L’équipe du Kabardock vient d’annoncer son programme pour le premier semestre 2025. La directrice de la Scène des Musiques Actuelles du Port lève le voile sur une programmation moins importante (en volume), mais toujours aussi festive et aussi engagée. Pour tenir et résister dans un climat lourd (Photo d'ilustration www.imazpress.com)
"Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver". Cette phrase est souvent attribuée, à tort, aux dirigeants du parti nazi allemand, Hermann Goering et Joseph Goebbels, ou au chef des jeunesses hitlériennes, Baldur von Schirach. Elle est bien l’œuvre d’un nazi, mais d’un auteur de pièces de théâtre, Hann Johst*.
Et elle résonne forcément en ce moment dans le secteur de la culture en France. La plupart des Régions ont anticipé la demande des deux derniers gouvernements de réduire leurs dépenses et les budgets consacrés à la culture sont les premiers touchés.
La palme d’or des coupes budgétaires revient à la Région Pays-de-la-Loire qui a réduit… de 62% ses financements pour la culture !
Les Départements sont sur la même tendance baissière.
- À La Réunion comme ailleurs c'est "la fin d'une époque" -
Rajoutez la baisse annoncée en fin d’année du budget du Fonpeps (Fonds National Pour l’Emploi dans le Spectacle), et plus récemment, le gel par le ministère de l’Éducation Nationale du budget consacré à la part collective des Pass Culture, destinés aux collégiens et lycéens, et les restrictions sur le recrutement de nouveaux Services Civiques : vous avez un cocktail parfait pour "fragiliser un secteur déjà précaire" résume Nathalie Soler, la directrice du Kabardock. "Ça devient très compliqué pour les artistes" dit-elle.
L’édito qu’elle signe dans le programme du premier semestre 2025 nous a d’abord inquiété. "Face au mur du feu, symboliquement, nous nous tenons la main (…) et nous avançons avec conviction, tels les époux Kraft", appuyé par un graphisme toujours aussi stylé.
Quand on sait comment est mort ce couple de passionnés de volcan, la promesse fait peur de prime abord. Et puis Nathalie Soler développe son argument et on comprend mieux : "c’est l’édito engagé d’une équipe engagée. C’est important de parler sans fard quand on est dans le dur comme en ce moment. Pendant deux ans, on nous a expliqué qu’on était "non-essentiels". Maintenant, on nous coupe plein de financements et ça n’émeut personne ! Et ceux qui trinquent, ce sont les jeunes talents émergents… On vit la fin d’un modèle" déplore la directrice de la salle de la ville du Port, labellisée Scène de Musiques Actuelles (SMAC, la seule des outremer).
Loin de baisser les bras, Nathalie Soler et son équipe ont préparé une programmation pour le premier semestre à leur image : "festive et engagée".
- Du debaa mahorais, du rap, du cadence-lypso, de l’afropop…-
"Pour notre soirée de rentrée, le 22 février, on accueillera la diva mahoraise Zily. Elle était programmée avant le passage du cyclone Chido. Elle a un talent fou et elle est, elle aussi, très engagée pour les droits des femmes" annonce la directrice de salle.
Ça commence fort. Ca continue à monter avec la classique soirée What’s Up Dock, le 21 mars, LA soirée "Groove & Graff" pour sa 11ème édition. On monte encore d’un cran avec deux concerts de Saïan Supa Celebration (le Saïan Supa Crew, qui fête ses 25 ans dans le rap français, dans une configuration différente).
Dépêchez-vous : la soirée du samedi 5 avril affiche déjà « complet » et il reste peu de places pour celle de la veille. Même salle (le Kargo), mais ambiance différente la semaine suivante, le 12 avril, avec la soirée Nostalgie Kréol, pilotée par la Manyan Family et consacrée à de grands noms de la zone Océan Indien et des Caraïbes.
Nouveau virage le 24 mai, pendant le mois des Fiertés, avec une soirée "Kiki Ball La Poussièr", présentée par la Portoise Luna, qui verra s’affronter plusieurs maisons de drag queen dans différentes compétitions de catwalk, lipstick, visage, corps… Avec en topping, l’artiste Piche. Rappeuse, danseuse, drag queen d’origine algérienne et gitane : on vous laisse chercher l’origine de son nom de scène, c’est ébouriffant !
"Au-delà de ces fêtes, on invite des artistes réunionnais à des moments clés de leur parcours", poursuit Nathalie Soler. Le 26 avril, ce sera ainsi la première fois que l’artisan de l’électro-maloya Labelle viendra jouer au Kabardock. Gwendoline Absalon se produira, elle, le 2 mai pour présenter notamment son nouvel album "Fanal Fénwar ». Enfin, pour les amateurs de pop urbaine, le prometteur Carbonne est programmé au Kabardock le 9 mai.
Toute la programmation est ici
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*La phrase exacte de la pièce originale Hanns Johst est : "quand j’entends parler de culture, je relâche la sécurité de mon Browning "