Début septembre 2010, le 22ème festival de photojournalisme de Perpignan a accueilli près de 200 000 visiteurs. Les photographies de presse imprimées en grand format suscitent l'émotion mais aussi des réflexions et échanges sur le photojournalisme. "La profession est en crise" répète-t-on. La discipline tourne un virage dans son histoire. Face aux révolutions technologiques, à la démocratisation de l'accès aux images et à l'information, à la prolifération des images, comment le photojournalisme résiste-t-il?
"La profession de photojournaliste est en danger" écrit Jean-Paul Griolet, président de l'association Visa pour l'image. Elle est "menacée par les regroupements des supports de presse, le développement des techniques numériques qui supprime tout recul et nourrit un flux de plus en plus rapide d'informations pas toujours vérifiées" explique-t-il.Pourtant, quand les premiers appareils photo numériques arrivent sur le marché professionnel, cette révolution technologique est vue positivement. Tous les photographes s'accordent à louer la simplification technique du travail et l'ouverture à de nouvelles possibilités. Martina Bacigelapu, lauréate du Prix Canon de la femme photojournaliste, est passée au numérique depuis son installation au Burundi "pour ne pas gaspiller d'eau". "Nous ne sommes plus obligés d'utiliser des produits chimiques, d'ailleurs très nocifs pour l'environnement" ajoute Dirk Troyat, photographe allemand.
Mais après 13 participations à Visa pour l'image, Kent Kobersteen ancien directeur photo du National Geographic confie, "Avant je voyais beaucoup de jeunes talents photojournalistes qui devaient déjà se démener pour être publiés. Mais maintenant c'est encore pire", constate-t-il. "Les éditeurs sont en crise, on n'embauche plus, même pas les meilleurs photographes".
Aujourd'hui, chacun peut disposer d'un appareil photo numérique, intégré ou non à son téléphone. Multiplication des photos et vidéos amateurs, prolifération des images. Un nouveau rapport "quantité/ qualité" s'est instauré. "Certaines personnes prennent des photos les yeux fermés, sans âme" constate Nadezhda Chipeva, "C'est très important de savoir quia écrit un livre, explique-t-elle. "C'est pareil avec les images. Tout dépend de ce que le photographe veut dire". Et aussi des attentes du public. "Aux États-Unis, le public privilégie les divertissements au détriment des actualités", déplore Kent Kobersteen.
"Le photojournalisme s'est de tout temps adapté aux évolutions techniques", affirme José Alfonso, professeur de photojournalisme à Recife (Brésil). Le virage du photojournalisme va donc au delà de la révolution numérique. Les images de David Guttenfelder, qui travaille depuis 10 ans en Afghanistant, ont été présentées au Visa pour l'image 2010. Il rappelle "au 20ème siècle toutes les voies du photojournalisme étaient tracées. Maintenant, tous ces chemins ont disparus, les jeunes photojournalistes ont tout à construire".
Ces sombres constats, font réagir Martina Bacigalupo. "Oui, c'est difficile, mais justement il faut résister, face aux difficultés et aux images vides de sens", s'exclame-t-elle. À son appui, l'engouement intense pour le festival Visa pour l'image, qui rassemble près de 200 000 personnes et témoigne de l'intérêt du public pour la photo de qualité. "Nous ne voyons pas cette qualité de photos dans la presse" note un couple de toulousains. "C'est important de les voir"
Face aux difficultés et transformations que traversent la profession, Kent Kobersteene reste optimiste. "Des solutions vont être trouvées". Alors que de nombreux photographes s'ouvrent aux nouvelles approches, comme la vidéo grâce aux dernières performances des reflex, un prix du webdocumentaire a été remis à Perpignan pour la 2ème année consécutive.
Le web-reportage se dessine aussi comme une perspective prometteuse, associant contenu journalistique et nouvelles technologies. Cette forme de production, combine diaporama de photos, séquences filmées, bande sonore d'ambiance, d'interview ou de voix-off, écriture. "Il reste à établir comment gagner de l'argent avec le web", précise Kent Kobersteen.
Dans le monde du photojournalisme, l'heure est à la recherche d'un équilibre entre technologies, informations, productions d'images. L'oeil et la réflexion restent les principaux atouts du photojournaliste, pour raconter des événements et des histoires par les images.
Marie Trouvé pour
Je ne peux que citer LA phrase ce de compte-rendu : "Nous ne voyons pas cette qualité de photos dans la presse" note un couple de toulousains. Message à faire passer ? !!!