Economie ultra-marine

La Cour des comptes appelle à totalement réformer l'octroi de mer

  • Publié le 5 mars 2024 à 16:42
  • Actualisé le 5 mars 2024 à 18:18

Dans un rapport publié ce mardi 5 mars 2024, la Cour des Comptes estime que les impacts économiques de l'octroi de mer "apparaissent mitigés, voire pour partie négatifs" pour les collectivités ultra-marines. Elle appelle donc à une refonte complète de cette taxe appliquée à La Réunion, en Guadeloupe, Martinique, Guyane, et à Mayotte. La Cour propose, dans un premier temps, de réformer cette taxe afin de la rendre plus effective. Avec, au long cours, une possible substitution de l’octroi de mer par "une nouvelle ressource, qui pourrait s’appuyer sur le modèle de la TVA via notamment une TVA régionale". (Photo Port Est photo RB imazpress)

La question délicate de l'octroi de mer se pose une nouvelle fois, alors que le gouvernement souhaite revoir totalement son fonctionnement. Source de recettes majeures pour les territoires ultra-marins, l'idée d'une réforme a cependant été accueillie de façon plus que prudente à La Réunion.

"Toucher à l’octroi de mer, et le réformer sans que des études d’impacts sur tel ou tel scénario envisagé , n’aient été préalablement menées, c’est prendre le risque de déstabiliser les édifices fragiles des économies d’outre-mer" estimait en effet Huguette Bello en novembre 2023.

Malgré les réticences, la Cour des comptes estime aujourd'hui que l'octroi de mer "connait des problèmes sérieux de cohérence et d'efficience, et est marqué par une complexité excessive au regard des recettes collectées".

"Les impacts économiques de l’octroi de mer apparaissent (...) soit comme non décelables, soit, sur plusieurs aspects, comme mitigés, voire négatifs en termes d’efficience et de cohérence, en particulier sur le niveau des prix à la consommation" souligne le rapport. "L’effet de levier de l’octroi de mer sur le développement et le renforcement de la compétitivité des territoires d’outre-mer paraît quant à lui incertain" ajoute-t-il.

Si l'octroi de mer n'est, selon la Cour des Comptes, "qu'un facteur explicatif de la cherté de la vie dans les Outre-mer, parmi de nombreux autres (...) son effet est plus marqué sur certains biens et sur les populations les plus fragiles".

"Il participe dès lors à un cumul d’éléments négatifs sur le niveau des prix, dans un contexte où son assiette même (incluant les frais de fret et d’assurance) contribue de façon mécanique à la hausse des prix" remarque l'institution, soulignant que "de nombreux biens de première nécessité, non produits dans les départements et régions d’outre-mer, ou produits dans une proportion limitée, sont assujettis à des taux parfois très élevés".

Lire aussi : Comité interministériel des Outre-mer : l'octroi de mer au coeur des discussions

- Trois hypothèses avancées -

La Cours des comptes note que "l’impact négatif de l’octroi de mer sur certains services publics est par ailleurs avéré, avec un montant payé par ces derniers au titre des biens importés pour assurer leurs missions de 27 M€ au minimum en 2022 et de 159 M€ depuis 2017". Une charge qui a notamment "pesé sur les budgets des structures hospitalières déjà financièrement fragiles".

Pour résumer, si l'octroi de mer a "un impact positif sur le volume et le dynamisme des recettes des communes" et permet "une affectation massive aux dépenses de fonctionnement, sans impact fort sur les investissements", il s'agit aussi d'un "régime globalement instable et peu prévisible, marqué par une complexité excessive et une faible transparence".

Pensé pour protéger les Outre-mer, il a finalement "une contribution limitée à la compensation des handicaps ultramarins, par ailleurs porteuse de risques et d’incohérences. Ses effets économiques sur la compétitivité des entreprises bénéficiant du différentiel d’octroi de mer sont "non quantifiables et le plus souvent non avérés".

Dans ce contexte, la Cour des comptes a avancé trois hypothèses : le statu-quo, la rupture ou la réforme. La première hypothèse est "à écartée" selon l'institution.

Concernant le scénario de "rupture", la Cour détaille que cela "conduirait à substituer à l’octroi de mer une nouvelle ressource, qui pourrait s’appuyer sur le modèle de la TVA via notamment une TVA régionale". Cela nécessiterait une étude d’impact complète, mais "ce scénario ne saurait être écarté par principe à moyen et long terme". "Ses modalités pourraient faire l’objet d’une gradation (expérimentation ou non, temporalité, mesures d’accompagnement)" estime-t-elle.

Enfin, concernant le scénario "réformiste", la Cour souligne qu'il "ne saurait selon les juridictions financières se limiter à quelques mesures éparses et de faible portée mais appréhender d’un point de vue systémique les correctifs majeurs à apporter au régime actuel". Cinq paramètres interdépendants sont à prendre en compte, selon l'institution : "le coût de la réforme pour les finances publiques, la garantie des recettes pour les collectivités locales, les modalités de protection des productions locales exposées à la concurrence, le degré d’autonomie fiscale des collectivités régionales ultramarines, et les enjeux de la lutte contre la cherté de la vie".

Ce troisième scénario constitue "l’hypothèse centrale recommandée à court terme à l’issue de cette évaluation".

Plusieurs recommandations ont par ailleurs été avancées, notamment d'étudier "la possibilité d’exclure de l’assujetissement à l’octroi de mer externe les produits pour lesquels existe un monopole local (par exemple plus de 90 %) ou à l’inverse pour lesquels la production locale pour des produits équivalents est très faible (moins de 10 %) et a fortiori inexistante".

D'ici 2025, il est aussi recommander " de "prévoir une exonération obligatoire et non plus facultative du paiement de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional à l’importation pour les biens concourant aux missions régaliennes de l’État et à la santé.

À plus long terme, "il paraît souhaitable de ne pas éluder un scénario "de rupture" via une suppression du dispositif d’ici 2027 et la substitution d’une ressource alternative" conclut la Cour des comptes.

- La Région répond -

Suite à la publication de ce rapport, la Région "tient à exprimer son désaccord sur plusieurs points fondamentaux".

"Tout d'abord, malgré mes observations dans le cadre de la procédure contradictoire, je constate que l'octroi de mer reste perçu par la Cour comme un "outil complexe, incohérent, opaque aux objectifs ambigus", ce que nous contestons. Par ailleurs, en dépit des efforts visant à présenter quelques traits de la politique fiscale locale, la méthodologie choisie privilégie une approche globale à l'échelle des 5 DROM aboutissant à une vision biaisée voire déformée du dispositif de l'octroi de mer à La Réunion" estime Huguette Bello.

La Région se dit opposées à la plupart des recommandations exprimées dans le rapport, "qui apparaissent anachroniques au moment où est évoquée par l'ensemble des acteurs institutionnels la nécessité d'un nouvel acte de Décentralisation". Retrouvez la réponse complète sur ce lien.

www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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7 Commentaires
as
as
7 mois

si vous mettez la TVA meme régionale ( je sais pas ce que la cour des comptes entend par régionale) a 20% je sais pas si le changement seras éfficace sur la vie chère;

Anne
Anne
7 mois

Une réforme en profondeur de nos institutions serait nécessaire et plus efficace quoi qu'en pensent nos élus,qui ne veulent pas entendre parler pour conserver leurs trains de vie une réduction du nombre de députés et réduction de leurs indemnités et avantages.ce n est pas possible de faire coexister deux assemblées région et departement une aberration et spécificité réunionnaise.

Eric
Eric
7 mois

Pourquoi nos élus ne veulent pas d' une collectivité unique afin de réduire les coûts de fonctionnement,notamment en frais de personnel et de fonctionnement,les contrôles de la part des autorités devraient être systématiques et répressifs ,la réduction du nombre de députés a quoi bon tous ces députés et sénateurs qui ruinent les finances publiques .

Sopalin
Sopalin
7 mois

La population doit ouvrir les yeux ça dure depuis tellement d'années

hamed
hamed
7 mois

la taxe post coloniale ne déplait pas à ses élues sans scrupules. qui gèrent ses population comme des klenex.

lamaoque
lamaoque
7 mois

Comment font les collectivités en Métropole ou il n'y a pas d'Octroie de mer? Et bien comme tout le monde elles réduisent les effectifs au stricte nécessaire et arrête d'employer des gens qui ne font rien...

HULK
HULK
7 mois

Principale,voire vitale, ressource pour certaines collectivités, tout le monde sait que l'impact économique de l'octroi de mer est nul, et même désastreux. Mais il en arrange beaucoup et ce n'est pas demain la veille que l'on va le modifier. Les mauvaises herbes sont plus tenaces que les bonnes. Hélas.