Depuis fin avril, l'opération "Wuambushu" a officiellement débuté à Mayotte. Toutefois, si le gouvernement a envoyé ses troupes dans l'île au parfum pour endiguer la violence et procéder aux décasages – qui sont pour l'heure à l'arrêt, comme les expulsions – le gouvernement a oublié un facteur très important, l'humain. Car oui la violence fait rage, oui des personnes sont en situation irrégulière… mais derrière ces expulsions, l'État a-t-il pensé aux familles dont les enfants – parfois très jeunes – sont eux nés sur le sol français ? (Photo : sly/www.imazpress.com)
À Saint-Denis, exceptionnellement, nous avons pu, grâce à la Croix-Rouge, interroger deux femmes. Deux Comoriennes en situation d'évacuation sanitaire (Evasan) à La Réunion, deux mères de famille également qui ont accompagné l'un de leurs enfants pour être soigné.
Mais ces femmes, dont certaines ne parlent pas français, ont laissé leurs familles, leurs proches à Mayotte pour bénéficier de soins. Des proches qui se retrouvent actuellement au milieu des violences et qui risquent à tout moment de voir leur maison détruite et de se faire expulser. Des femmes qui ont laissé un enfant à Mayotte, un enfant né français et donc non expulsable.
Écoutez leurs témoignages.
- "On ne sait pas comment ils vont s'en sortir ?" -
Depuis quelque temps, cette mère de famille est à La Réunion pour des raisons de santé. Elle est accompagnée de son garçon, lui aussi suivi médicalement.
En venant dans notre île, elle a dû laisser son enfant de huit ans avec l'un de ses proches. Un proche originaire d'Anjouan et actuellement en situation irrégulière qui réside dans un quartier de Mamoudzou visé par les destructions prochaines.
"C'est une situation très difficile parce que j'ai laissé un enfant là-bas. La personne qui le garde n'est pas en situation régulière, sans papier. On ne sait pas comment ils vont s'en sortir", confie-t-elle, par le biais de sa traductrice.
"Mon enfant est né à Mayotte mais, s'ils cassent la maison dans laquelle ils sont, ils vont se retrouver dehors ou retourner à Anjouan", craint-elle. "Je ne veux pas que mon enfant aille à , elle est née à Mayotte, j'aimerais la récupérer", témoigne la maman.
Pour l'heure, pas de solution pour faire venir l'enfant, ni même d'information sur l'avenir de sa fille, née en France.
- "Si mes parents se font expulser, ma petite née à Mayotte se retrouvera sans personne" -
Une autre maman d'origine Comorienne a également accepté de nous livrer son poignant témoignage. Anjouanaise d'origine, elle est à La Réunion pour accompagner son enfant en Evasan. Cela fait deux ans qu'elle est à La Réunion.
Mais pour assurer une meilleure santé à son enfant, elle a dû laisser sa petite fille de trois ans avec ses parents. Des parents qui vivent à Mayotte, dans le quartier de Kawéni – visé par les décasages - depuis plus de six ans mais désormais menacés d'expulsion, car en situation irrégulière.
"J'ai très peur, parce que ma famille est là-bas et ce n'est pas évident", se confie-t-elle. "Mon enfant est petite est ça me fait peur car je n'ai pas beaucoup de nouvelles. J'aimerais qu'elle soit ici avec moi. Je ne sais pas comment faire pour la faire venir."
"Si jamais mes parents se font expulser, ma petite née à Mayotte se retrouvera sans personne. Je n'ai pas de solution", témoigne la mère, dans la crainte face à l'inconnue de la situation et au peu d'informations dont elle dispose.
Une mère qui dénonce les violences. "Tout le monde n'a pas des enfants délinquants. Moi, je respecte les lois mais là ils généralisent tout le monde, que cela soit les Comoriens ou les Anjouanais."
Pour rester en contact avec leurs familles, la Croix-Rouge de La Réunion en lien avec la Croix-Rouge à Mayotte et le Comité international de la Croix-Rouge essaye de mettre en place des outils de la mission RLF (Rétablissement des Liens Familiaux) qui vise à garder la trace de proches disparus en terrain de crise ou en situation d'exil.
Il est par exemple demandé aux personnes concernées à Mayotte d'apprendre par coeur un numéro de téléphone pour joindre la famille ou de venir déposer des informations auprès d'un point contact de la CRF, qui sera chargé de faire le lien avec la famille cherchant des nouvelles.
- À Mayotte, les mineurs isolés livrés à eux-mêmes -
Des destructions de bidonvilles, des expulsions massives des personnes en situation irrégulière. Si l'opération est soutenue par certains Mahorais, d'autres s'inquiètent pour l'avenir de tous ces enfants nés sur le sol français, mais dont les parents ou proches ne le sont pas.
"Pour moi, c'est du séparatisme, c'est déplorable", témoigne une bénévole originaire de Mayotte. "Je ne comprends pas cette polémique sur l'exclusion des uns et des autres. Il y a beaucoup d'étrangers à Mayotte, pas seulement des Comoriens."
Ce qu'elle craint, ce sont tous ces jeunes qui risquent d'être livrés à eux-mêmes. "À Mayotte il n'y a pas de structure de loisirs, pas d'activités pour les jeunes, le système scolaire est très minime." Avec cette opération – et les décasages qui ont déjà commencé bien avant fin avril – elle redoute de voir davantage de mineurs seuls dans la rue. "C'est d'ailleurs comme ça que la délinquance a commencé", dit-elle. "Avec les jeunes non expulsables livrés à eux-mêmes qui, pour survivre, ont commencé à faire n'importe quoi."
Nathalie Bassire, députée de La Réunion, a déclaré : "je suis contre l'immigration illégale et pour la déconstruction des bidonvilles mais les enfants, où iront-ils, y-a-t-il eu anticipation pour le logement".
Une accentuation des mineurs isolés qu'évoque également l'association Solidarité Mayotte, "cette opération peut accentuer le nombre de mineurs isolés (parents expulsés) qui faute de cadre, risquent plus tard de contribuer aux phénomènes de délinquance que cette opération prétend combattre".
Le collectif Mayotte en souffrance que nous avons contacté indique, "il est de la responsabilité des parents expulsés de prendre en charge leurs enfants avec eux vers leurs territoires d'origines. Des dispositifs peuvent être mis en place entre le Préfet et les mairies à partir des extraits de naissance pour savoir si une telle ou une telle personne en situation irrégulière à un enfant sur le territoire".
À Mayotte, selon les dires de la députée Estelle Youssouffa, ils sont entre 3.000 et 4.000 mineurs isolés, sans aucun parent. L’Insee met en cause la natalité élevée, ce qui a donné plus de 10.000 naissances en 2021 pour une population d’environ 300.000 habitants. Des pères et des mères qui se retrouvent fréquemment expulsés du territoire, abandonnant leurs enfants, seuls à Mayotte.
Selon la procédure française, "le père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France bénéficie d'une protection dite relative. Il doit être non-polygame et contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins 1 an.
La protection peut toutefois être retirée. En effet, l'étranger peut être expulsé en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique ou de condamnation définitive à 5 ans ou plus de prison ferme.
Un mineur ne peut pas faire l'objet d'une expulsion. Toutefois, il peut être éloigné avec ses parents s'ils sont tous les deux expulsés.
Lire aussi - Pléthore de moyens, d'hommes et de communication pour la "non opération" Wuambushu
Lire aussi - Wuambushu : chronique annoncée d’un fiasco post-colonial
ma.m/www.imazpress.com/[email protected]
Je ne comprends pas comment des personnes en situation irrégulière peuvent venir ce faire soigner à la Réunion ,, ou c’est ,moi qui ne comprends rien ,,,la France ,Mayotte et la Réunion ne s’entre sortiront jamais des cette immigration clandestine Comorienne ,,,,il fallait réagir avant maintenant il est trop tard
A quoi pensait leur parents avant d'arriver là...
Merci pour cet article qui enfin soulève le vrai problème.
Le gouvernement francais est responsable de ces enfants. Sans orphelinats pour les prendre en charge, ils sont récupérés par des bandes et donc alimentent l'insecurite (tous ces enfants sans parent ont faim ! Et n'ont aucune education).
N'oublions pas que ce sont des enfants français (par le droit du sol).
Bonjour.
Ce n'est pas "risquent de se retrouver" mais SE RETROUVENT A LA RUE.
Ils sont récupérés et "proteges" par des bandes.
C'est le gouvernement français qui crée la délinquance à Mayote.
C'est le gouvernement francais qui renvoie des parents mais ne crée pas d'orpholinats pour les enfants qui restent.
Quand va-t-on enfin ouvrir les yeux sur le parcours des jeunes délinquants FRANCAIS par droit du sol ? Et leur donner l'attention qui permettra de diminuer la délinquance à moyen terme.
Ils sont nombreux à venir à Mayotte pour se faire évacuer sanitaire (évasan) à la Réunion, aux frais des contribuables. Sans piéce d'identité, la préfecture de Mayotte établit des "laisser-passer".