Santé

Alcool : ce fléau tue plus de 450 personnes tous les ans à La Réunion

  • Publié le 4 octobre 2022 à 11:37
  • Actualisé le 17 octobre 2022 à 09:12

Accidents, maladies chroniques, naissances prématurées... L'alcool à La Réunion, est responsable d'un taux de mortalité deux fois supérieur à celui de la métropole. "Chaque année, on dénombre plus de 450 morts dus à l'alcool dans notre département", déclare le Docteur David Mété, chef du service addictologie au CHU de Bellepierre à Saint-Denis. Pour alerter sur ce fléau, la 5ème édition de la journée sans alcool est organisée jusqu'au samedi 8 octobre 2022. À cette occasion, de nombreuses actions sont mises en place afin de sensibiliser les plus jeunes aux dangers de l'alcool (Photo d'illustration : rb/www.imaz.com)

À La Réunion, le taux de mortalité liée à l’abus d’alcool est deux fois supérieur au taux métropolitain. L’alcool est responsable d’un décès sur six et de 15 passages aux urgences chaque jour, selon les chiffres de la délégation ministérielle à la sécurité routière. "La Réunion est également le département qui a le plus haut taux de mortalité du à l'alcool pour les personnes âgées de plus de 50 ans", rappelle David Mété.

Selon ce dernier, il est primordial de "sensibiliser en priorité la jeunesse aux risques liés à l'alcool". "Il faut que l'on cible en priorité ceux qui n'ont pas encore touché à une goutte d'alcool, avec pour objectif qu'ils n'y touchent jamais", explique-t-il.

Pour cela, la Fédération régionale d'addictologie de La Réunion et l'association Les Maillons de l'espoir lancent la 5ème édition de la journée sans alcool et la semaine de prévention des addictions qui se tient jusqu'à samedi. Cette semaine de prévention sera marquée par des interventions de la part des professionnels de santé et des membres de l'association Les Maillons au sein des écoles, collèges et lycées de Saint-Denis, mais aussi par des opérations "aller-vers" dans plusieurs quartiers de Saint-Denis.

Pour clôturer la semaine, un "village de la prévention des conduites addictives et des comportements à risques" sera organisé ce samedi au Jardin de l’État à Saint-Denis Ce sera notamment l'occasion de créer une interaction entre la population et les professionnels de santé. "De nombreux artistes dont Danyel Waro vont venir animer cette journée, mais aussi délivrer des messages et montrer que l'on peut avoir de nombreux moments de convivialité, sans pratiques addictives", énonce le médecin addictologue.

L'artiste Mathias Vienne, plus connu sous le nom de Tias, parrain de cette édition, a également écrit une "musique participative", "Mon Lumière" sur les questions des addictions. Toutes les personnes qui souhaitent s'engager ou lutter contre les formes d'addictions peuvent se rendre à la Cité des Arts pour contribuer à l'écriture de cette chanson. "En tant qu'artiste, on peut véhiculer aussi un message fort !", souligne Tias. Il ajoute "c'est pourquoi, je souhaite enregistrer cette chanson qui sera considérée comme un outil de sensibilisation."

- L’alcool, première cause de mortalité au volant -

On le sait trop bien, l'alcool est responsable de nombreux accidents sur les routes. C'est d'ailleurs la première cause de mortalité au volant à La Réunion. Pour rappel, le risque d'être responsable d'un accident mortel est multiplié par 17,8 chez les conducteurs alcoolisés. Le risque d'accident est quant à lui multiplié par trois à 0,5g par litre de sang et par 8 à 0,8g par litre de sang.

« Ne laissez pas quelqu’un qui a bu reprendre la route et incitez les conducteurs à désigner un « Sam » avant de sortir » »

la Préfecture.

Pour autant, malgré une sensibilisation constante de la part des différentes instances, dont la sécurité routière, la préfecture, le Département ou encore les communes et les hôpitaux, de nombreuses infractions sont encore relevées pour des conduites sous emprise d'alcool. En effet, ce week-end encore, du 30 septembre au 2 octobre 2022, 7 infractions sous emprise d'alcool ont été relevées par la gendarmerie.

En 2021, la part des personnes tuées à La Réunion dans des accidents mortels impliquant au moins un conducteur alcoolisé était de 38%, contre 40% en 2020. Parmi les accidents corporels dont l'alcoolémie des conducteurs est connue, 14% d'entre eux ont un conducteur dont l'alcoolémie était supérieure à la réglementation en vigueur.

- 1,12 bébés sur 1.000 naissent avec le syndrome d'alcoolémie fœtale à La Réunion-

Dans notre département, l'alcool ne cause pas seulement des accidents routiers, il provoque des dégâts graves dans les familles, et notamment pour les femmes enceintes. À La Réunion, plus d'un bébé sur 1.000 nait avec le syndrome d'alcoolémie fœtale (SAF). Un problème méconnu, mais pourtant récurrent à La Réunion, qui touche les mamans consommant de l'alcool pendant leur grossesse. En août 2022, l’association SafFrance estime qu’au moins 270 bébés naissant chaque année sur l’île, est atteint de troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Ce syndrome peut porter atteinte, sous des formes différentes, à l'enfant.

Le SAF est ainsi responsable d’un retard de croissance, de malformations diverses et de troubles cognitifs et comportementaux chez l’humain. Il est la première cause de handicap mental d’origine non génétique et donc la première cause évitable de troubles du neuro-développement. Il y aurait selon Safthon, plus de 17.000 Réunionnais qui vivent aujourd'hui avec ces troubles.

Selon les chiffres de la CAF de l'Océan Indien, la fréquence d’usage d’alcool à risque chronique concerne 2% des femmes à La Réunion. Même si ces femmes sont moins nombreuses qu'en Métropole, elle consomme tout de même, en moyenne, une quantité d'alcool plus importante.

- Règlementation des publicités, fiscalité... -

Suppression de la publicité aux abords des écoles, renforcement de la fiscalité sur la vente d'alcool, vente d'alcool dans des magasins spécialisés... des solutions peuvent être mises en place pour lutter contre l'addiction à l'alcool.

Pour Phillipe Naillet, député à l'Assemblée nationale, la sensibilisation contre l'alcool passe avant tout par le renforcement de la loi Evin, non plus sur "l'encadrement de la publicité sur l'alcool" mais "l'interdiction totale de la publicité autour des établissements d'enseignements". C'est un amendement qu'il souhaite bien faire passer au court de l'année. Pour rappel, la loi Evin ne prohibe pas la publicité en faveur des boissons alcoolisées mais l’encadre strictement.

Tout acte entrant dans la définition de « publicité » est soumis aux restrictions du dispositif EVIN. La publicité est encadrée qu’elle soit directe ou indirecte. De même, la propagande, forme de publicité ne désignant pas une marque mais un produit en général comme le vin ou l’alcool, est également règlementé.

Loi Evin

Le député souhaite également augmenter la fiscalité sur l'alcool pour dissuader l'achat. "Ce n'est pas normal que nous puissions trouver du rhum à très bas prix ici à La Réunion", déplore ce dernier. Pour lui, il serait également important de créer des magasins spécialisés à la vente d'alcool, "pour éviter de vendre des produits de mauvaises qualités", ajoute ce dernier.

- De nouvelles formes de drogues-

Pour le Docteur Mété, cette de semaine de prévention contre les addictions servira également à sensibiliser face aux risques des autres drogues. Selon ce dernier, il faut être vigilant face à ces nouvelles formes de drogues dont le "tabac chimique". "Tout comme on ne boit dans le verre d'un inconnu, il faut vraiment sensibiliser les jeunes à ne pas prendre de cigarette à un inconnu. Il y a en effet, une nouvelle forme de drogue appelée le tabac chimique, très dangereuse pour la santé pouvant créer des intoxications", explique ce dernier.

Pour rappel, d'après l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), le tabac chimique est un mélange de tabac imprégné d'alcool et de cannabinoïdes de synthèse beaucoup plus puissant que le cannabis traditionnel.

D'après une étude de l'OFDT de 2018, le "tabac toxic" a été introduit à Mayotte en 2009. Dès 2014-2015, ses "effets spectaculaires" auraient séduit un large public. Aujourd'hui l'étude montre que c'est auprès des jeunes Mahorais défavorisés que la "chimique" rencontre le plus de succès. Et cette dernière commence à s'émanciper à La Réunion.

jb/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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