Débutée le 1er février, la phase d'étude se heurte à l'absence des prédateurs

Vigies-requins : en attendant les squales...

  • PubliĂ© le 18 mars 2014 Ă  05:00
Vigie requins

Le 1er février 2014 a démarré la phase de terrain de l'étude sur l'efficacité des vigies-requins renforcées, portée par la ligue de surf en collaboration avec l'IRD. Depuis un mois et demi, au large de la plage des Roches Noires de Saint-Gilles-les-Bains, scientifiques et plongeurs tentent d'observer et de mesurer l'effet répulsif de la présence des vigies, grùce à un dispositif innovant muni d'une dizaine de caméras sous-marines. Un travail de longue haleine, nécessitant de nombreuses heures de travail mais surtout beaucoup de patience. Car si l'objectif est d'atteindre une vingtaine d'interactions entre une vigie et un requin, les squales - pourtant présents aux alentours - se font trÚs discrets dans la zone d'étude...

Il est 14 heures ce lundi 17 mars 2014. Le bateau de l’équipe chargĂ©e de l’étude sur l’efficacitĂ© des vigies-requins arrive sur la zone de test, autour de la bouĂ©e des Roches Noires, Ă  prĂšs de 300 mĂštres du rivage, face Ă  la plage. À son bord, Antonin Blaison, spĂ©cialiste du comportement des requins Ă  l’IRD et directeur de l’étude, Juliette Robert, coordinatrice du programme et collaboratrice de l'IRD, et des membres de la ligue de surf.

Depuis le 1er fĂ©vrier, leur activitĂ© quotidienne consiste Ă  mettre Ă  l’épreuve le dispositif et son effet rĂ©pulsif sur les squales, dans le but de le pĂ©renniser afin de sĂ©curiser les spots de surf. Dans un carrĂ© de 30 mĂštres de cĂŽtĂ© cernĂ© de camĂ©ras, il s’agit de tenter de provoquer – d’ici fin avril – une vingtaine d’interactions entre une vigie (un apnĂ©iste) et un requin afin d’obtenir des donnĂ©es fiables sur la rĂ©action des prĂ©dateurs. Ils sont Ă©paulĂ©s pour cela par une trentaine de plongeurs bĂ©nĂ©voles se relayant Ă  leurs cĂŽtĂ©s.

Si le principe est a priori assez simple, sa mise en Ɠuvre s’avĂšre bien plus complexe. Surtout car jusqu’ici, aucun requin ne s’est prĂ©senté  Les dĂ©tections effectuĂ©es grĂące aux marquages indiquent bien leur prĂ©sence dans les environs, mais pas un n’a succombĂ© aux "attractants" installĂ©s au cƓur de la zone. "Pour l’instant ce n’est pas si alarmant que ça, car d’aprĂšs les donnĂ©es du programme CHARC le pic de prĂ©sence aux Roches Noires commence mi-mars, dĂ©but avril", estime toutefois Antonin Blaison. "On espĂšre que dans les prochains jours, on commence Ă  avoir des requins qui viennent au contact", ajoute-t-il.

"Ce n'est pas de l'appĂątage"

Ce lundi est ainsi une nouvelle journĂ©e d’espoirs. Depuis un mois et demi, l’impatience grandit de pouvoir enfin observer une interaction entre une vigie et un requin. Mais les contraintes sont nombreuses et le comportement d’un animal sauvage difficilement prĂ©visible. Alors il faut prendre son mal en patience.

Comme chaque jour, le protocole dĂ©bute par une premiĂšre plongĂ©e pour Ă©tudier la visibilitĂ©. Ce lundi en dĂ©but d'aprĂšs-midi, l’eau est claire en profondeur, mais trop Ă©paisse en surface pour installer les camĂ©ras. Il faut attendre.

Vers 15 heures, les conditions sont rĂ©unies. Les plongeurs retournent Ă  l’eau, munis de corps morts Ă©quipĂ©s chacun de deux camĂ©ras. Mais le courant est fort, l’installation n’est pas aisĂ©e, demande du temps et des efforts.

Une fois la tĂąche finalement accomplie, il est alors temps de placer les "attractants" au cƓur du carrĂ© d’étude : un attractant auditif – un enregistrement de bruits de carangue – et un attractant olfactif – des maquereaux disposĂ©s dans un tambour de machine Ă  laver. "Le but n’est pas d’attirer les requins, mais seulement de forcer ceux qui sont dĂ©jĂ  sur place Ă  faire un dĂ©tour", explique Julie Robert. "Ce n’est pas de l’appĂątage", insiste-t-elle. "Il n’y a pas d’accĂšs Ă  la nourriture, mais uniquement des odeurs et des sons."

La pollution, un nouveau paramĂštre

Tout le dispositif est installĂ©, mais il faut encore patienter, le temps que les odeurs de poisson se diffusent. Si un requin se prĂ©sente, un mannequin sera immergĂ© pour tester la rĂ©action du squale. Vers 16h30, les plongeurs redescendent pour une vĂ©rification, camĂ©ras vissĂ©es sur la tĂȘte. Mais ils n’auront rien Ă  filmer, si ce n’est des dizaines de poissons morts flottants Ă  la surface, de plus en plus nombreux ces jours derniers. Cette pollution dont l’origine est encore indĂ©terminĂ©e est un nouveau paramĂštre Ă  prendre en compte. L’équipe n’avait sans doute pas besoin de ça.  "Ça n’a jamais Ă©tĂ© aussi sale
", constate d’ailleurs Antonin Blaison.

Vers 16h50, la pluie commence Ă  tomber, la visibilitĂ© redevient mauvaise. DĂ©cision est prise de relever les camĂ©ras et les attractants. La premiĂšre interaction ne sera pas pour ce lundi, mais il reste encore Ă  visionner – comme chaque soir – les vidĂ©os enregistrĂ©es.

Attendre, c’est le lot quotidien des membres de l’étude. Mais c’est toute l’histoire des vigies-requins qui est une affaire de patience. NĂ© en 2012 Ă  l’initiative de la ligue de surf Ă  l’Etang-SalĂ©, le dispositif avait offert quelques promesses d’efficacitĂ©. Mais une mission interministĂ©rielle avait jugĂ© l’annĂ©e suivante qu’il ne prĂ©sentait pas suffisamment de garanties, notamment sur la sĂ©curitĂ©. Manquait Ă©galement une caution scientifique et technologique.

C’est en ce sens qu’a Ă©tĂ© lancĂ©e cette Ă©tude des vigies "renforcĂ©es", avec de nombreuses camĂ©ras et l’apport de l’IRD. Si l’équipe parvient Ă  obtenir suffisamment d’interactions probantes, le dispositif sera Ă©tendu aux diffĂ©rents spots de surf avec l’objectif de relancer les activitĂ©s nautiques. À terme, les vigies pourraient Ă©galement ĂȘtre Ă©quipĂ©es de pistolets rĂ©pulsifs.

Devenir un "modÚle" dans la réduction du risque

On n’en est pas encore lĂ , mĂȘme si Fabienne Couapel-Sauret, vice-prĂ©sidente de la RĂ©gion – qui finance le projet Ă  hauteur de 85 % –, veut se montrer optimiste. "On sait qu’il y a des requins marquĂ©s et d’autres non marquĂ©s autour du littoral de La RĂ©union, donc il appartient aux pouvoirs publics de mettre les moyens pour prendre des mesures efficaces pour rĂ©duire le risque requin, et j’estime que vigie-requin fait partie des meilleures solutions aujourd’hui", confie-t-elle. "À travers vigie-requin, on montre le modĂšle que peut devenir La RĂ©union dans la rĂ©duction du risque requin", poursuit-elle.

Si le systĂšme des vigies a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© ponctuellement utilisĂ© en Australie, seule La RĂ©union envisage en effet de l’installer de matiĂšre pĂ©renne pour sĂ©curiser des spots de surf. Mais encore faut-il des garanties. Si les membres de l’équipe chargĂ©e de l’étude ne dĂ©sespĂšrent pas, atteindre la vingtaine d’interactions nĂ©cessaires d’ici la fin avril apparaĂźt malgrĂ© tout compliquĂ©.

L’étude pourrait alors ĂȘtre prolongĂ©e, ce qui nĂ©cessiterait de nouvelles discussions entre les diffĂ©rents partenaires. Les surfeurs n’ont peut-ĂȘtre pas encore fini d’attendre


Guilhem George pour www.ipreunion.com

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9 Commentaires
eric
eric
11 ans

une nouvelle fois cela montre que c'est un animal difficilement saisissable, le rendant encore plus dangeureux. Il ne sert a rien d'essayer d'anticipĂ© un animal sauvage, faut juste sortir les plus gros et accidentogĂȘne a la cote.

Danlemotdit
Danlemotdit
11 ans

Ah ! Si seulement ce programme pouvait constituer une solution satisfaisante : une forme de sécurité permettant la reprise des activités ( je suis plongeur, mais je pense aux surfeurs et aux écoles concernées) sans la frustration énorme qu' infligent les "prélÚvements"; sans parler de redorer l'image de l'ßle auprÚs des touristes que nous avons besoin d'accueillir et de certaines commentatrices un peu désastreuses... Ca ferait au moins une bonne nouvelle...

Danlemotdit
Danlemotdit
11 ans

Ah ! Si seulement ce programme pouvait constituer une solution satisfaisante : une forme de sécurité permettant la reprise des activités ( je suis plongeur, mais je pense aux surfeurs et aux écoles concernées) sans la frustration énorme qu' infligent les "prélÚvements"; sans parler de redorer l'image de l'ßle auprÚs des touristes que nous avons besoin d'accueillir et de certaines commentatrices un peu désastreuses... Ca ferait au moins une bonne nouvelle...

aterla
aterla
11 ans

Je suis curieux de connaßtre le montant du budget accordé par la région.

requinours
requinours
11 ans

ben là ouais, c'est sûr,avec ce genre d'initiatives, les surfeurs n'ont pas fini d'attendre ....

oups jai vomis!!!!
oups jai vomis!!!!
11 ans

Quelle beau foutage de geulle de la part de nos apprentis sorciers quand meme, 130000 euros pour les attireés a la cote, moi je dis bravo !

ticoq
ticoq
11 ans

cette expérimentation est vouée à l'échec
Alors que la prolifération est avérée... paradoxalement, 20 interactions relÚvent du fantasme scientifique...
nos requins sont des tueurs extrĂȘmement mĂ©fiants, arrĂȘter de gaspiller l'argent des contribuables...
nous ne sommes pas dans un lagon en Polynésie ou les requins de récifs viennent en grand nombre à la rencontre des humains...
A quand le dĂ©but des actions de pĂȘche ?

poissons, depuis son mobile
poissons, depuis son mobile
11 ans

Tres bon article et super photos le boulot des ces benevoles est FORMIDABLE

marc lebolck
marc lebolck
11 ans

Ne nous avait-on pas imposĂ© l'idĂ©e d'une prolifĂ©ration de requins tout autour de la rĂ©union? ConstatĂ©e par tous les usagers de la mer? Pourtant, toutes les opĂ©rations encadrĂ©es scientifiquement parviennent au mĂȘme constat: des requins y en a pas tant que ça....
Nous aurait-on menti pour des interets trĂšs particuliers?