Sans aller jusqu'Ă comparer JoĂ«lle Ecormier Ă Stendhal, l'Ă©crivaine joue Le rouge et le noir Ă la RĂ©unionnaise dans son roman B(r)aises (OcĂ©an Editions, juillet 2011). La Une de couverture l'affiche : titre, nom de l'auteur, illustrations associent les deux couleurs de l'amour et de la mort. Parce qu'on est Ă La RĂ©union, le volcan apporte son dĂ©cor et sa symbolique du feu qui embrase et dĂ©vore, qui purifie aussi les ĂȘtres dans une Ă©preuve de vĂ©ritĂ©. L'Ăźle tout entiĂšre est bien nĂ©e de ce jaillissement, le rouge des laves devenu roches noires.
Sur cette route des laves, encore fumante, plusieurs annĂ©es aprĂšs lâĂ©ruption dâavril 2007, deux amants errent dans une sorte de voyage au bout de lâamour oĂč les failles se creusent irrĂ©mĂ©diablement. Une Zorey, amatrice dâart et de sexe et un Kaf sentimental travaillant sur le chantier du Tremblet vivent dans leurs malentendus le " joli mythe du mĂ©tissage ". En mĂȘme temps, la Blanche insatiable et le Noir romantique renversent les stĂ©rĂ©otypes habituels, ceci dit en passant, sans lourdeur dĂ©monstrative.
De mĂȘme que lâauteur joue avec les couleurs, la construction du rĂ©cit alterne entre interrogatoire policier Ă la suite dâune disparition et dialogue entre amoureux en bataille, qui ressemble aussi Ă un interrogatoire sans fin et sans fond ! Plus Ă©pisodiquement, surgissent les Ă©clats dâune mĂ©moire douloureuse qui cache son secret.
Le style aussi mĂȘle un vocabulaire sexuel direct Ă une exploration fouillĂ©e de sensations et dâĂ©tats dâĂąme, avec un jeu dâĂ©chos permanent entre lâintĂ©rioritĂ© des personnages et les braises rouges, ou les laves noires et coupantes. Vapeurs et brouillard, chaud et froid nous glacent pareillement.
Si le volcan vous fascine, câest-Ă -dire vous attire et vous fait peur, si vous aimez descendre dans les gouffres sombres du cĆur humain, si vous aimez ces fins de roman oĂč tout sâĂ©claire, suivez JoĂ«lle Ecormier sur son chemin de b(r)aises !
DĂ©cidĂ©ment, le volcan est un thĂšme dâĂ©criture, en voilĂ un exemple de plus aprĂšs la rĂ©cente Ă©vocation du livre de Wilfrid Bertile sur les effets de lâĂ©ruption de 2007. On pourrait Ă©galement rappeler Le DĂ©fi dâun volcan, un essai de Jean-François Samlong inspirĂ© par la rĂ©volte du Chaudron de 1991 ou encore, dans un tout autre style, Le Volcan Ă lâenvers ou Madame Desbassyns le Diable et le Bondieu de Boris Gamaleya (1983)
Brigitte Croisier
