A La Réunion comme dans l'Hexagone

Les remarques et comportements sexistes au travail font (toujours) de la résistance

  • Publié le 17 juin 2023 à 07:30
  • Actualisé le 17 juin 2023 à 10:20

Le sexisme a encore de beaux jours devant lui. Selon le deuxième baromètre publié jeudi 15 juin par le collectif d'entreprises Stop au sexisme ordinaire en entreprise (#StOpE), 8 femmes sur 10 estiment que les attitudes et décisions sexistes sont "régulières au travail". Parmi les femmes interrogées, elles sont aussi plus de 75 % à avoir indiqué être confrontées régulièrement à des blagues sexistes. Et si aucun chiffre n'a été donné pour La Réunion, difficile d'imaginer que la situation n'est pas la même dans l'île. (Photo photo RB imazpress)

"Les blagues et remarques sexistes, c'est tous les jours malheureusement quand on travaille dans un bar" souffle Clémence*, barmaid dans un établissement de Saint-Denis. De la part de clients ou de collègues, cette sainte-marienne de 29 ans est confrontée quasi-quotidiennement à des blagues sexistes, voire des comportements agressifs.

L'alcool et la désinhibition aidant, le monde de la restauration est parfois – très – violent lorsqu'on est une femme. "Et ça se passe aussi bien en salle que dans les cuisines" regrette Clémence. Clients qui insistent pour avoir son numéro de téléphone, qui attendent la fin de son service, qui tentent de lui faire boire de l'alcool…La liste est longue pour cette barmaid dans le métier depuis quasiment dix ans désormais.

Mais il n'y a pas que dans le milieu de la nuit que ces problématiques existent, loin de là. Parfois, au sein même des écoles, les clichés et remarques sexistes fleurissent aussi. "J'ai eu de nombreux problèmes dans mon ancien établissement parce que je ne porte pas de soutien-gorge" se rappelle Jessica*, agente de l'Education nationale.  "C'est un collègue qui m'a signalée à la direction, affirmant que je distrayais les élèves avec mes vêtements et mon manque de pudeur. La direction s'est rangée de son côté" fulmine-t-elle.

"Dans l'Education nationale, les remarques sexistes, c'est tous les jours. Dernièrement, un collègue a expliqué que les femmes avaient dans leurs gènes de faire le ménage et de s'occuper des enfants. On scrute aussi la tenue des élèves féminines, jamais celles des garçons, c'est quelque chose de vraiment récurrent. Et ces remarques de collègues masculins sont faites directement aux jeunes filles, on leur dit que les garçons n'arrivent plus à se concentrer à cause d'elles" observe-t-elle.  

Et si le ministère de l'Education nationale assure que la lutte contre les discriminations et les inégalités est une priorité, dans les faits, cela semble plus compliqué. "C'est une grosse blague, c'est hypocrite" assène Jessica. "C'est juste pour se donner bonne conscience et bonne image, mais il n'y a rien dans les faits. En réalité, les comportements sexistes continuent et ne sont pas sanctionnés. Je n'ai jamais vu une intervention dans les établissements où j'ai travaillé pour parler de sexisme, même pour l'éducation à la sexualité les heures ne sont pas respectées" regrette-t-elle.

- Le milieu de l'art est "en retard" -

Le milieu de l'art n'échappe pas non plus à la – triste - règle. "On déplore toujours ces attitudes sexistes, qui sont bien souvent dues au déséquilibre qui existe dans le secteur : les postes à responsabilité sont tenus très largement par les hommes" souligne Sandrine Ebrard, co-présidente du Mouvman FH+ Réunion. "Hélas, pour beaucoup d'entre eux, j'ai l'impression que le pouvoir leur fait penser qu'ils peuvent tout se permettre."

Pour avoir une meilleure visibilité sur les agissements sexistes dans le secteur de l'art, plusieurs artistes ont créé le Mouvman FH+ Réunion. "On est très peu au fait de l'ampleur de la gravité du phénomène à La Réunion, c'est pour ça qu'on a voulu monter une branche réunionnaise du mouvement, pour pouvoir aller sur le terrain et avoir des retours de la profession" indique Sandrine Ebrard. "Le problème de la culture, c'est que c'est un milieu qui fait rêver, tout le monde se connait, le sujet des violences ou même du mal-être au travail sont un peu tabous, la ligne entre travail et vie personnelle est beaucoup plus floue…On est en retard par rapport à d'autres secteurs."

"Même avant le lancement du mouvement, nous avons eu des remontées sur pas mal d'élèves qui se plaignent du comportement de certains intervenants dans des structures d'enseignements" assure-t-elle. "Il y a des faits plutôt "minimes" comme des remarques sexistes, mais aussi des événements bien plus graves avec des témoignages de harcèlement sexuel, d'agressions sexuelles, mais aussi malheureusement de viols" regrette-t-elle.

Les membres de l'association souhaitent donc se former pour accompagner les victimes, savoir comment réagir, comment gérer les conflits… "Le gouvernement a mis en place des choses mais on ne change pas les mentalités et les comportements juste avec les lois, c'est tout un mécanisme qu'il faut déconstruire" estime Sandrine Ebrard.

"Le travail va être est long, il y a des personnes qui ont pris des mauvaises habitudes, les décideurs sont majoritairement masculins. Aujourd'hui on a une volonté de rééquilibre, de plus en plus de femmes qui veulent parler et changer les choses, elles ont envie de faire en sorte que la donne change. C'est infernal qu'en 2023 nous ayons toujours les mêmes problèmes" termine-t-elle.

Une observation que le baromètre semble confirmer : parmi les personnes interrogées, "la moitié des salarié.es se déclare plus attentive aux propos et comportements sexistes. C’est deux fois plus que la moyenne nationale". Et ce grâce aux formations et la sensibilisation au sexisme dans le monde du travail. "En deux ans, la part des salarié.es ayant bénéficié d’une formation sur le sexisme au travail a plus que doublé dans les entreprises membres du collectif #StOpE" conclut le rapport.

*Les prénoms ont été modifiées

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