Rien n'y fait depuis huit ans

Les squales continuent de tuer malgré les études, les subventions et les polémiques...

  • Publié le 31 janvier 2019 à 14:51
  • Actualisé le 31 janvier 2019 à 16:17

Huit ans que La Réunion est empêtrée dans cette crise requin. Huit ans que les communes, la Région, l'État tentent d'y mettre fin à coup de dizaines de milliers d'euros, d'arrêtés préfectoraux, de filets... en vain. Huit ans que l'océan, ami d'hier est devenu l'ennemi d'aujourd'hui. Huit ans que les requins font la loi. Huit ans que l'océan est extrêmement dangereux. Six ans qu'il est interdit par arrêté préfectoral.

En 2011, la première attaque semble presque anecdotique. Pas un fait inédit à La Réunion mais rare, très rare à l’époque. Pourtant, ce sera là la débuté d’un cauchemar mais ça, les Réunionnais ne le comprendront que plus tard. Dix personnes y laisseront leur vie. Des commerçants, leur gagne-pain. La Réunion, sa réputation.

Les pouvoirs publics prennent le problème à bras le corps. Le programme CHARC, une étude scientifique sur le comportement des requins tigres et bouledogues est lancé en 2012. Les autorités autorisent la pêche de squales. Mais rien n’y fait, les attaques de requin continuent et s’intensifient. En 2011 et 2012, les requins tuent trois personnes, en mutilent trois autres. Les autorités ne peuvent pas lutter. Ni les études sur le sujet, ni les opérations de pêche préventive n’arrêtent l’escalade mortelle.

Impuissantes face à un problème devenu sociétal, les autorités prennent une décision sans précédent, par mesure de précaution. En août 2012, un premier arrêté préfectoral interdisant temporairement la navigation maritime, la plongée sous-marine, la baignade, les activités nautiques et de pêche dans les eaux maritimes bordant le littoral de La Réunion est promulgué.

En février 2013, l’arrêté préfectoral est resserré, seules la baignade et les activités nautiques sont interdites. Les requins font la loi. L’océan n’est plus la place de l’homme. Depuis 2013, chaque année, au mois de février, l’arrêté est renouvelé. Trois préfets se sont succédés sur cette période, tous ont choisi de ne pas prendre de risque.

Les moyens pour réduire le risque requin sont doublés. Des structures dédiées à la crise sont crées. Les pêches préventives sont intensifiées.

Mais comment demander à des îliens de ne plus profiter de cet océan qu'ils aiment tant ? Les attaques de requin continuent. À un moment, les usagers de la mer bravant l'arrêté sont même verbalisés. Le sujet devient de plus en plus clivant. Les Réunionnais se déchirent. Tout le monde a un avis sur la question. Les calmes discussions d’antan virent au pugilat. Des dérapages xénophobes, racistes. On s’invective, on s’insulte, coups bas, campagne de haine sur les réseaux sociaux. Prendre parti devient presqu’une obligation. La crise requin déchaîne les passions.

Les surfeurs, principale communauté frappée par les attaques de requins sont pointés du doigt " mais pourquoi continuent-ils à se mettre à l’eau ? " s’indignent certains. Mais les certitudes finissent par voler en éclat. Les squales sont imprévisibles, attaquent au large, à moins de cinq mètres du bord,  des baigneurs, des surfeurs, des bodyboarders, des pêcheurs… En pleine journée, sur des plages historiques où les Réunionnais se croyaient à l’abri. Boucan-Canot, l’Étang-Salé, les Roches noires deviennent le théâtre de drame. Il n’y a plus de règle. Nul n’est en sécurité. Ces plages où l’on se baignait en famille au coucher du soleil deviennent des tombeaux.

Les Réunionnais finissent par avoir peur de l’océan. Il était pourtant partie prenante de nos vies. Les traditions, les habitudes, les coutumes changent. Les pique-niques familiaux sur la plage au crépuscule sont remplacés par des pique-niques dans les hauts, près des bassins. Le lagon devient un site privilégié, victime de son succès, il suffoque. Les coraux sont piétinés, abîmés, dommages collatéraux de cette crise requin.

Cette crise a changé à jamais le visage de La Réunion et de la société réunionnaise. Mais elle ne trouve pas d’issue. L’attaque de ce mercredi 30 janvier est une tragique piqûre de rappel après dix-neuf mois de répit. Aujourd’hui, les certitudes d’hier ont laissé place à des interrogations qui ne trouvent pas de réponse. Sortira-t-on un jour de la crise ? Difficile de l’envisager après huit ans de tourmente. 

fh/www.ipreunion.com

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5 Commentaires
Pe
Pe
5 ans

Mes confrères journalistes de France 2 on établit une très belle enquête sur lescheurs, et la menace la pérennité du thon tropical dans l'océan Indien, qui est dénoncé dans l'émission Cash Investigation, diffusée mardi 5 février au soir sur France 2.La pêche sous DCPÂ"?dispositifs de concentration de poissons?Â" des plateformes flottantes qui servent d'abris aux poissons et avec lesquels les thoniers bretons et espagnols viennent cueillir les thons et autres espèces marines (tortues,requins, espadon etc) et sont remis a la mer la plupart du temps Morts ou abîmés. Il est prouvé l'impact écologique sur les ressources pour les requins notamment qui n'ont plus d'autres choix que de venir se "nourrir " sur les cÃ'tés protégées... Greenpeace recommande simplement de ne plus consommer de thon en boîte pêchés avec cette méthode désastreuse mais tellement rentable pour l'Europe. Reunionais vous pouvez changer les choses a votre niveau et cela commence par nos assiettes.Si l'Union européenne ne fait rien alors commençons par arrêté d'alimenter cette économie qui brise la chaîne alimentaire dans l'océan indien.

Rico
Rico
5 ans

On a une surpopulation avérée de Tigres et Bulldogs. Une biomasse qui n'augmente pas. Une dangerosité avérée des drumline pour la population (à post 3: il faut être un assassin pour en demander plus), et en plus ces drumline attrapent d'autres espèces souvent protégées (et quant elles ne les tuent pas, elles les mutilent). Pourquoi ne pas faire un vraie pèche ciblée? On balance, à 10 km du bord (et pas à 500 mètres ou 1km comme les drumline, c'est criminel) une cage avec des chasseurs. On appâte, et on tire à vue. Ca se fait dans d'autres pays. Uniquement sur les deux espèces nuisibles et non protégées. Une vraie pèche ciblée. Une fois par semaine au début, puis une fois par mois. Dans un an le problème est réglé. Fini de subventionner des pécheurs qui se gavent. Les requins de récif reviendraient, et la biomasse de la réserve pourrait enfin se reconstituer.

tof
tof
5 ans

quel bonheur ce serait si ce parc a requins existait.on vivrait des grands moment de plongée.Une nouvelle activité touristique pourrait même se développer.

Rigaga, depuis son mobile
Rigaga, depuis son mobile
5 ans

Bonjour. Remplacez maintenant mer par montagne dans votre prose et comptez le nombre de morts en 8 ans sur les sentiers et dans les canyons Réunionnais. La mer est plus la place du requin que de l'homme en effet. Ça vous choque ? Vous voulez réclamer des branchies à l'état ?

zaigrettes
zaigrettes
5 ans

article très bien écrit qui résume bien la situation ubuesque dans laquelle se trouve notre ile depuis de trop nombreuses années. Une solution toute simple et peu couteuse existe pourtant; autoriser les drumlines dans le périmètre de la Réserve marine, en face des plages populaires. Ce que refuse pour le moment le comité scientifique de la Réserve, véritable parc à requin.