Crise aux Antilles

Sébastien Lecornu en Martinique après un dialogue de sourds en Guadeloupe

  • Publié le 30 novembre 2021 à 05:42
  • Actualisé le 30 novembre 2021 à 08:09

Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu est arrivé en Martinique lundi soir après une visite de 24 heures en Guadeloupe, achevée par un dialogue de sourds avec l'intersyndicale et où le gouvernement envoie des forces de sécurité intérieure supplémentaires pour faire face à la violence durant la crise sociale.

M. Lecornu a atterri en début de soirée en Martinique, a-t-on appris auprès de son entourage, pour un court séjour destiné à apaiser les tensions et tenter de sortir de la crise sociale traversée par les deux îles des Antilles françaises, distantes de 120 km et marquées par un fort taux de chômage, en particulier chez les jeunes. Il doit être de retour mercredi à Paris.

Lundi en Guadeloupe, où il était arrivé la veille, les discussions avec l'intersyndicale et les élus locaux ont tourné court. Le ministre a jugé qu'aucune discussion n'était possible tant que les syndicats "ne "veulent pas condamner des tentatives d'assassinat contre des policiers et des gendarmes", un "préalable pourtant évident et indispensable".

Sa rencontre avec quatre représentants syndicaux de l'UGTG et FO s'est donc résumée à une simple remise de "documents de revendication". Réclamant une "prise de conscience" face aux violences, Sébastien Lecornu a annoncé lors d'un point presse l'envoi d'un escadron de 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN supplémentaires, pour "tenir".

"Lorsqu'on tire et qu'on arrose au 9 millimètres dans les rues", c'est "un miracle qu'un enfant de 9 ou 10 ans" ne se soit pas "retrouvé sous ces balles", a-t-il insisté. "Tout va être mis en oeuvre pour libérer les barrages" qui entravent encore par endroits la circulation sur l'île "et les renforts participent de ça" a poursuivi Sébastien Lecornu.

Lundi, le Collectif des socio-professionnels, qui rassemble plusieurs corps de métiers très différents (transporteurs, taxis, BTP, tourisme), a menacé d'"une action" d'ici 24 heures s'il n'était pas invité aux négociations. Le collectif avait barré la Guadeloupe durant trois jours en février.

- Couvre-feu -

Né du refus de l'obligation vaccinale pour soignants et pompiers, le mouvement s'est étendu à des revendications politiques et sociales, notamment contre la vie chère, et a occasionné des violences, pillages et incendies, comme en Martinique. Les deux îles sont placées sous couvre-feu.

Sébastien Lecornu a par ailleurs vivement critiqué les responsables syndicaux qui "ont commencé à vouloir chercher des amnisties" pour les auteurs de violences. Selon lui, ils participent à une "jonction dangereuse entre ce qu'il se passe la nuit et la journée" lors du mouvement social.

Côté syndicats, la délégation estime que Sébastien Lecornu "n'est pas venu pour négocier, mais parce qu'il a été forcé par le rapport de forces que nous avons installé".

Maïté Hubert-M'Toumo, de l'UGTG, rappelle leurs revendications "prioritaires" comme "l'arrêt des suspensions des personnels et professions libérales" non-vaccinés, la "suspension des condamnations des personnes pour les violences", et un "plan d'urgence pour la qualification des jeunes et les conditions de travail des familles guadeloupéennes".

Alors que de nombreux domaines sont gérés par les collectivités territoriales (distribution d'eau, voierie, transport, environnement, formation professionnelle), Sébastien Lecornu a également placé les élus locaux face à leurs responsabilités. "Je veux bien me faire engueuler pour des choses que l'Etat n'a pas faites avant même que nous soyons au pouvoir (….) ce qui est compliqué c'est de se faire engueuler pour des choses dont l'Etat n'est pas responsable" a-t-il affirmé.

"Il faut que chacun soit à sa place dans ce territoire" a ajouté le ministre, qui avait déclaré vendredi que le gouvernement était "prêt" à "parler" de davantage d'autonomie pour la Guadeloupe.

Plus tôt, les élus locaux guadeloupéens avaient décidé de ne pas se rendre à une rencontre prévue avec le ministre, qui a néanmoins participé à une visio-conférence avec 16 maires de l'île.

Sébastien Lecornu rencontrera également en Martinique l'intersyndicale, qui a signé avec l'Etat et les élus locaux un "accord de méthode" pour tenter de sortir de la crise, a indiqué dimanche la préfecture.

Sept thématiques (santé, jeunesse, vie chère dont prix des carburants et du gaz, transports, chlordéconomie, pêche, culture) doivent faire l'objet de discussions. "La situation n'est en rien comparable entre la Guadeloupe et la Martinique puisqu'en Martinique, (les) préalables républicains" aux négociations "ont été remplis par les élus et l'intersyndicale" a estimé Sébastien Lecornu.

AFP

guest
3 Commentaires
LUTTE OUVRIERE
LUTTE OUVRIERE
3 ans

Antilles : qui sème la misère récolte la colère ! La mobilisation contre le passe sanitaire et l'obligation vaccinale, particulièrement forte aux Antilles depuis l'été, vient de se transformer, en Guadeloupe, en mouvement de révolte générale.Le jour, les piquets de grève et les barrages rassemblent des travailleurs de la santé, des salariés de l'hôtellerie-restauration, des sapeurs-pompiers, des enseignants, des travailleurs des Ehpad ou encore des travailleurs d'ArcelorMittal en grève depuis plus de deux mois. La nuit, ce sont des bandes de jeunes qui cherchent à défier la police en allumant des incendies ou en pillant.L'étincelle qui a mis le feu aux poudres est la suspension sans salaire des travailleurs de la santé non-vaccinés. Comme ici en métropole, de nombreux soignants ont vécu l'obligation vaccinale, assortie de menaces et de sanctions, comme une énième humiliation. Et on les comprend !L'État les a envoyés au front du Covid au péril de leur santé, sans leur fournir le matériel de protection élémentaire. Il a toujours refusé d'accorder les moyens nécessaires en matériel, en équipement et en personnel aux hôpitaux, et voilà qu'il s'érige en donneur de leçons et qu'il sanctionne ceux qui ne sont pas prêts à se faire vacciner en les suspendant sans salaire !La vaccination est un moyen puissant pour combattre l'épidémie, mais les méthodes autoritaires qui l'accompagnent n'ont rien de sanitaire. Elles sont hautement politiques et servent d'abord à mettre au pas les travailleurs et la population. De fait, la non-vaccination est devenue un nouveau motif de licenciement, une attaque anti-ouvrière de plus, c'est ce que combattent les travailleurs de la santé en Guadeloupe et en Martinique, et c'est bien légitime.Et qui peut s'étonner de la méfiance vis-à-vis de la parole des autorités de santé aux Antilles ' Pendant des décennies, elles ont autorisé les patrons de la banane à utiliser le chlordécone, un pesticide cancérigène qui a empoisonné ouvriers agricoles, sols et nappes phréatiques.Parmi les raisons qui alimentent la révolte actuelle, on retrouve tous les ingrédients qui avaient déjà fait exploser la colère en 2009 avec le mouvement contre la " profitation " : l'extrême pauvreté, l'abandon et la déshérence d'une bonne partie de la jeunesse condamnée au chômage, les bas salaires, la vie chère et l'incurie de l'État.Le gouvernement et les commentateurs n'ont pas de mots assez durs contre les bandes de jeunes casseurs qui sèmeraient " l'anarchie " et " le chaos ". Mais quand il n'y a pas d'électricité ni d'éclairage public pendant des mois, quand le ramassage des ordures est sporadique, c'est aussi une forme de chaos. Et celui-ci est organisé par l'État ! Les coupures d'eau font tellement partie du quotidien que les habitants de certains quartiers sont forcés de se déplacer vers des points où l'eau arrive : une école, un parc, le long d'une route, et ce depuis des années ! Serait-ce imaginable dans un département de métropole ' Non !Il y a dans la façon de traiter la population antillaise une forme de mépris colonial insupportable. Ce qui est considéré comme un minimum en métropole ne l'est pas pour la Guadeloupe et la Martinique. Le gouvernement se vante d'avoir ramené le chômage à 8 % en métropole, eh bien, il s'élève à 17 % en Guadeloupe ! Quand la pauvreté frappe 14 % de la population dans l'Hexagone c'est 34 % en Guadeloupe. Et comment la jeunesse de l'île pourrait-elle ne pas se sentir méprisée quand elle ne trouve ni emploi ni formation sur place 'La hausse des prix prend, aux Antilles, une tournure vertigineuse. Rien que le pain a augmenté de 68 % ! Tout cela avec des salaires et des pensions qui sont, comme en métropole, bloqués, quand ils ne sont pas baissés du fait de la suppression de certaines primes.Si la cocotte-minute a explosé, Macron en est le responsable et, en envoyant des forces du Raid ou du GIGN, il ne fait que rajouter de l'huile sur le feu.Pour l'instant, la colère prend des formes diverses, mais elle peut et doit être orientée contre le gouvernement et le patronat. Les travailleurs sont capables de le faire s'ils utilisent la force de la grève. En s'organisant à partir des entreprises, en arrêtant de produire les profits patronaux, le monde du travail peut avancer ses revendications, qui constitueraient un progrès pour toute la population : des embauches, des augmentations de salaire et leur indexation sur les prix, des moyens pour des services publics en déshérence'Alors oui, une telle révolte sociale serait source d'inspiration pour nous tous ici !

citoyen
citoyen
3 ans

Si ces Iliens étaient des Héros on l'aurait su depuis longtemps; ils n'ont qu'à s'inspirer des iles voisines indépendantes (Ste-Lucie, Barbade etc) et assurer leur propre gestion; c'est fini le temps des colonies où on déversait des millions, les avantages sociaux: il faut qu'ils les fabriquent eux-mêmes. Dernière solution, comme Cuba, Venezuela, Haïti ne peuvent rien pour eux, ils peuvent se tourner vers ce grand pays asiatique qui aspire à son expansion . On recommencera la colonisation jaune et ce sera une nouvelle page d'histoire à écrire. Les Africains ont trouvé leur compte dans cette alliance

Élémentaire mon cher Watson
Élémentaire mon cher Watson
3 ans

Il manque décidément des hommes et des femmes d'envergure dans ce gouvernement.