzani, a donné des explications confuses sur son projet jihadiste.
La reconstitution, organisée à la demande d'El Khazzani, a commencé en début d'après-midi dans une rame à l'arrêt mise à disposition de la justice en Ile-de-France, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier. Le lieu exact n'a pas été précisé. Selon une source judiciaire, une quinzaine de témoins devaient participer à la reconstitution, aux côtés des juges d'instruction chargés de l'enquête et d'El Khazzani lui-même. Les trois Américains qui ont maitrisé le tireur étaient en revanche absents.
Le 21 août 2015, Ayoub El Khazzani, monté en gare de Bruxelles dans le Thalys Amsterdam-Paris, avait ouvert le feu peu après son entrée en France, armé d'une kalachnikov et de neuf chargeurs pleins. Il agissait sur ordre d'Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des attentats du 13-Novembre, trois mois plus tard. Lors de l'attaque, El Khazzani, citoyen marocain alors âgé de 26 ans, avait blessé deux passagers avant d'être maîtrisé par des militaires américains en vacances, qui avaient ainsi évité un carnage.
Une première demande de reconstitution, sollicitée par El Khazzani, avait été refusée début 2018 par les juges, qui ne l'estimaient pas nécessaire. Leur refus avait coïncidé avec la sortie en France, dénoncée par l'avocate du tireur, du film de Clint Eastwood relatant l'attaque, "Le 15H17 pour Paris".
Dix-huit mois plus tard, et alors que l'enquête touche à sa fin, les magistrats ont finalement accédé à la demande d'El Khazzani. L'occasion de confronter la version du tireur, qui affirme avoir renoncé à l'ultime seconde à son projet d'attentat, avec le récit des passagers.
Face au juge, Ayoub El Khazzani a assuré s'être laissé maîtriser après s'être senti incapable de tirer sur sa première cible. "Quand j'ai vu sa tête, ça m'a bloqué. Je n'ai pas pu tirer sur la tête d'un être humain", a-t-il déclaré, selon une audition révélée par France Inter.
- "Noble combattant" -
En décembre 2016, El Khazzani avait reconnu pour la première fois son implication dans l'attaque, rompant avec dix-huit mois de silence. Il a depuis livré des renseignements précieux sur son donneur d'ordre, Abdelhamid Abaaoud, par ailleurs coordinateur de la cellule du groupe Etat islamique ayant frappé la France et la Belgique en 2015 et 2016.
Abaaoud "m'a dit que la cible était dans le Thalys où je devais attaquer des Américains", a-t-il déclaré au juge dans une de ses auditions consultées par l'AFP. "Il m'a expliqué que le meilleur moyen de faire ma mission c'est d'utiliser des explosifs. Moi j'ai dit que je préférais une kalachnikov", a-t-il ajouté.
Le tireur du Thalys prétend n'avoir voulu cibler que des militaires américains, en représailles aux bombardements en Syrie, et non des civils. "Je suis un vrai jihadiste mais on ne massacre pas les femmes et les enfants (...) Je ne suis pas un massacreur. Je suis un noble combattant", a-t-il assuré.Des explications qui laissent sceptiques les enquêteurs, El Khazzini n'ayant pas pu expliquer lors des interrogatoires comment il avait pu connaître la présence de ces militaires dans la rame et comment il aurait pu les cibler seuls au milieu des passagers.
Les trois Américains, Anthony Sadler, Alek Skarlatos et Spencer Stone, ont reçu la citoyenneté française lors d'une cérémonie organisée à Sacramento, en Californie.
Au côté d'El Khazzani, quatre hommes sont mis en examen dans l'enquête en France, en premier lieu Bilal Chatra et Redouane Sebbar. Le premier est mis en cause pour avoir joué le rôle de passeur pour El Khazzani et Abaaoud, sur leur trajet de retour de Syrie au milieu du flux de migrants. Le deuxième aurait, lui, participé aux préparatifs de la fusillade dans le train.
Les deux autres mis en examen sont Mohamed Bakkali, considéré comme un logisticien essentiel de la cellule jihadiste, et Youssef Siraj, accusé d'avoir hébergé El Khazzani à Bruxelles avant l'attaque.
AFP