[PHOTOS] En bronze aux Jeux Paralympiques de Paris

Jason Grandry, le judoka non-voyant aux multiples médailles en visite à La Réunion

  • Publié le 8 février 2025 à 02:59
  • Actualisé le 8 février 2025 à 07:35

Jason Grandry, médaillé de bronze aux derniers Jeux Paralympiques de Paris en para judo, dans la catégorie reine des poids lourds, est en mission à La Réunion depuis 15 jours. Il affiche un physique et un palmarès spectaculaires. Mais ses qualités humaines sont encore plus bluffantes : les jeunes licenciés du Judo Club de Saint-Louis ont pu l’apprécier ce jeudi soir 6 février 2025 (Photos : sly/www.imazpress.com)

Dans le vestiaire du gymnase Hegesippe Hoarau, à la Rivière Saint-Louis, un judoka enfile son kimono. Son physique est impressionnant : une barbe de bucheron, le crâne rasé sur les côtés et des tresses blondes sur le dessus, 1m80 de haut mesuré, autant en largeur ressenti, 115 kg posés sur des "molé kok".

Et pour compléter la panoplie de guerrier viking, des "tatouages qui représentent (sa) vie" : deux  marquisiens sur le bras droit de toute beauté (on apprendra plus tard qu’il les a fait réaliser sur "l’île de feu", autrement dit, Ua Pou ; le plus large, sur son épaule, a nécessité… 18 heures de travail), un tahitien sur le mollet gauche, un tribal breton entre les deux omoplates et son premier sur le bras gauche "réalisé par un copain ex-taulard".

Pendus aux crochets du vestiaire, au-dessus de son sac, trois accessoires qui symbolise sa vie : une ceinture noire (4e dan), une médaille des derniers JO de Paris et une canne blanche rétractable.

- Jason Grandry remporte son dernier combat remporté sur ippon en 29 secondes -

On a oublié de vous dire que cet athlète est non-voyant. Jason Grandry est en effet né aveugle, suite à plusieurs erreurs médicales, dont une péridurale mal dosée.

Et il a remporté la médaille de bronze aux Jeux Paralympiques de Paris en septembre dernier, dans la catégorie reine des plus de 90 kg (poids lourds). Un dernier combat remporté sur ippon en 29 secondes.

Certains y ont vu un clin d’œil à son département d’adoption, le Finistère. C’était ses premiers Jeux. Mais pas ses premières médailles : il a terminé 2 fois sur la troisième marche du podium aux championnats du monde 2022 et 2023, 2 fois troisième également aux championnats d’Europe en 2023 (en individuel et par équipe).

Le palmarès officiel ne le mentionne pas, mais Jason a également ramené à la France cinq médailles de différentes Coupes du Monde. Et là, il s’entraîne déjà… "pour les prochains Jeux de Los Angeles en 2028".

- La gentillesse, la générosité, la modestie, la joie de vivre et l’humour -

Mais pour être honnête, l’homme nous a encore plus impressionné que son palmarès et son physique réunis. La gentillesse, la générosité, la modestie, la joie de vivre et l’humour de Jason Grandry sont aussi désarmants que ses balayages. Les enfants et les adultes du Judo Club de Saint Louis ont pu l’apprécier hier soir.

Comme les pratiquants d’une douzaine de clubs de judo où il a animé des entrainements, mais aussi les détenus de la prison du Port, les enfants des 3 antennes de l’IRSAM (Institut Régional des Sourds et Aveugles)… "Je fais 6 à 9 heures de judo par jour depuis que je suis arrivé. C’est épuisant de s’entraîner par cette chaleur. Et je n’ai pu emmener que 2 kimonos dans mes valises…", reconnaît-il en enfilant son kimono encore trempé du précédent entraînement à Saint-Pierre.

"Mais je fais ce que j’aime le plus : transmettre. Échanger avec d’autres judokas, apprendre d’eux pour m’améliorer, leur permettre de bénéficier de mon expérience".

A 36 ans, Jason Grandry est professeur de judo, sans différence apparente avec les voyants. A la question classique "comment vous faites pour savoir quand votre opposant est déséquilibré ?", il répond du tac-au-tac : "Parce que ça fait 31 ans que je pratique le judo tous les jours ! Tu ressens le moment où il part, je t’assure". Et pour les limites du tatami ?

"Au début, mon entraineur me faisait marcher autour, puis prendre les diagonales. Maintenant, je sens la différence de texture entre les dalles du tatami et de l’extérieur".

Jason Grandry en a fait une démonstration bluffante de simplicité hier aux plus jeunes du Judo Club de Saint-Louis, chapotés par les deux entraineurs Dylan Marot et Fabien Homs (ce dernier étant également référent du para judo à La Réunion), avant d’animer l’échauffement et des randori.

- Jason Grandry a gravi le cratère Dolomieu -

Il nous a encore une fois "séché" quand on lui a demandé ce qui l’avait le plus marqué depuis son arrivée sur l’île. Pas l’odeur des mangues ou des épices des marchés, ni un cari créole dont il raffole pourtant. Non : "le volcan".

Jason Grandry a en effet gravi le cratère Dolomieu dimanche dernier. "8 heures aller-retour : ça laisse le temps de faire plein d’introspections".

C’était la première fois que notre volcan voyait un non-voyant. Seuls ceux qui ont trébuché une fois sur les gratons ultra-agressifs du volcan peuvent apprécier la performance ! "Et puis aussi le fait qu’il n’y a pas d’histoires de religions. J’aime bien la mentalité ici" rajoute Jason, tout sourire.

Cet homme est surprenant. Il a des amis partout : "des ex-taulards, un ministre, plein de judokas, parmi lesquels le Brésilien Wilians Silva de Araujo et l’Azerbaidjanais Ilham Zakiyev". On lui souhaite de retrouver ces beaux bébés (respectivement 180 et 150 kg) à Los Angeles, dans 3 ans et 6 mois.

xl/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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