Réforme en suspens, crise des vocations...

Éducation : sans ministre en titre, la rentrée scolaire s’annonce d’ores et déjà compliquée

  • Publié le 16 août 2024 à 11:37
  • Actualisé le 16 août 2024 à 11:39

La rentrée scolaire aura ce lundi 19 août 2024. Elle se fera dans un climat de grande incertitude. Qui sera ministre de l’Éducation nationale. Y aura-t-il vraiment un enseignant devant chaque classe ? Les réformes seront-elles maintenues ? Le retour en classe s'annonce d'ores et déjà difficile (Photo rb/www.imazpress.com)

Lors d'une allocution télévisée, Emmanuel Macron a annoncé "qu'il ne nommerait pas de nouveau gouvernement avant la fin des Jeux olympiques". Soit pas avant "la mi-août". "On doit être concentré sur les Jeux", avait-il déclaré.

La fin des Jeux a eu lieu le 11 août et la rentrée scolaire dans notre a lieu le 19 août...  La Réunion fera donc sa rentrée avec une "ministre des affaires courantes".

Au ministère on se veut rassurant. Comme si de rien n'était la ministre démissionnaire de l'Éducation, a continué de dérouler sa feuille de route.

La traditionnelle circulaire de rentrée a même été publiée au Bulletin officiel de l'Éducation nationale. Mise en œuvre du choc des savoirs, réforme du lycée professionnel, expérimentation des pôles d'appui à la scolarité (PAS) : cette feuille de route annonce l'entrée en vigueur de plusieurs mesures déjà annoncées par le gouvernement... mais dont la situation politique rend incertaine l'application.

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Brevet obligatoire, nouveaux programmes au primaire, groupe de niveaux… Plusieurs politiques annoncées par le gouvernement à partir de septembre 2024 sont suspendues depuis l'annonce de la dissolution par Emmanuel Macron.

"La circulaire de Madame Belloubet ne vaut rien puisque le gouvernement a présenté sa démission", souligne Joël de Palmas de la CGTR Éducation

"Là aujourd'hui on a un double problème, c'est est-ce que les réformes vont continuer ? Est-ce que le dispositif du choc des savoirs va être en application ?", lance-t-il.

"Personne ne saura quelle sera la politique du gouvernement. Les résultats de l'élection ont rebattu les cartes et nous dans l'Éducation, on ne sait pas quelles seront les perspectives et les moyens pour la rentrée."

Selon le syndicaliste, c'est comme "si l'Éducation nationale était considérée comme un paquebot. La mer est agitée et le navire et sans commandant, malgré un équipage à bord". "On n'a pas de cap, pas de destination." "C'est la première fois dans toutes mes années de carrière que je rencontre cette situation", ajoute-t-il.

"Si on a de l'espoir, de l'autre côté on se demande ce qui va arriver, est-ce que ça va être pire, meilleur ?", se demande Joël de Palmas.

"Les rentrées sont souvent des moments de communication importants pour le gouvernement. L'an dernier, tout tournait autour de l'uniforme, de l'abaya, de l'autorité des enseignants pour séduire l'électorat d'extrême droite. À cette heure, impossible de dire quels seront les symboles mis en avant à partir du 15 août", ajoute Éric Annonier de Sud Éduc'Action

"La rentrée, nous l'avons déjà préparée, et on s'adaptera d'autant que nous serons les premiers. Pour le moment il est urgent d'attendre", poursuit Éric Dijoux de l'Unsa.

Autre inquiétude majeure des professionnels : la réforme de la formation initiale des enseignants.

La réforme censée rendre plus attrayant le métier d’enseignant ne verra pas le jour… à moins que le prochain gouvernement reprenne les travaux en cours et fasse aboutir ladite réforme.

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- Cherche enseignants désespérément -

Même si le ministère de l’Éducation nationale a malheureusement l’habitude de gérer la valse des ministres, l’instabilité politique actuelle aggrave les difficultés déjà bien identifiées.

L’école se prépare à une rentrée difficile faute d’enseignants en nombre suffisant.

Selon les nouveaux chiffres du ministère, sur 27.589 postes d’enseignants ouverts en 2024, 3.185 n’ont toujours pas été pourvus.

L’académie de La Réunion "étant très attractive, il n’y a aucune difficulté de recrutement de professeurs des écoles chez nous, et tous les postes proposés au CRPE organisé par l’académie sont pourvus sans problème", indique le rectorat.

À La Réunion, pour cette rentrée d'août, ils seront environ 18.000 enseignants dont 1.000 sont titulaires remplaçants et 1.200 sont contractuels.

Cela veut-il dire qu'il y aura bien un enseignant devant chaque classe ? "Le rectorat y travaille." "Pour le premier degré, les 25 candidats qui étaient sur la liste complémentaire du CRPE 2024 ont également été pris (en plus des 178 sur la liste principale", précise l'académie.

"Pour le second degré, pour les disciplines en tension, il est fait appel à titulaires de zone de remplacement et des contractuels."

Si La Réunion n'est pas – selon l'Académie – concernée, il ne faut pas non plus se leurrer, des professeurs, il en manque.

"On ne doit pas cacher les choses. On s'aperçoit qu'il y a une baisse et que même si là on pense être à l'abri on risque vite d'être rattrapé par cette crise de recrutement", alerte Joël de Palmas.

"Cela fait plusieurs années qu'on tire la sonnette d'alarme sur le déficit de recrutement dans l'enseignement", lance-t-il.

Après oui "il y a quelqu'un devant les élèves car c'est une obligation de manière structurelle". Et quand dans tous les cas "on aura recours à des contractuels" puisque "même si on a un petit vivier de titulaires remplaçants, ce n'est pas suffisant". "Ils comblent les manques."

"Dans notre département, la rentrée se fera, et nous aurons des agents non titulaires. Nous demanderons à ce que le plus grand nombre de supports le soient par des agents titulaires", réclame Éric Dijoux de l'Unsa.

Face à la lente érosion des effectifs, l'Éducation nationale a donc recours à des contractuels – 1.200 selon les derniers chiffres de l'Académie de La Réunion.

"La politique de recrutement reste malheureusement la même que ces dernières années car le calibrage ministériel reste nettement insuffisant pour notre académie. De nombreux lauréats de concours vont notamment devoir aller faire leur année de stage en métropole et on va devoir faire appel à des contractuels, ce qui coûte nettement moins cher", s'indigne Éric Annonier.

- "Crise des vocations" à l'école -

Les résultats des différents concours de recrutement des enseignants sont tombés, et le constat est sans appel : le "plus beau métier du monde" n'attire plus.

Pour Jennifer Laupin, co-secrétaire académique du Snuipp-Fsu, "il y a une vraie crise du recrutement".

"Les collègues de plus en plus ne trouvent plus de sens au métier, la faute essentiellement due aux demandes sans cesse changeante de notre ministère", appuie Éric Dijoux.

Une crise qui s'explique par "la multitude de réformes, le découragement des personnels face au peu de visibilité sur ce métier".

Mais aussi "l'insuffisance des salaires et l'appauvrissement des catégories des enseignants avec une charge toujours plus importante".

"Cela fait quelques années que les concours ne font plus le plein. Les raisons sont multiples : attractivité, sens donné au métier, mission attendue… bref, nos futurs collègues ont du mal à cerner ce que l'on demande, et les collègues déjà en poste également…", ajoute Éric Dijoux.

"On continue à faire des économies sur les services publics sans jamais chercher à augmenter les recettes de l'état. Sur le terrain, ça signifie un enseignement de moindre qualité et des absences non remplacées", déplore Éric Annonier de Sud Éduc'Action.

"Il y a toujours des efforts à faire du point de vue de la rémunération. Je pense notamment aux milieux de carrière qui doivent bénéficier également d’une revalorisation", a reconnu la Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Nicole Belloubet, sur franceinfo.

Il reste à savoir si cet aveu sera suivi de mesures concrètes

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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