Bonne nouvelle ou hérésie...

Trail : 4.000 euros de prime au vainqueur, le prize-money qui fait jaser

  • Publié le 21 mars 2024 à 13:00
  • Actualisé le 21 mars 2024 à 13:18

Dans le petit monde du trail local, la question du prize-money sur les courses refait surface. Le débat a été relancé depuis que le futur organisateur de l’Ultra-trail des Géants a annoncé qu’il donnerait 4 000 euros au futur vainqueur de sa course programmée, pour l’instant, le 2 mai 2024. Cette annonce a fait bondir certains organisateurs. Ils considèrent que le montant du prix dénature l’esprit de ce sport de partage. D’autres pensent au contraire que c’est une bonne nouvelle pour les coureurs locaux (Photo www.imazpress.com)

 C’est parti d’un chiffre qui a fait jaser. L’organisateur de l’Ultra-trail des Géants - départ de Saint-Philippe, arrivée à Saint-Paul -. proposait 4.000 euros aux vainqueurs garçon et fille de sa future course. Elle doit se dérouler le 2 mai 2024, sous réserve qu’il obtienne les autorisations de la part des pouvoirs publics et en particulier de l’ONF et du Parc National des Hauts.

4 000€ de prize-money : du jamais vu, de mémoire de traileur ! Une somme qui a dès lors alimenté le débat sur les réseaux sociaux, en même temps qu’il faisait naître les comparaisons enflammées, entre cet Ultra des Géants, néophyte sur le circuit et la Diagonale des Fous, véritable mythe à La Réunion.

S’il est en effet une institution dans le paysage local, avec ses 7.000 participants et ses 14 millions d'euros de retombées économiques, le Grand-Raid se tient par contre à l’écart de l’inflation en matière de prize-money.

La prime versée au vainqueur de la Diagonale des Fous reste très en deçà des sommes allouées sur d’autres Ultras.

- 10.000€ de prize-money pour l’Ultra-trail du Mont-Blanc -

A titre d’exemple, l’Ultra-trail du Mont-Blanc offre 10.000€ de prize-money au vainqueur, pendant que la Diagonale en donnait 1.000 euros jusqu’à présent et sans doute bientôt 1.200 euros en 2024, sous réserve que la proposition soit entérinée par le comité directeur de l’association.

Un écart que Pierre Maunier, son président, justifie par la volonté de préserver "l’esprit sportif", au détriment de "l’appât du gain" Pour lui, quand l’argent s’emmêle, ce n’est jamais un bon présage pour le sport.

"Le Grand-Raid a une image que l’on ne peut pas galvauder. Cette image est celle d’une course familiale, reconnue mondialement, mais où l’on ne vient pas pour y gagner de l’argent" dit-il.

Quand l’association Grand-Raid parvient à faire des bénéfices, comme ce fut le cas par le passé, "c’est pour que cet argent soit tout de suite réinvesti", dans plusieurs dispositifs, déclare son patron.

"On ne se le met pas dans les poches", insiste Pierre Maunier. "On le réinjecte aussitôt dans les tapis de chronométrage, les moyens de télécommunication, de contrôle des coureurs, les tee-shirts, les casquettes, les survols en hélicoptère, le médical", énumère-t-il, afin de satisfaire au mieux les exigences de tous les coureurs, améliorer leur bien-être, et pas seulement celui d’une poignée de stars, à travers un système de récompenses en numéraires exponentiel.

En cela, l’Ultra-trail des Géants développe une philosophie un peu différente, tout en se gardant bien de vouloir venir concurrencer le Grand-Raid.

"La Diagonale est une course mythique, qui existe depuis trente ans", rappelle Hassen Patel, l’organisateur. "Il n’est nullement dans nos intentions de la concurrencer. D’ailleurs, je pense qu’il y a largement la place pour deux Ultras de 160km à la Réunion. Simplement, à l’association Culturelle et Sportive de La Réunion, nous avons fait le constat suivant : le coureur de trail est méritant, il prend des risques, dans un sport dangereux, qui coûte cher en termes d’équipement" ajoute-il.

"A partir du moment où nous dégagions un surplus d’argent dans notre budget grâce à nos partenaires et que nous n’avions pas vocation à nous enrichir en tant qu’association, il nous est apparu logique de donner de l’argent en guise de récompense aux coureurs" dit-il encore

-"Il est hors de question pour nous de donner une enveloppe d’argent" -

Après tout, ajoute les partisans du prize-money, les vainqueurs de marathons huppés touchent entre 30.000 et 50.000 euros, voire plus en certaines occasions, en cas de victoire. 

"Moi, je ne suis pas choqué par ces 4.000 euros donnés au vainqueur", confie Christopher Camachetty, coureur local bien connu. "Vu l’investissement en termes d’entraînement que nous y mettons, les sacrifices familiaux que cela engendre, plus les frais d’inscription et d’équipement, cette prime ne me paraît pas exorbitante. Elle est même assez relative si l’on compare aux millions distribués dans d’autres sports" note le sportif.

Cependant, d’autres voix s’élèvent pour dire qu’elles sont contre la surenchère en matière de primes, dans le trail local.

C’est le cas de certains organisateurs tels que Joël Chenin. Ce dernier s’occupe du trail de Cap Volcan entre autre. "Nous donnons 100 euros à chaque vainqueur homme et femme, sous forme de bons d’achat" , dit-i.

"Il est hors de question de donner une enveloppe d’argent. Ce n’est pas notre philosophie. Même si nous avons bien conscience que le trail est en pleine mutation, qu’il brasse de plus en plus d’argent via les sponsors notamment, je trouve qu’à la Réunion, ce n’est pas bien de faire monter les enchères en matière de prize-money. Ce n’est pas bien vis-à-vis des petites organisations notamment" estime Joël Chenin


Il craint en effet que les coureurs se détournent dans le futur de ces courses qui ne proposent que de modestes lots, si le phénomène des prize-money venait à prendre de l’ampleur.

"En tout état de cause, notre idée de départ à l’association est que si l’on dégage un bénéfice, nous le réinvestissions dans l’achat de matériel, la logistique de la course, pour que cela profite au plus grand nombre. Notre philosophie, c’est le trail pour tous, pas pour une seule personne aussi forte soit-elleé-" souligne-t-il.

Patrick Delgard, organisateur du Trail de Minuit abonde : "’offre 500 euros au premier Mais c’est presque symbolique. Je préfère donner des récompenses sous forme de dotations comme des billets d’avion plutôt qu’en numéraire. Et puis, je reste convaincu que ce n’est pas l’argent qui attire la majorité des coureurs dans nos courses".

- " Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas récompenser la passion" -

Thomas Lecointre est passionné de trail et coureur. Pour sa part, il ne pense pas que l’argent soit de nature à pervertir l’esprit du trail. Au contraire.

"Je comprends bien sûr que certains disent que l’arrivée des prize-money n’est pas forcément une bonne chose. Ils arguent du fait que le trail doit rester une passion. Mais personnellement, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas récompenser la passion justement" confie-t-il..

"Et puis, on regrette pour la plupart d’entre-nous qu’il n’y ait plus de vainqueur local du Grand-Raid depuis très longtemps (Pascal Parny fut le dernier Réunionnais à gagner la Diagonale en 2008, ndlr). Si on veut se donner une chance d’y parvenir à nouveau, je pense que la professionnalisation de la discipline est une piste à explorer" remarque Thomas Lecointre.

"Pour se battre à armes égales avec les coureurs extérieurs, ceux qui ont des sponsors et peuvent s’entraîner dans un certain confort mental, sans avoir à se préoccuper de la question de leurs revenus, il me semble en effet opportun de réfléchir à la manière dont on pourrait permettre également à nos coureurs locaux de s’entraîner davantage, en étant donc plus autonomes financièrement, afin de pouvoir prétendre un jour gagner à nouveau le Grand-Raid. Le prize-money est une des solutions parmi d’autres qui peut le permettre" détaille Thomas Lecointre

Reste que plusieurs personnes dont Christopher Camachetty mettent en garde le milieu du trail contre une escalade exagérée des primes.

"Autant je suis d’accord pour des primes qui soient correctes pour le monde amateur vu l’investissement de tous, conclut ce dernier, autant je me méfie aussi des conséquences d’une escalade dans l’augmentation des primes. Cela pourrait inciter certains coureurs à se doper. Or, il faut veiller à ce que le trail réunionnais reste propre" souligne Christopher Camachetty

fp/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Lesseps
Lesseps
1 an

Mr (supprimé pour prise à partie - Modérateur) fait partie de la team prudence créole qui alloue de généreuses récompenses à tous les équipiers… il est clair que pour eux la notion de coût d’un équipement trail ou inscription à des courses n’a pas la même saveur que pour les coureurs lambdas . Le trail ne leur coûte rien …On comprend qu’il ne soit pas contre un surplus pécunier ?????

Prouvost
Prouvost
1 an

Rien de vraiment choquant à ceci comparé à d'autres sports