Dans la rue, dans les commerces, les transports en commun, les immeubles… difficile d'échapper aux caméras installées. Et pourtant, certaines se veulent discrètes. Si dans la majorité des cas cela peut être pratique, notamment pour lutter contre la délinquance et se protéger, cela peut donner naissance à des dérives qui violent le droit à l'image (Photos : sly/www.imazpress.com)
À plusieurs reprises, sur les réseaux sociaux, les visages de voleurs ou mauvais payeurs ont été dévoilés par des commerçants.
Et pourtant, en vertu du droit à l'image, cette pratique est interdite. Selon l'article 9 du code civil, "chacun a droit au respect de sa vie privée".
Si ces cas restent des exceptions, sur ce point – les avis des commerçants sont divisés. Certains avancent le fait que les autorités ne sont pas assez réactives.
"Je suis d'accord pour qu'on affiche les visages des voleurs, même si ce n'est pas légal", témoigne une commerçante de Saint-Denis. "On a du mal à joindre les deux bouts alors si on doit en plus se faire voler impunément, autant fermer boutique", ajoute-t-elle.
"Je sais que la diffusion des vidéos sur les réseaux sont interdites mais c'est souvent un moyen de pression encore plus fort et les voleurs retournent souvent les marchandises volées en contrepartie", précise Sandiren Permale, responsable d'une boutique de bijouterie à Saint-Denis.
Michaël Asgaraly, propriétaire du Coffee Club à Saint-Denis est lui totalement contre. "Malgré que l'on ait un préjudice, on ne peut aller contre la loi et les informations personnelles de personnes." Écoutez.
Si "l'image de la personne est diffusée sans son autorisation, cela est répréhensible au civil comme au pénal", informe Sabine Bègue, référente sûreté de la gendarmerie.
"Pour les besoins des enquêtes ont demande de ne pas diffuser les images car il y a une enquête", ajoute-t-elle. Écoutez.
Pourtant, une proposition de loi présentée par Romain Daubié, député divers droite de la majorité, enregistrée le 23 janvier à la présidence de l’Assemblée nationale, est conçue pour légaliser la pratique consistant à rendre ces images publiques, par exemple par affichage ou sur les réseaux sociaux.
Si vous avez été filmé ou photographié dans un lieu privé sans avoir donné votre accord, vous pouvez porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie. Ce délit est puni d’un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. Par ailleurs, publier une photo ou une vidéo d’une personne sans son accord est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
- Une protection "indispensable" -
Si leurs avis divergent, ils le disent tous, "la vidéoprotection est primordiale", que cela soit dans l'espace public ou dans un commerce.
"Il freine les personnes qui ont l'ambition de commettre un vol", indique Sandiren Permale de la bijouterie Samy à Saint-Denis. "En parlant avec d'autres commerçants, on fait le même constat, le nombre de vol a diminué énormément."
"C'est indispensable", lance Julie Sidiot, commerçante dans le chef-lieu.
Pour le gérant du Coffee Club à Saint-Denis, "la vidéoprotection c'est important surtout si on a besoin d'éléments pour se défendre", explique Michaël Asgaraly le propriétaire.
Cela à d'ailleurs été le cas lors de l'attaque du restaurant l'Instant Sushi à Saint-Denis où les caméras ont permis de montrer le déroulé des faits.
- Dissuader et identifier les mécréants -
De plus, utiliser la vidéoprotection de manière conforme à la règlementation permet "de dissuader et d'identifier", indique Frédéric Lalaurette, référent sûreté à la direction de la police nationale.
"La vidéoprotection est un système mis en place pour la protection des biens et des personnes contre la délinquance et diminuer le sentiment d'insécurité", note Sabine Bègue, référente sûreté de la gendarmerie.
À la différence de la vidéosurveillance, la vidéoprotection se trouve dans les lieux ouverts au public (commerces, restaurants, voie publique…) alors que la vidéosurveillance concerne les lieux fermés (chez des particuliers par exemple). Un système donc non soumis à autorisation de la préfecture, à l'inverse de la vidéoprotection. Écoutez.
Pour Frédéric Lalaurette, "la vidéoprotection est un système intéressant car elle permet aussi dans certains établissements d'empêcher une personne malveillante d'entrer et donc de sécuriser les gens à l'intérieur".
De plus, "lors d'une enquête, la vidéoprotection – déclarée en préfecture – permettra d'identifier les auteurs, même si les mis en cause réfutent le fait qu'elles étaient présentes lors de la commission du délit". Écoutez.
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- Les Réunionnais sous l'oeil des caméras de surveillance -
Si les commerces sont équipés de vidéoprotection, les communes aussi.
À Saint-Denis, des caméras sont installées. Depuis le début de l’année 2023, la ville a rénové son centre de supervision urbain. Flambant neuf et désormais équipé de 10 écrans (contre 4 auparavant), qui capte les images des 63 caméras déployées dans le chef-lieu.
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Dans l'ouest, à Saint-Paul, "d'ici la fin de l'année on aura 100 caméras sur notre territoire communal", indique Sébastien Guyon, deuxième adjoint en charge de la sécurité et de la police municipale.
Des caméras visionnées au cœur du centre de supervision urbaine et positionnées dans les Hauts comme sur le littoral.
Un dispositif qui, s'il avait été présent par le passé, "aurait permis notamment en 2018 lors d'une vague de cambriolages dans le centre-ville, de permettre aux enquêteurs d'identifier plus rapidement les voleurs".
Depuis la mise en place des caméras, "nous avons eu 25 extractions judiciaires, permis de détecter des altercations à la gare routière et aider à trouver une personne recherchée". Aujourd'hui à Saint-Paul c'est "si vous êtes filmés en train de voler, soit vous êtes interpellés, soit vous répondrez devant la justice", indique Sébastien Guyon.
Un dispositif qui n'est "que le début dans le sens où Saint-Paul va déployer d'autre moyen de vidéoverbalisation".
Pour cela, la ville de l'ouest a mobilisé 1,2 millions d'euros.
Toutefois si c’est-à-dire que cela a fait baisse la délinquance, "cela permettra toujours d'en dissuader", précise le référent sûreté de la direction de la police nationale.
À Saint-Pierre, la ville dispose d’un service de vidéoprotection. Des caméras "installées sur le front de mer sur le site Salahin, la zone portuaire, le centre-ville et Casabona".
Des dispositifs qui "ont démontré leur pertinence tant dans la dissuasion et la flagrance que dans la résolution d’affaires à postériori".
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À l'Étang-Salé, "la Commune s’est récemment dotée d’un réseau de 14 caméras. Elles ne sont pas toutes encore opérationnelles (elles le seront sous trois mois), mais déjà celles en fonction ont permis de résoudre quelques affaires", indique la mairie. gLa Gendarmerie avec laquelle nous avons une convention de coordination, a bien entendu accès aux images."
"Bien que l’Etang-Salé soit une commune tranquille, la municipalité est soucieuse d’assurer la sécurité de ses citoyens et est vigilante à ce que la situation ne se dégrade pas. Ainsi, un Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) est en cours de formation et sera un outils de suivi et de prévention de la délinquance associant différents partenaires publics et privés.
Dans la ville du Tampon, "nous comptons actuellement 172 caméras de vidéosurveillance et de vidéoprotection confondues. De plus, une autorisation préfectorale nous a été accordée pour l'installation de 117 caméras supplémentaires, destinées à nos cimetières (Terrain Fleury, Bras de Pontho et la Plaine des Cafres) ainsi qu'à nos parcs (le Parc des Palmiers et le Belvédère)".
"La vidéoprotection dans la commune est indispensable pour : la prévention des actes malveillants, la sécurité des visiteurs et des biens, la réponse rapide aux urgences et l'assistance aux enquêtes", indique la commune.
"Depuis l'obtention de l'autorisation préfectorale, une partie des caméras a été installée dans nos cimetières. Ces dispositifs ont non seulement dissuadé les actes malveillants, mais ont également permis d'identifier les auteurs lorsque de tels incidents se sont produits. En conséquence, la responsable du site de Terrain Fleury ainsi que les visiteurs ont remarqué une nette diminution des actes malveillants et des récidives potentielles."
Même si les communes pour certaines doivent encore se mobiliser pour déployer la vidéoprotection, à l'image de Saint-Benoît et de Saint-André comme l'a évoqué le préfet de La Réunion, commentant les violences urbaines.
Ce qui est sûr, "c'est qu'à ce jour toutes les communes ne sont pas suffisamment équipés en terme de vidéoprotection urbaine", indique le référent sûreté de la direction de la police nationale.
Que les Réunionnais se rassurent toutefois, Frédéric Lalaurette l'a confirmé, "pour le moment en France on n'a pas le droit d'utiliser la vidéoprotection avec intelligence artificielle pour reconnaitre les personnes".
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com