AprĂšs la tempĂȘte de la dissolution, une nouvelle bataille Ă©lectorale : Emmanuel Macron, la dĂ©faite des europĂ©ennes Ă peine encaissĂ©e, est reparti Ă l'assaut lundi contre l'extrĂȘme droite, en convoquant l'histoire de la France occupĂ©e au cĂŽtĂ© de son homologue allemand.
Au lendemain d'une déroute cuisante de son camp, le chef de l'Etat était attendu à Tulle (CorrÚze) et Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) pour y commémorer le 80e anniversaire des massacres de civils par les SS les 9 et 10 juin 1944.
Un rendez-vous mĂ©moriel programmĂ© de longue date mais qui a pris des accents nouveaux, au lendemain d'une victoire Ă©crasante du Rassemblement national (31,37%) en France et d'une nouvelle poussĂ©e de l'extrĂȘme droite Ă travers l'UE.
"L'Europe est un projet si singulier, fou, de paix. Il n'y a dans ce projet rien d'évident, spontané, naturel", a martelé le chef de l'Etat dans les ruines du village martyr d'Oradour.
Plus direct, son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier a appelé à ne jamais oublier les "dégùts engendrés en Europe par le nationalisme et la haine". "Protégeons notre Europe unie!", a-t-il proclamé.
Les deux dirigeants se sont recueillis longuement, cÎte à cÎte, sur les lieux les plus emblématiques des massacres de villageois tués par balles ou brûlés vifs. Le président Steinmeier a aussi dit sa "honte" face aux "crimes innommables" commis par les SS.
- "Courage" -
La nuit de la défaite à peine dissipée, Emmanuel Macron s'était engouffré dans un hélicoptÚre, direction Tulle, en chemise cravate, comme pour mieux braver la tension à son comble depuis sa décision de dissoudre l'Assemblée.
A son arrivée à Tulle, premiÚre étape, au-delà du rendez-vous mémoriel, c'est un président chef de campagne qui affleure, au fil des échanges avec le public.
Tulle, fief de Fançois Hollande, l'ex-prĂ©sident socialiste et ex-"chef" d'Emmanuel Macron, empĂȘchĂ© par son "collaborateur" d'alors de se reprĂ©senter en 2017. L'ancienne figure de la gauche est lĂ Ă l'arrivĂ©e de la dĂ©lĂ©gation prĂ©sidentielle, un sourire en coin.
Sept ans plus tard, Emmanuel Macron, Ă©lu alors plus jeune prĂ©sident de la Ve RĂ©publique au mĂ©pris de toutes les conventions - il n'avait jamais fait de politique - se retrouve lui-mĂȘme dans la tourmente.
Son projet europĂ©en a Ă©tĂ© foulĂ© au pied par plus d'une moitiĂ© d'Ă©lecteurs dimanche et son ambition de faire rempart face Ă l'avancĂ©e de l'extrĂȘme droite a fait long feu.
"Je vous souhaite beaucoup de courage", lui glisse une dame. "On n'a pas le droit de ne pas en avoir", répond le président, imperturbable. "Soyons résistants !", lance une autre habitante comme pour convoquer elle aussi le passé.
Claude Chirac, fille du prĂ©sident dĂ©funt, Ă©change avec le chef de l'Etat sur un projet de musĂ©e. Avant d'ĂȘtre la terre d'Ă©lection de François Hollande, la CorrĂšze a aussi Ă©tĂ© celle de Jacques Chirac.
- "Un cadeau" -
"Merci pour ce que vous avez dit hier. On ne peut pas revivre ce qui s'est passĂ©", lĂąche un homme au lendemain de la victoire historique de l'extrĂȘme droite, Ă laquelle Emmanuel Macron a rĂ©pondu par la dissolution.
Ce dernier assure ne vouloir laisser place à aucune "ambiguïté", alors que les accusation fusent sur son "coup de poker", sa "politique du pire" qui pourrait accélérer l'arrivée du RN au pouvoir.
"J'ai confiance dans le peuple", ajoute-t-il, reprenant ce qui semble ĂȘtre son principal message depuis dimanche soir en vue des nouvelles Ă©lections.
A Tulle, le 9 juin 1944, la division nazie Das Reich avait pendu aux arbres, réverbÚres et balcons de la ville 99 hommes qu'elle avait raflés.
Le prĂ©sident Macron s'est recueilli sur le lieu oĂč ils avaient Ă©tĂ© enterrĂ©s, Ă l'emplacement d'une dĂ©charge publique.
Une heure plus tard, il Ă©tait projetĂ© dans les ruines d'Oradour, anĂ©anti tout comme 643 victimes par la mĂȘme division Das Reich.
"Câest un cadeau dâĂȘtre lĂ (..) avec mon histoire", lui confie Karin Eifeloth, petite-fille du soldat Adolf Heinrich, un des responsables du massacre dâOradour.
"C'est dâautant plus important dâĂȘtre lĂ au lendemain des Ă©lections. Dans un lieu comme celui-ci, on est conscient du danger de lâidĂ©ologie de l'extrĂȘme droite", ajoute-t-elle. Macron la tient longuement par la main et lĂąche : "C'est Ă©mouvant".
AFP

