À 50 ans, avec un palmarès à faire rougir n’importe quel boxeur en pieds-poings (plusieurs fois champion du monde en boxe thaï et de kick boxing), Kamel Jemel pourrait légitimement aspirer au calme. Installé à La Réunion depuis 4 ans, il entraîne désormais des jeunes combattants de notre île, mais également l’une des stars françaises du MMA, Benoit Saint-Denis. Entretien inspirant avec celui qu’on surnommait "Mister Dynamite" (Photo rb/www.imazpress.com)
Si vous avez l’habitude d’aller nager à la piscine municipale du Port, sur le front de mer, vous avez peut-être remarqué des boxeurs à l’entrainement sous le banian.
Ce que vous ignorez peut-être, c’est que l’entraîneur de ces boxeurs est un grand Monsieur de la boxe pied-poings française, plusieurs fois champion du monde de boxe thaï et de kick boxing, dans la catégorie des super légers, un des catégories les plus disputées et dominées longtemps par les Thaïlandais.
Entre 1990 et 2013, Kamel Jemel a réalisé pas moins de 191 combats professionnels et enregistré 180 victoires, dont 100 par KO !
Le magazine Siam Fight Mag, la référence de la boxe thaï résumait sa personnalité par une formule lapidaire : "un V8 qui carburait à la nitro".
A La Réunion, ce puncheur est surtout connu et respecté pour ses deux combats gagnés contre un autre champion du monde (de boxe française), Johnny Catherine, en novembre 2003 et en juillet 2004, quelques mois avant que ce dernier soit assassiné par une dizaine de jeunes de son quartier de Saint François (Saint Denis).
Le Stade de l’Est était plein à craquer les deux fois et tous les amateurs de sports de combat de l’île s’en souviennent encore. Mieux : ces deuxcombats ont inspiré de nombreux jeunes Réunionnais et les ont incité à prendre le chemin de la salle.
C’est à l’ombre du banian de la piscine du Port que nous avons retrouvé Kamel Jemel, entre deux séances d’entrainement, avec un des talents qu’il coache aujourd’hui. L’entraineur est exigeant, sa voix forte et ses réflexes toujours présents. Mais c’est surtout son humilité et sa simplicité qui impressionnent.
- "A La Réunion, les sports de combat, c‘est une tradition" -
Imaz Press : Ca fait 4 ans que vous vous êtes installé à La Réunion, au Port. Pourquoi ce déménagement ? Et qu’est-ce que vous faites aujourd’hui ?
Kamel Jemel : C’est un mélange de plusieurs choses. Un peu le cœur, puisque je vis avec une Réunionnaise depuis quelques années. La conséquence des confinements de 2020 aussi. Et puis, les changements dans le monde des sports de combat. J’étais commentateur sportif pour Canal + puis RMC Sports, on faisait 20-30 galas de pied-poings par mois et le MMA est arrivé, il a pris toute la place. Tant mieux, mais le pieds-poings a beaucoup souffert… L’ensemble m’a incité à changer d’horizon.
Aujourd’hui, je donne des cours collectifs dans les deux salles de Sweet Jab Boxing, à Saint Denis et Sainte Marie. Je coache plusieurs combattants réunionnais en privé, ici pour l’instant (sur le parking de la psicine du Port - ndlr). Je cherche une salle entre Saint Paul, La Possession, Le Port pour pouvoir donner des cours collectifs.
J’ai été coach pendant plusieurs années dans la plus belle salle d’Europe, le Venum Training Camp : j’aimerais proposer ici un concept de salle propre, accessible à tous. Je fais également partie du staff qui encadre Benoit Saint-Denis (une des stars montantes du MMA français) depuis un an.
Imaz Press : Quel est votre meilleur souvenir de votre carrière ?
Kamel Jemel : Ce n’est pas un combat. C’est quand un éducateur de quartier, Rachid Bakouche, est venu nous voir, une vingtaine de gamins de Rosny-sous-Bois qui s’ennuyaient et commençaient à faire des bêtises.
Il nous a offert l’inscription à une salle de boxe thaï. C’est la première fois que je suis tombé amoureux ! Tous les autres ont lâché, mais moi j’ai continué. J’étais passionné. Je me suis investi à 2000 %. J’arrivais 4 heures avant l’ouverture de la salle. Je m’entrainais tous les jours, même blessé, même les lendemains de matchs. Je suivais les régimes à la lettre. C’est cette passion que j’essaye de transmettre aujourd’hui.
Imaz Press : Et le pire
Kamel Jemel : Ce n’est pas un combat non plus. C’est une opération au genou droit qui m’a écarté des rings pendant 2 ans en 1992-93 (pour un genu varum aigu qui lui a laissé une belle cicatrice, ndlr). J’ai vécu de mauvais moments en combat, mais ce ne sont pas de mauvais souvenirs : j’ai appris de chacun de ces moments.
Imaz Press : Vous êtes né à Paris en 1974 de parents tunisiens. Vous avez grandi en banlieue à l’époque où l’immigration recommençait à être un "problème" en France. Vous avez été l’un des premiers farang (étranger) à aller s’entrainer dans des camps de boxe thaï à Pattaya. Maintenant, vous vivez à La Réunion. Vous n’avez pas le sentiment d’être toujours un étranger quelque part ?
Kamel Jemel : Je n’ai pas ressenti le racisme en France pendant mon adolescence. Je ne l’ai pas ressenti non plus en Thaïlande. Quand les entraineurs et les combattants thaïlandais voient que tu travaillent comme eux, que tu souffres comme eux, ils te respectent. Paradoxalement, c’est à La Réunion que je l’ai ressenti. Pas de la part de 99,99% des Réunionnais.
Mais de quelques personnes dans le milieu de la boxe réunionnaise. En 2023, le kick boxing était pour la première fois au programme des Jeux des Iles de l’Océan Indien. Personne ne voulait prendre le poste de sélectionneur de l’équipe de La Réunion. J’ai été nommé à la dernière minute, j’ai accepté le challenge au pied levé. Et j’ai vu passer des mails où l’on me critiquait, malgré les bons résultats qu’on a ramené, avec pour argument : « Il n’est pas de chez nous… ».
- Imaz Press : Quels sont vos projets pour 2025 ?
Kamel Jemel : Je vais bientôt retrouver Benoit Saint-Denis pour l’entrainer sur des combinaisons tactiques. Je travaille sur ce projet de salle de boxe pieds-poings pour pouvoir entrainer une team de talents réunionnais. I
ls ont tous un gros cœur. Il leur manque juste des combats à l’extérieur pour améliorer leur technique. Si je peux donner envie à ces gamins, partager mon expérience, transmettre ma passion et leur permettre de devenir des champions à leur tour...
Dans le même esprit, si une mairie veut s’occuper d’un quartier et de ses jeunes, avec un animateur expérimenté et pédagogue, je suis partant !
xl/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
Super moment. Bien travail.
Très professionnelle.
Vraiment exceptionnelle