Académie de La Réunion

À l'aube de son départ, Chantal Manès-Bonnisseau part "avec le sentiment qu'on aurait pu faire plus"

  • Publié le 10 juillet 2023 à 12:13
  • Actualisé le 10 juillet 2023 à 15:04

Au revoir Madame Chantal Manès-Bonnisseau. Le 1er août 2023, l'actuelle rectrice de La Réunion quittera officiellement ses fonctions et laissera son fauteuil à la personne qui lui succèdera – mais dont on ne connaît pas encore le nom. Ce lundi 10 juillet, à quelques jours de son départ en retraite, l'heure est venue pour elle de faire le bilan de ces trois années passées à la tête de l'Académie. Un bilan émaillé par les grèves et la crise Covid, mais qui reste dans la majorité très positif, même pour les syndicats (Photo : rb/www.imazpress.com)

Chantal Manès-Bonnisseau – toujours rectrice – retient de ses trois années à la tête de l'Académie un bilan plutôt positif, malgré un goût d'inachevé.

"Je me sens à la fois fière et triste de quitter l'Académie de La Réunion après ces trois ans très actifs avec tout d'abord la gestion d'une crise sanitaire mondiale." Et en même temps, "un projet académique avec des perspectives claires, des objectifs clairs".

Des objectifs que la rectrice a voulu mettre en œuvre durant ces trois années. Le premier, le travail dans de bonnes conditions, l'égalité des chances pour tous, la lutte contre les discriminations sociales, l'acquisition des fondamentaux et la valorisation de la voie professionnelle.

"Ma plus grande satisfaction c'est qu'on a vraiment commencé à changer le regard que les lycées professionnels portent sur eux-mêmes."

La rectrice évoque également le dialogue social. "Un dialogue apaisé", dit-elle. Chantal Manès-Bonnisseau qui a tenu d'ailleurs à saluer la responsabilité des syndicats lors des deux crises auxquelles La Réunion a été confrontée. La première, celle de la réforme des retraites. "Tous les lycées ont fonctionné, tous les élèves ont pu passer le bac et aucun lycée n'a été bloqué", souligne-t-elle.

Une rectrice qui a d'ailleurs fait ses classes ici, à La Réunion. Terminer sa carrière ici pour elle, "c'est un très beau symbole. Un grand honneur et de bonheur de servir l'Académie de La Réunion".

Lire aussi - Académie : La rectrice Chantal Manès-Bonnisseau partira à la retraite début août

- Mais trois années inachevées -

Mais sur ces années d'exercice à la tête de l'Académie, Chantal Manès-Bonnisseau éprouvent quelques regrets, non sans une pointe d'émotion.

"On part toujours avec le sentiment qu'on aurait pu faire beaucoup plus, qu'il reste beaucoup de choses à faire et à La Réunion comme ailleurs, on peut identifier plusieurs pistes de progrès", dit-elle.

"Il y a beaucoup de choses et l'on voudrait avoir dix années devant soi pour continuer à faire avancer tout cela."

Elle parle notamment des mathématiques. "En maths nous avons fait beaucoup de progrès cette année, mais faut continuer."

"On doit encore travailler sur l'égalité des chances, la lutte contre les discriminations sociales et puis les deux sujets qui nous occupent, c'est l'école inclusive et la lutte contre le harcèlement scolaire."

Des dossiers qui, elle l'espère, seront pris en compte par la personne qui lui succèdera. "Je fais confiance au ministère. Je sais que je me suis inscrite dans la continuité et que mon successeur s'inscrira dans la continuité et posera sa marque et s'adaptera au contexte local", conclut la rectrice.

- Et les syndicats, ils en pensent quoi ?

Pour Éric Annonier de Sud Éducation, le bilan de la rectrice est plutôt positif. Positif dans le sens où – même "si elle devait suivre la voix de son maître (le ministre de l'Éducation), c'est quelqu'un de compétent qui a suivi les dossiers, contrairement à son prédécesseur".

Concernant son mandat, "c'est quelqu'un de sérieux, à l'écoute, qui a remis de l'ordre dans la maison", dit-il.

Certes après, des désaccords persistent entre la rectrice et les syndicats, notamment "avec les choses que le gouvernement veut mettre en place".

Après, "quand l'organisation syndicale dénonçait la politique gouvernementale, elle a toujours rétorqué qu'il ne faut pas faire de politique dans les instances sociales alors que les décisions que l'on subit sont des décisions politiques". Et "la politique en matière d'éducation est catastrophique", poursuit Éric Annonier.

Sur les sujets sécurité et manque d'AESH", c'est toujours pareil", note le syndicaliste. "Elle ne peut pas aller au-delà du budget alloué par le ministère". Mais là où couac il y a eu, "c'est lorsqu'à la rentrée elle a embauché des contractuels alors qu'il y avait des enseignants sur listes complémentaires dans le premier degré".

Pour Jérôme Motet du Snalc de l'enseignement au supérieur, "ce qui est malheureux c'est qu'elle a dû mettre en place la politique gouvernementale, porteuse d'injustices sociales". "Mais ce n'est pas de sa faute", dit-il. "Elle a été obligée d'accompagner ces réformes délétères et injustes."

Ce que Jérôme Motet a également noté c'est l'important désaccord avec la rectrice sur les effectifs. "Elle justifiait coûte que coûte les suppressions de moyens par la baisse démographique." "C'est injustifié quand on a des établissements avec près de 900 élèves."

Concernant la politique de l'inclusion, "on avait annoncé que le tout inclusion était mensonger". "Les élèves avec de lourds handicaps ont besoin de personnel autour sauf que maintenant on voit des parents qui demandent de plus en plus d'AESH mais l'éducation est débordée."

De même pour le bac, "on avait dit qu'il y aurait une perte des élèves dès le mois de mai. Madame la rectrice a dit et pourtant cela a été une évidence", note Jérôme Motet.

Toutefois, malgré ces points de discorde, le Snalc reconnaît qu'avec Chantal Manès-Bonnisseau, "le dialogue a été possible, ce n'est pas quelqu'un de fermé dans sa posture". "Il y a eu du concret, elle était pragmatique sur certains sujets et c'est profitable d'avoir quelqu'un comme ça. Et dès lors qu'elle ne connaissait pas le sujet, elle voulait en savoir plus."

Autre point positif pour Jérôme Motet, "c'est que c'est la première femme réunionnaise rectrice". "Pour moi symboliquement c'est extrêmement fort et riche pour notre académie et nos élèves."

Là où il fut surpris, c'est "que Chantal Manès-Bonnisseau est une grande communicante. Elle est très moderne là-dessus." Et "quelque chose qui m'a étonné, c'est qu'elle le fait avec des positions honnêtes et claires, elle va jusqu'au bout. Elle représente le monde de l'école et elle l'incarne avec beaucoup de force", poursuit-il.

Marie-Hélène Dor de la FSU a elle aussi son avis sur la rectrice. "Quand elle est arrivée dans l'académie, elle nous avait paru très au fait des dossiers, ce qui contrastait avec le précédent recteur qui découvrait sa fonction." Et cette impression a demeuré.

Toutefois, "beaucoup de choses sont venues ternir cette image". "Il y a eu un manque de dialogue social réel, avec peu d'audiences". "Il y a eu une forte présence médiatique pour annoncer des plans, inaugurer, mais dans les faits, bien peu d'écoute à l'égard des organisations syndicales."

Selon Marie-Hélène Dor, "il y eut une très faible prise en compte de la réalité du terrain sous sa mandature. C'est "en tout cas le regard que nos militants portent".

Ce qu'aimeraient les syndicats par la suite – pour le successeur – c'est "d'améliorer le dialogue social".

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

guest
0 Commentaires