Les JO en ligne de mire

Escalade : le sport qui grimpe, qui grimpe...

  • Publié le 11 février 2024 à 07:14
  • Actualisé le 11 février 2024 à 07:31

Avec quatre athlètes en course pour la qualification olympique à Paris, l’escalade réunionnaise prouve son dynamisme. Un modèle qui s’appuie sur des infrastructures modernes et une politique de formation tournée vers le haut niveau. Décryptage (Photo rb/www.imazpress.com)

En cette année olympique, quel sport dans le paysage réunionnais abrite le plus de talents potentiellement sélectionnables pour Paris 2024 ? Cherchez bien, la réponse se trouve peut-être là où vous ne l’attendiez pas. En tout état de cause, elle n’est ni du côté de la gymnastique ni du handball, fleurons du sport local, dont dix athlètes pas moins, étaient présents à Sydney lors des JO de l’an 2000.

Pour Paris 2024, si vous cherchez toujours la réponse, c’est l’escalade (avec l’athlétisme) qui suscite peut-être le plus d’espoirs de représentation.

Une grimpeuse a déjà sa qualification en poche. Il s’agit d’Oriane Bertone, l’étoile montante de la discipline. Mais trois autres Réunionnaises sont également en course pour ces JO : Fanny Gibert et Manon Hily en combiné (bloc + difficulté) ainsi que la jeune Manon Lebon, bientôt dix-neuf ans. De quoi rendre jaloux d’autres sports, pourtant mieux lotis en termes de licenciés.

Mais confidentielle ou pas, l’escalade poursuit son petit bonhomme de chemin depuis vingt-cinq ans, en s’appuyant sur un modèle qu’elle a développé depuis le carrefour des années 2000, avec l’avènement de Caroline Ciavaldini. Championne du monde chez les jeunes, cette dernière fut la première grimpeuse formée à la Réunion à percer au plus haut niveau international. Elle venait du sport scolaire, l’embryon de la future réussite.

Car ce sont bien quelques profs fondus de ce sport qui ont inspiré le modèle. Ils étaient en poste au collège et au lycée de Saint-Charles, au collège de la Pointe des Châteaux à Saint-Leu, à Saint-André. Ils ont formé des tas de grimpeurs par passion, qui ont ensuite essaimé sur tout le territoire.

Ces profs eurent le mérite de créer une passerelle avec les clubs existants, en en devenant parfois les entraîneurs ou les dirigeants. Et ce lien tissé entre l’école et le milieu associatif eut un effet boule de neige sur la pratique, que la Ligue réunionnaise d’escalade accompagna.

Mais fallait-il à l’époque avoir les infrastructures adéquates pour accueillir tous ces marmays en demande ? Petit à petit, des projets se concrétisèrent.

"En fait le déclencheur, ce furent les coupes du monde de bloc de 2007 et 2008, que nous avons organisées à Saint-Leu, explique Philippe Gaboriaud, le directeur du pôle espoirs et conseiller technique de la Ligue. Il fallait se doter d’infrastructures qui soient à la hauteur de l’événement."

"On peut consommer de l’escalade toute l’année"

Un fronton de bloc fut acheté. Il est aujourd’hui, à demeure à la Chaloupe Saint-Leu. Propriété de la Ligue, comme le mur de vitesse de Stella, il est un outil de haut niveau, capable de recevoir de grandes compétitions nationales et internationales. Et il n’est pas le seul sur l’île.

Le mur de l’Université de la Réunion au Tampon, avec ses dévers et ses profils pleins de technicité, a également les atouts d’un mur moderne. Enfin, celui du gymnase Bédier à Saint-André, plus de quinze mètres de haut, est un bel objet en fonctionnement depuis août 2023. Si bien que l’"on peut consommer de l’escalade toute l’année", se félicite Philippe Gaboriaud.

Et surtout presque partout sur l’île : l’ouest, le sud et l’est.

Avec de tels outils, financés par l’État et les collectivités locales, l’escalade réunionnaise peut donc se consacrer pleinement à la formation. Avec des clubs qui se sont progressivement détachés du seul vivier scolaire pour recruter eux-mêmes.

"Aujourd’hui, on récupère les marmays à quatre-cinq ans, bien plus tôt qu’on ne le faisait avec l’UNSS", explique Philippe Gaboriaud, qui a mis en place en tant que responsable du pôle, une véritable politique tournée vers le haut niveau, où staff régional et entraîneurs de clubs dialoguent.

"Les entraîneurs investis sont rattachés à l’équipe régionale de la Ligue, poursuit-il. Ils peuvent être co-encadrants lors des déplacements sur les compétitions nationales. Ils découvrent ainsi sur place le niveau général requis. Et l’expérience qu’ils engrangent, ils la réinvestissent ensuite dans leur club."

De la même manière, Philippe Gaboriaud est lui-même co-encadrant des équipes de France jeunes, présent sur le circuit mondial seniors. Il a donc tissé sa toile un peu partout sur la planète et peut en faire profiter le milieu de l’escalade péi.

"On noue des contacts avec les entraîneurs nationaux et étrangers, dit-il. L’équipe olympique de Pologne arrivera ainsi d’ici une semaine chez nous. Ces liens que nous tissons lors de nos déplacements nous permettent d’être au cœur du réacteur du haut niveau, d’en connaître l’environnement et les exigences afin de le réinvestir dans l’entraînement de nos athlètes. On ne les met pas juste dans l’avion pour des stages à l’autre bout du monde en attendant leur retour. Ça, ce serait l’échec assuré."

Comme le départ précipité des meilleurs éléments de la Ligue vers les pôles France.  "On s’est aperçu que cela ne marchait pas, prolonge-t-il. Ils ne s’adaptaient pas à l’environnement métropolitain."

- "Nous gardons nos jeunes jusqu’au bac"

Sous la férule de Patrice Nominé puis de Juliette Payet, la Ligue a donc réagi en reconsidérant sa politique d’accès au haut niveau."Avec cet ancien modèle, il y avait des carrières avortées. Aujourd’hui, nous gardons nos jeunes auprès de leur famille, le plus tard possible, jusqu’au bac", précise Philippe Gaboriaud.

Pour son élite locale, la Ligue a signé une convention avec le Rectorat et les établissements de Marcel Goulette et Stella. Les apprentis champions sont dans des classes à horaires aménagés. Mais ils partent dès que possible, en stage à l’extérieur de l’île.

"A la Réunion, on n’est pas dans une réalité de haut niveau permanente, explique Philippe Gaboriaud. C’est une idée fausse. On a donc mis en place des stages hors du département, pour que nos jeunes se confrontent à la concurrence, tout en ayant accès aux meilleurs sites d’entraînement en métropole, à Voiron, à Karma, où ils côtoient les équipes de France."

Le résultat c’est que l’escalade sort encore des joyaux : Marius Gaboriaud-Payet vice-champion du monde chez les U18 en vitesse, Max Bertone champion du monde U16 de difficulté et Noam Louvet vice- champion de France U12 du combiné. Comme une ritournelle.

fp/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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